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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA01181

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA01181


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugeme

nt n° 2110617 du 22 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2110617 du 22 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2023, M. B..., représenté par Me Aydin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il justifiait d'une résidence habituelle de plus de dix années en France et le préfet était alors tenu, en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son ancienneté et de son intégration dans la société française ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'inscription au fichier du système d'information Schengen :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 22 avril 2024, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions par lesquelles M. B... demande l'annulation de la décision du 30 juin 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dès lors que ce signalement ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Un mémoire a été enregistré le 25 avril 2024 pour M. B..., qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- et les observations de Me Aydin, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 20 août 1979 et entré en France le 5 février 2005 selon ses déclarations, a sollicité le 19 novembre 2020 la délivrance d'un certificat de résidence au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 30 juin 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le fichier d'information Schengen. Par un jugement du 22 février 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction d'y retourner pour une durée de deux ans :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

4. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. B.... Dès lors, la décision contestée, prise à tort sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet de la Seine-Saint-Denis dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. B... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu de confirmer la substitution de base légale prononcée par le tribunal administratif de Montreuil.

6. D'autre part, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que M. B..., auquel le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait opposer une mesure d'éloignement du 13 février 2018 non exécutée pour considérer que son séjour ne pouvait être pris en compte pour la période antérieure, justifie, par la production de nombreux courriers administratifs, d'ordonnances et de factures médicales ainsi que de soixante-dix bulletins de salaire, résider habituellement en France depuis le mois de novembre 2012, soit depuis huit ans et sept mois à la date de la décision en litige. De même, il ressort des pièces produites en appel que M. B... exerce depuis le 15 juin 2015, soit depuis six années à la date de la décision contestée, une activité professionnelle à temps plein en qualité d'ouvrier étancheur, d'abord sous contrat à durée indéterminée conclu avec la société SKR Etanch, puis à compter du 17 novembre 2017, au sein de la SARL GMA Etanchéité, nouvelle dénomination de l'entreprise SKR Etanch, en qualité d'associé à hauteur de 50 % des parts sociales et de salarié en contrat à durée indéterminée. Enfin, il ressort des pièces produites devant la cour, que la société GMA Etanchéité, qui emploie M. B... pour un salaire brut fixé à 2 322,07 euros depuis le mois de février 2020, a déposé le 12 novembre 2020 une demande d'autorisation de travail à son bénéfice. Il fait valoir qu'il pourvoit, sans toutefois l'établir, financièrement aux besoins de sa mère née en 1951, veuve depuis 1996, titulaire d'un certificat de résidence valable du 5 mai 2015 au 4 mai 2024, avec laquelle il vit et se prévaut de sa présence indispensable auprès d'elle. Dans ces conditions, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, en particulier à la durée de sa résidence habituelle en France, ainsi qu'à la stabilité et à l'ancienneté de son insertion professionnelle, et même si l'intéressé est célibataire, sans enfant à charge et qu'il n'est pas démuni de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside son père, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, lesquelles sont dépourvues de base légale.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur le signalement au système d'information Schengen :

8. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions dirigées à l'encontre de cette décision sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu, et alors qu'il résulte de l'instruction que la situation de M. B... n'a pas évolué, en fait ou en droit, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative lui délivre un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2110617 du 22 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 30 juin 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01181 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01181
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AYDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa01181 ?
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