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17/05/2024 | FRANCE | N°22PA05494

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 17 mai 2024, 22PA05494


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Willink a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer l'annulation des rectifications d'impôt sur les sociétés ayant conduit à la réduction de ses déficits reportables des exercices 2011, 2012 et 2013 et le rétablissement de ces déficits.



Par un jugement n° 1803096 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté l'intégralité de ses demandes.



Par un arrêt n

° 20PA00585 du 23 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la SAS Willink ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Willink a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer l'annulation des rectifications d'impôt sur les sociétés ayant conduit à la réduction de ses déficits reportables des exercices 2011, 2012 et 2013 et le rétablissement de ces déficits.

Par un jugement n° 1803096 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté l'intégralité de ses demandes.

Par un arrêt n° 20PA00585 du 23 septembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la SAS Willink contre ce jugement.

Par une décision n° 446669 du 22 décembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2020 et des mémoires enregistrés le 28 mai 2020 puis, après reprise d'instance, le 25 avril 2023 et le 21 septembre 2023, la SAS Willink, représentée par Me Hellio, avocat, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803096 du tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des rectifications ayant conduit à la réduction de ses déficits reportables des exercices 2011 à 2013 et au rétablissement de ces déficits.

2°) de prononcer l'annulation des rectifications dont elle a fait l'objet en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de prononcer le rétablissement des déficits qu'elle a constatés au titre de ces exercices ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le scoring automatique constitue une alternative à l'analyse des agences de notation dotée d'une fiabilité suffisante et validée par la jurisprudence ;

- le secteur d'activité n'est pas un critère susceptible de remettre en cause la note de crédit ainsi établie ;

- les émissions d'obligations convertibles en actions peuvent être comparées avec des émissions obligataires classiques sans qu'il soit nécessaire de tenir compte de la valeur de l'option de conversion associée aux obligations émises ;

- ainsi, une note de crédit et une recherche de transactions comparables sur le marché libre ont bien été effectuées, un intervalle interquartile a effectivement été établi et, par conséquent, elle apporte la preuve que le taux d'intérêt de 8 % retenu pour calculer les intérêts dus aux associés ayant souscrit aux obligations convertibles en actions est conforme au taux de marché.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2020 puis, après reprise d'instance, le 6 février 2023, le 23 mai 2023 et le 17 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête de la SAS Willink.

Il fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Willink, qui est la société mère d'un groupe fiscalement intégré, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle le service lui a notifié, par une proposition de rectification du 11 décembre 2015, notamment, des reprises sur ses déficits reportables au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2011, 2012 et 2013 en raison de la remise en cause de la déduction des frais financiers relatifs à l'émission de deux emprunts souscrits en 2011. Il résulte de l'instruction que la SAS Willink a émis, dans le cadre de la prise de contrôle le 5 mai 2011 de la société Vocalcom, deux emprunts obligataires convertibles en actions d'une durée de dix ans à un taux d'intérêt de 8 %, un emprunt OCA1 émis les 6 et 17 mai 2011 et un emprunt OCA2 émis les 27 juin et 31 octobre 2012, et que ces emprunts ont été souscrits par deux fonds communs de placement à risque, les fonds Apax France VIII-A et Apax France VIII-B, détenant en tout 65 % du capital de la SAS Willink, ainsi que, s'agissant de l'emprunt OCA1, par la société de droit britannique Telecom Online, cette dernière détenant 35 % du capital de la société requérante. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges financières induites par cette opération à hauteur de la fraction des intérêts versés aux fonds Apax France VIII-A et Apax France VIII-B et à la société MidInvest par la société Willink excédant le taux visé au 3° du I de l'article 39 du code général des impôts, au titre des exercices 2011 à 2013. Il est constant que les fonds Apax France VIII-A, Apax France VIII-B et les sociétés MidInvest et Telecom Online sont liés à la SAS Willink dont ils sont tous deux associés à hauteur de, respectivement, 45 % et 19 %, et que le taux de 8 % excède le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Pour justifier du fait que ce taux n'était pas supérieur à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la SAS Willink se prévaut de deux études réalisées respectivement en 2016 et 2020. La première étude a été effectuée à partir du logiciel Riskcalc, filiale de l'agence de notation Moody's et attribue à la SAS Willink une note de crédit de B1 (qualifiée de " hautement spéculative "). La seconde étude a repris à son compte la note de crédit ainsi déterminée. Puis, une recherche de transactions comparables sur le marché libre a été effectuée en se fondant sur des emprunts obligataires émis au cours de la période pertinente par des sociétés tierces sélectionnées dans la base de données Standard et Poor's Capital IQ et présentant une note de crédit comparable ainsi qu'une maturité proche des obligations émises. Un intervalle interquartile de taux d'intérêt de pleine concurrence sur la base des obligations identifiées comme comparables a ensuite été établi, ce qui a permis d'identifier un taux d'intérêt médian de 8,875 % pour l'obligation OCA1 et 7,75 % pour l'obligation OCA2.

