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23/05/2024 | FRANCE | N°23PA00768

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 23 mai 2024, 23PA00768


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Le petit fils A...F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 mai 2021 et lui a refusé l'autorisation de licencier Mme B... E... pour motif disciplinaire.



Par jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à Mme G... la somm

e de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le petit fils A...F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 mai 2021 et lui a refusé l'autorisation de licencier Mme B... E... pour motif disciplinaire.

Par jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à Mme G... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces enregistrés les 21 février et 13 juillet 2023 et les 24 janvier et 4 avril 2024, la société Le petit fils A...F..., représentée par la SCPFabiani Luc-Thaler Pinatel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 8 mars 2022 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 mai 2021 et lui a refusé l'autorisation de licencier Mme E... pour motif disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée du 8 mars 2022 qui retient que la matérialité des faits et l'imputabilité des deuxième, troisième et quatrième griefs ne sont pas établies ;

- la décision du 8 mars 2022 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que c'est à tort que la ministre du travail a considéré que le moyen de preuve utilisé par la société était illicite et devait être écarté des débats, alors que ni l'installation du dispositif ni son utilisation ne sont illicites, que les images n'ont pas été utilisées pour contrôler la salariée dans l'exercice de ses fonctions mais pour attester de l'existence d'un comportement frauduleux constitutif d'une faute lourde et qu'aucune atteinte disproportionnée n'a été portée au respect de la vie privée de Mme E... ; la salariée a reconnu avoir fraudé le système de pointage de présence ; les enregistrements vidéos ne sont pas les seuls éléments de preuve de la fraude imputée à la salariée ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que les aveux de Mme E..., dont la matérialité n'est pas contestée par la ministre et qui ont été certes formulés par l'intéressée après le visionnage des images de vidéosurveillance, sont attestés par des déclarations d'autres acteurs et salariés de sorte qu'ils ne sont pas la seule conséquence de ces images ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle a décidé que la matérialité des faits et de l'imputabilité des deuxième, troisième et quatrième grief n'était pas établies ;

- s'agissant de grief tiré de ce que Mme E... a laissé rentrer deux personnes extérieures à l'entreprise dans la salle des coffres lors de l'inventaire le 4 janvier 2021 sans leur imposer le respect des règles sanitaires et les respecter elle-même alors qu'elle en avait l'obligation, la matérialité des faits et leur imputabilité sont est établies ;

- la décision du 8 mars 2022 est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits s'agissant du caractère fautif du départ injustifié de Mme E... de son poste de travail lors de l'inventaire réalisé le 2 octobre 2020, à 12h15.

Par un mémoire en défense et des pièces enregistrées les 15 juin 2023 et 22 janvier 2024, Mme E..., représentée par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, demande à la cour de rejeter la requête de la société Le petit fils A...F... et qu'il soit mis à la charge de la société Le petit fils A...F... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Le petit fils A...F... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance sans les produire à l'appui de son mémoire.

Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés les 28 février 2024 et 6 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête de la société Le petit fils A...U. Chopard France et à la confirmation du jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris.

Elle renvoie au mémoire en défense déposé devant le tribunal administratif de Paris le 19 octobre 2022 qu'elle produit et demande à la cour de procéder à une substitution de motifs dès lors que les faits reprochés à Mme E... ne peuvent de toute façon pas être établis par un mode de preuve illicite dès lors que les images issues du système de vidéosurveillance n'étaient pas indispensables à l'exercice du droit de la preuve et que l'atteinte portée à la vie personnelle de la salariée n'était pas proportionnée au but poursuivi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... a été recrutée par la société Le petit fils A...U. Chopard France le 12 janvier 2004. Elle occupait en dernier lieu un poste de gestionnaire commerciale et exerçait le mandat de membre de la délégation du personnel au comité social et économique et de trésorière de ce comité. Par courrier du 15 mars 2021, la société Le petit fils A...U. Chopard France a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme E... pour motif disciplinaire. Par une décision du 17 mai 2021, l'inspectrice du travail lui a accordé cette autorisation. Mme E... a formé le 13 juillet 2021 un recours hiérarchique contre cette décision qui a d'abord fait l'objet d'une décision implicite de rejet, née le 13 novembre 2021, puis de la décision du 8 mars 2022 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 mai 2021 et a refusé à la société Le petit fils A...U. Chopard France l'autorisation de licencier Mme E.... Par jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022, dont la société Le petit fils A...U. Chopard France relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail et a mis à sa charge le versement à Mme G... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la légalité de la décision du 8 mars 2022 de la ministre du travail :

2. Il ressort des termes de la décision du 8 mars 2022 de la ministre du travail que celle-ci a indiqué de façon suffisamment précise et circonstanciée les raisons pour lesquelles elle a considéré que la matérialité des faits et l'imputabilité des deuxième, troisième et quatrième grief n'étaient pas établies, en particulier les attestations sur lesquelles elle se fonde pour considérer que les faits en cause ne sont pas établis ou ne sont pas imputables à Mme D..., ce qui permettait à la société Le petit fils A...U. Chopard France de contester utilement les appréciations auxquelles la ministre a procédé, ce qu'elle a d'ailleurs fait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision pour ces motifs ne peut, par suite, qu'être écarté.