2. Le I de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ".

3. Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans (...) ". En vertu du 12 de ce même article, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite des intérêts calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Ce taux ne saurait, eu égard à la différence de nature entre un emprunt auprès d'un établissement ou organisme financier et un financement par émission obligataire, être celui que cette entreprise aurait elle-même été susceptible de servir à des souscripteurs si elle avait fait le choix, pour se financer, de procéder à l'émission d'obligations plutôt que de souscrire un prêt.

5. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen. A ce titre, pour évaluer ce taux, elle peut le cas échéant tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

6. D'une part, pour justifier de ce que les taux d'intérêt applicables aux deux émissions d'obligations convertibles OCA 1 et OCA 2 mentionnés au point 1 ne peuvent être inférieurs à ceux applicables à des financements obligataires émis par des entreprises indépendantes dans des conditions comparables, la SAS Willink entend se prévaloir d'une note de risque de crédit obtenue au moyen de l'utilisation d'un outil de " rating " automatique Riskcalc élaboré par l'agence de notation Moody's, mis à disposition et utilisé couramment par des entreprises du secteur financier aux fins de déterminer le profil de risque d'un emprunteur, sans que les paramètres de cette application puissent être modifiés. Elle a ainsi saisi dans l'application les données de ses comptes consolidés relatifs aux exercices 2011 à 2013, indiqué relever du secteur des services, et s'est vu attribuer pour chaque exercice respectif les notes B1, B2 et B3, dont elle a retenu, par prudence, la notation B1 la plus favorable pour l'ensemble des exercices, correspondant à un profil de risque hautement spéculatif.

7. Le recours par une entreprise à un outil automatisé de notation de risque de crédit, tel que celui mentionné au point précédent, peut lui permettre, en l'absence de notation directement effectuée par une agence de notation, de justifier du taux qu'un établissement ou organisme financier indépendant aurait été susceptible de lui consentir, compte tenu de ses seules caractéristiques propres, pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques que les prêts en litige. A cet égard, le ministre ne saurait faire valoir que le logiciel de " rating automatique " Riskcalc, développé par l'agence de notation Moody's, ne présente pas une fiabilité suffisante, motifs pris notamment de la sur-représentation d'entreprises défaillantes, ou de l'absence de référence à un secteur d'activité donné. Dans le dernier état de ses écritures, le ministre fait valoir que les données propres de la SAS Willink, saisies dans l'application Riskcalc, sont entachées d'erreurs ou de biais de nature à priver de valeur probante la note de risque de crédit que cette application lui a attribuée en la dégradant artificiellement. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir le ministre, il résulte de l'instruction, en premier lieu, que les comptes consolidés de la société pour l'exercice 2011 ont été pris en compte par report dans les comptes consolidés de l'exercice 2012. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les discordances entre les montants des créances ressortant de la comptabilité de la société, et ceux qui ont été repris dans le logiciel Riskcalc, tiennent à l'absence de prise en compte de créances fiscales différées ou de comptes de régularisation qui ne peuvent être regardées comme susceptibles d'avoir une incidence déterminante sur sa solidité financière, et, au demeurant, ne traduisent qu'une minoration de 5,6 % du total des créances de la société. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'aucune erreur n'entache la détermination du montant des dettes de la société, conduisant à une exagération de ce dernier, les montants de dettes fournisseurs et comptes rattachés mentionnés par le ministre ayant été inclus dans les montants des dettes à court terme, et les dotations aux amortissements et aux provisions ayant été saisies dans l'application dans la rubrique " depreciation ". En quatrième lieu, si l'administration fait valoir que la définition de la trésorerie de la société requérante, devant être renseignée dans la version utilisée du logiciel Riskcacl (v3.1), conduit à minorer ce poste en n'incluant pas les valeurs mobilières de placement, à la différence de la version postérieure v.4, il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de cette dernière version aurait, nécessairement, conduit à une estimation plus favorable de la note de crédit de la SAS Willink. En cinquième lieu, si le ministre fait valoir que la mention comme " activité de services " du secteur d'activité de la SAS Willink aux fins de détermination de sa note de risque de crédit dans le logiciel Riskcalc est erronée au regard de ses caractéristiques, et conduit à priver la note B1 qui lui a été attribuée de valeur probante, aucun autre secteur d'activité pris en considération par le logiciel Riskcalc ne correspond davantage à l'activité de la société requérante, constituée en vue du rachat du capital de la société Vocalcom, laquelle a pour objet l'édition de systèmes d'exploitation multi-canal (centres d'appel, courriels, " cloud ") de fichiers de clientèle. En outre, dans le dernier état de ses écritures, la SAS Willink se réfère à une autre analyse de note de risque de crédit, effectuée à partir d'un autre logiciel de " rating " automatique (Credit Analytics Scoring Model de Standard and Poor's) et par référence au secteur " informatique appliquée ", correspondant au domaine d'activité de sa filiale la société Vocalcom, laquelle aboutit à un profil de risque plus marqué (b, b- et ccc, correspondant aux profils B2, B3 et Caa du logiciel Riskcalc développé par Moody's), sans que les résultats de cette seconde analyse soient remis en cause efficacement par l'administration.

8. Il résulte de ce qui précède que l'évaluation de la note de risque de crédit produite par la SAS Willink, établie au moyen d'un logiciel de " rating automatique " par comparaison avec une pluralité d'entreprises indépendantes relevant d'un secteur d'activité comparable, doit être retenue comme reflétant le niveau de risque que pourrait prendre en considération un prêteur indépendant eu égard à ses caractéristiques propres en qualité d'emprunteur, comme alternative à un financement interne au groupe dont dépend la société requérante.

9. D'autre part, pour justifier que le taux d'intérêt applicable aux émissions obligataires OCA 1 et OCA 2 en litige, égal à 8 % sur une durée de dix ans, ne saurait être inférieur au taux applicable à des opérations de financement émanant d'entreprises indépendantes placées dans la même situation, notamment au regard de leur profil de risque, la SAS Willink produit, en premier lieu, une étude d'écarts de taux de rendement (" credit spread ") portant sur des emprunts de même durée, au cours de la période du 1er janvier au 29 avril 2011, émis par des entreprises présentant tant un profil de risque plus marqué que moins marqué que le sien (notations Ba3, B1 et B2). Toutefois, alors que la société requérante soutient que cette étude provient de données qu'elle a elle-même agrégées à partir d'une étude réalisée par Moody's, et non de données traitées par un tiers indépendant ou par recours à un outil de calcul automatisé, elle se borne à mentionner le résultat de cette étude, laquelle conduit à un écart de taux de rendement moyen de 4,55 %, à ajouter au taux le moins risqué des obligations d'Etat de 3,59 %, sans produire les termes de comparaison auxquels cette étude s'est référée pour parvenir à ce résultat. Par suite, la SAS Willink ne justifie pas ce faisant du niveau du taux d'intérêt minimal auquel donneraient lieu des opérations émanant d'entreprises indépendantes placées dans une situation comparable.