En ce qui concerne la matérialité des faits et leur gravité :

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Le petit fils A...U. Chopard France a fondé sa demande d'autorisation de licenciement sur quatre griefs distincts à savoir l'utilisation frauduleuse de la pointeuse, le fait pour Mme E... d'avoir laissé pénétrer des tiers à l'entreprise dans la salle des coffres, le fait d'avoir violé les règles sanitaires mises en place après le confinement et enfin le fait d'être partie en plein inventaire sans avoir informé sa hiérarchie de cette absence. Par la décision attaquée du 8 mars 2022, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 17 mai 2021 qui avait accordé l'autorisation de licenciement sollicitée et a refusé à la société Le petit fils A...U. Chopard France l'autorisation de licencier Mme E... aux motifs, d'une part, que le moyen de preuve avancé par la société Le petit fils A...U. Chopard France aux fins de démontrer la réalité du premier grief reproché était illicite, de sorte que la matérialité des faits reprochés, ainsi que leur imputabilité ne sauraient être regardées comme établies, d'autre part, que la matérialité des deuxième et troisième griefs n'était pas établie, enfin, s'agissant du quatrième grief, que les faits ne revêtaient pas un caractère fautif.

Sur le premier grief :

5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1222-4 du code du travail : " Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ". Selon l'article L. 2312-38 du même code : " Le comité est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ". Aux termes de l'article L. 1222-4 du même code : " Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ".

6. D'autre part, il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

7. S'agissant de l'utilisation frauduleuse de la pointeuse, la ministre du travail a considéré que le mode de preuve des faits utilisé par la société Le petit fils A...U. Chopard France, à savoir des extraits du système de vidéo-surveillance, était déloyal et illicite et que la matérialité des faits ne pouvait reposer sur la seule reconnaissance des faits par la salariée après visionnage de ces extraits. Il ressort des pièces du dossier qu'un système de vidéosurveillance a été mis en place au sein de la société en 2010 ayant pour objectif la protection des biens et des personnes, ainsi que le comité d'entreprise et les salariés en ont été informés préalablement à sa mise en place. Toutefois, ni le comité d'entreprise ni les salariés n'ont été informés par l'employeur, à cette occasion ou ultérieurement, que les données recueillies par cette vidéosurveillance pourraient également être utilisées pour contrôler le respect des horaires de travail par les salariés, de sorte que les dispositions précitées des articles L. 2312-38 et L. 1222-4 du code du travail ont été méconnues. Les enregistrements litigieux extraits de la vidéosurveillance constituent ainsi un moyen de preuve illicite, alors même qu'ainsi que le fait valoir la société Le petit fils A...U. Chopard France, les images issues de ladite caméra de vidéosurveillance des locaux n'ont été utilisées que de façon ponctuelle pour caractériser la commission d'une infraction et que le dispositif lui-même n'avait pas pour but ou pour finalité habituelle de surveiller les salariés.

8. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 6 que la ministre du travail ne pouvait pas écarter le grief tiré de l'utilisation frauduleuse de la pointeuse par Mme D... au seul motif de l'illicéité du moyen de preuve utilisé par la société Le petit fils A...U. Chopard France, sans apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle de la salariée et le droit à la preuve.

9. Dans son mémoire en défense, la ministre du travail demande une substitution de motif en faisant valoir que les images issues du système de vidéosurveillance n'étaient en tout état de cause pas indispensables à l'exercice du droit de la preuve et que l'atteinte portée à la vie personnelle de la salariée n'était pas proportionnée au but poursuivi, de sorte que ce moyen de preuve ne pouvait qu'être écarté des débats.