10. Toutefois, en deuxième lieu, la SAS Willink produit les résultats et les termes de comparaison d'une étude réalisée à partir de la base de données Standard and Poor's Capital IQ, portant sur un échantillon d'obligations émises, entre le 1er janvier et le 29 avril 2011, par diverses entreprises présentant un profil de risque analogue au sien (notation B+ correspondant à la notation B1 de Moody's), pour des durées comprises entre sept et neuf ans et un taux d'intérêt médian de 8,875 % pour l'obligation OCA1 et 7,75 % pour l'obligation OCA2. Si l'administration fait valoir que les taux en cause, après élimination des opérations de même nature réalisées le même jour par le même émetteur, correspondent à des émissions d'entreprises de secteurs ou de localisations géographiques différents de ceux de la société requérante, à des émissions de montants significativement supérieurs aux émissions en litige, réalisées par des entreprises dont la surface financière des actionnaires est supérieure, ou à des financements présentant des garanties supérieures, les émissions en litige n'étant pas garanties par un actif de la SAS Willink (émissions " senior non sécurisé "), ces facteurs ne sauraient être retenus pour écarter l'existence des termes de comparaison proposés par la SAS Willink, motif pris de ce que ces derniers seraient ainsi nécessairement supérieurs aux taux des émissions en litige, alors qu'il est constant que les comparaisons contenues dans cette étude portent sur des opérations présentant un niveau de risque de crédit au moins égal à la notation de risque attribuée à la société requérante, mentionnée

ci-dessus, non susceptible d'être remise en cause ainsi qu'il a été dit au point 8 précédent, et que ces opérations sont caractérisées, au demeurant, par des maturités inférieures.

11. Enfin, si l'administration fait valoir que les opérations de financement recensées dans l'étude produite par la SAS Willink portent exclusivement sur des obligations simples, sans inclure d'opérations sur obligation convertible comparable aux opérations de financement en litige, les taux d'intérêt ressortant de l'étude n'incluant pas de rémunération d'un risque de conversion en actions à l'initiative du souscripteur, elle se borne à soutenir que ces taux d'intérêt doivent faire l'objet d'un ajustement, sans au demeurant en préciser la détermination. En outre, l'existence d'une telle faculté de conversion au profit des souscripteurs des obligations en litige n'est pas susceptible à elle seule de faire présumer que la rémunération qui leur est offerte serait, nécessairement, supérieure à la rémunération des souscripteurs pris comme termes de comparaison, compte tenu d'un avantage spécifique procuré par la conversion, dès lors que les obligations OCA1 et OCA2 ont été intégralement souscrites par des actionnaires liés détenant la totalité du capital de la SAS Willink.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS Willink apporte la preuve lui incombant de ce que le taux d'intérêt applicable aux opérations en litige ne saurait être inférieur à celui dont auraient bénéficié les opérations d'emprunt de même nature conclues par des entreprises indépendantes. Elle est donc fondée à demander l'annulation des rectifications d'impôt sur les sociétés ayant conduit à la réduction de ses déficits reportables des exercices 2011, 2012 et 2013, et le rétablissement de ces déficits.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Willink et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1803096 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La SAS Willink est rétablie dans ses déficits au titre des exercices 2011 à 2013 inclus à concurrence de la fraction des intérêts versés au titre des emprunts OCA1 et OCA2 excédant le taux fixé au 3° du I de l'article 39 du code général des impôts.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société par actions simplifiée (SAS) Willink au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Willink et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mai 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARREREL'assesseure la plus ancienne,

S. BOIZOTLa greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05494
Date de la décision : 17/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-17;22pa05494 ?
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