10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'alors même qu'ils n'avaient pas été informés de la possibilité que les données recueillies par le système de vidéo-surveillance mis en place pour la protection des biens et des personnes pourraient également être utilisées pour contrôler le respect de leurs horaires de travail, ainsi qu'il a été dit au point 7, les salariés connaissaient l'existence de ce dispositif et sa localisation. La vidéosurveillance ne concerne que l'entrée des locaux, où se trouve la pointeuse, ainsi qu'une armoire de la salle des coffres, de sorte que les salariés ne sont pas surveillés sur l'entièreté de leur lieu de travail et seulement pour une durée très limité. Ainsi, l'utilisation des images extraites de ce système de vidéo-surveillance pour établir l'utilisation frauduleuse de la pointeuse par Mme E... ne porte pas une attente disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale. D'autre part, il apparait qu'avant le visionnage desdites images, la société Le petit fils A...U. Chopard France avait seulement relevé une incohérence ponctuelle de badgeage de la salariée compte tenu de sa présence à ce moment-là à une réunion du comité social de l'entreprise et des badgeages intervenant un peu plus tôt que son heure réelle d'arrivée mais sans disposer d'éléments tangibles pour établir l'existence de ces faits. L'ampleur des anomalies ressortant du système électronique de décompte de la durée de ton travail et leur récurrence n'ont été découvertes que par le visionnage des images issues du système de vidéosurveillance, de sorte que l'enregistrement illicite a été, en l'espèce, indispensable à l'exercice du droit à la preuve. Il s'ensuit que c'est à tort que la ministre du travail soutient que les images issues du système de vidéosurveillance n'étaient pas indispensables à l'exercice du droit de la preuve par l'employeur et que l'atteinte portée à la vie personnelle de la salariée était disproportionnée par rapport au but poursuivi.

12. Par suite, la société Le petit fils A...U. Chopard France est fondée à soutenir que c'est à tort que la ministre du travail a considéré que les images extraites du système de vidéosurveillance devaient être écartées comme irrecevables et qu'elle en a déduit que les faits reprochés à Mme E..., relatifs à l'utilisation frauduleuse de la pointeuse, n'étaient pas matériellement établis.

Sur les deuxième et troisième griefs :

13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations des 26 et 28 avril 2021 établies par les deux personnes concernées, extérieures à l'entreprise, qui venaient rejoindre la mère de l'une d'entre-elles, salariée de l'entreprise, que, contrairement à ce que soutient la société Le petit fils A...U. Chopard France, ce n'est pas Mme E... qui les a laissées entrer dans la salle des coffres lors de l'inventaire le 4 janvier 2021. Il ressort également de ces attestations que les ayant vues, Mme E... leur a demandé si elles s'étaient désinfectées les mains et, pour l'une d'entre-elle, de porter son masque correctement. De plus, la ministre du travail fait référence dans la décision attaquée à l'attestation du 23 avril 2021 de la collègue Mme D..., qu'elle produit en appel, par laquelle elle a prévenu l'ancien directeur général de la venue de sa fille et de son compagnon dans les locaux de l'entreprise. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la salariée elle-même n'aurait pas respecté les règles sanitaires alors en vigueur. Par suite, contrairement à ce soutient la société Le petit fils A...U. Chopard France, ni la matérialité des faits ni leur imputabilité à Mme E... ne sont établies.

Sur le quatrième grief :

14. S'agissant du grief tiré du départ injustifié de Mme E... de son poste de travail le 2 octobre 2020, jour d'inventaire, à 12h15, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., l'assistante de l'ancien directeur général, a produit une attestation du 23 avril 2021 dans laquelle elle précise que Mme E... avait obtenu verbalement de ce dernier l'autorisation de quitter son poste de travail au moment de la pause méridienne pour des raisons en lien avec le comité social et économique. Si la société Le petit fils A...U. Chopard France conteste l'existence de cette autorisation, elle n'apporte pas d'éléments permettant de remettre en cause la validité de cette attestation. Par suite, le moyen selon lequel la décision du 8 mars 2022 est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits s'agissant du caractère fautif du départ injustifié de Mme E... de son poste de travail lors de l'inventaire le 2 octobre 2020 à 12h15 ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que seul le moyen soulevé par la société Le petit fils A...U. Chopard France à l'encontre du premier grief est fondé. Il s'ensuit que, dès lors que la ministre du travail ne s'est pas prononcée sur la gravité des faits d'utilisation frauduleuse de la pointeuse qui sont reprochés à la salariée et qui sont matériellement établis par les images illicites issues du système de vidéosurveillance de l'entreprise pour apprécier s'ils étaient ou non susceptibles de justifier l'autorisation de licenciement de Mme E..., il lui appartient de procéder à cette appréciation et le cas échéant d'examiner ensuite s'il existait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement de l'employeur et les mandats détenus par la salariée ou s'il existerait un motif d'intérêt général s'opposant au licenciement de cette salariée.

16. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, la société Le petit fils A...F... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement n°2209945/3-3 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 mars 2022 de la ministre du travail et a mis à sa charge le versement à Mme G... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à demander l'annulation de ce jugement et de la décision du 8 mars 2022 de la ministre du travail.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Le petit fils A...F..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas non plus lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au profit de la société Le petit fils A...F... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2209945/3-3 du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris et la décision du 8 mars 2022 de la ministre du travail sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de Mme E..., présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Le petit fils A...F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le petit fils A...F..., à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à Mme B... E....

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier,

P. TisserandLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre lesw parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00768
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU ET UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23pa00768 ?
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