La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2024 | FRANCE | N°21PA06237

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 17 mai 2024, 21PA06237


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 ainsi que des intérêts et majorations correspondants, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2004331 en date du 7 octobre 2021, le tribuna

l administratif de Montreuil a réduit de 30 000 euros l'amende pour manœuvres frauduleuses et rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 ainsi que des intérêts et majorations correspondants, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004331 en date du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a réduit de 30 000 euros l'amende pour manœuvres frauduleuses et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 décembre 2021 et le 1er mars 2022, la M. B..., représentée par Me Teissier, avocat, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a accordé qu'une réduction de la majoration pour manœuvres frauduleuses ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 en droits et majorations ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a omis de l'informer, dans la proposition de rectification du 14 août 2018, de la possibilité d'exercer un recours hiérarchique, en méconnaissance de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales ainsi que des commentaires figurant au paragraphe 480 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-30-10, du 30 octobre 2019 ;

- elle a effectué le redressement sur le terrain de l'abus de droit, sans respecter les garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- elle a substitué irrégulièrement un nouveau fondement légal à celui initialement retenu de l'abus de droit ;

- c'est au prix d'une méconnaissance des conditions fixées par l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales qu'elle a prolongé le délai de reprise ;

- elle a pareillement méconnu les dispositions de l'article L. 188 C du même livre ;

- elle s'est écartée de l'interprétation donnée de la loi fiscale en matière de délai de reprise exprimée aux paragraphes 140 et 145 de l'instruction référencéeBOI-CF-INF-40-10-10-30, aux paragraphes 80 à 100, 260 et 290 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-10-50 et des paragraphes 50 et 60 de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-50, et au paragraphe 30 de l'instruction référencée BOI-CF-PRG-10-75 ;

- elle a méconnu les dispositions du 3° de l'article 120 du code général des impôts, en estimant que M. B... avait appréhendé la plus-value résultant de la vente de actions de la société Hibiscus par la société Luxhi, sans être associée de cette dernière ;

- la majoration de 80 % lui a été infligée en méconnaissance du principe de non cumul des peines, de proportionnalité de ces dernières et de leur individualisation des peines garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, eu égard notamment à la condamnation pénale dont il a fait l'objet ainsi que de la prorogation du délai de reprise appliqué par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 18 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2024, à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, rapporteur ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Teissier, pour M. B....

Une note en délibéré a été présentée le 3 mai 2024 par Me Teissier, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Hibiscus portant sur la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008, l'administration a constaté que ses associés dont M. B... et la société luxembourgeoise Luxhi ont cédé le 5 décembre 2007 à la SAS Gravograph le capital de la première société. Estimant que M. B... avait non seulement perçu une plus-value afférente à sa part dans le capital de la société cédée, mais également appréhendé sans l'avoir déclarée celle réalisée par la société Luxhi, elle a déposé plainte pour fraude fiscale le 22 décembre 2010 et lui a notifié, au titre de l'année 2007, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, par une première proposition de rectification en date du 20 mai 2015. A la suite de cette plainte, M. B... a fait l'objet en dernier lieu d'une condamnation par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 29 novembre 2018, devenu définitif. Par une proposition de rectification en date du 14 août 2018, qui a annulé et remplacé la précédente, l'administration a notifié à M. B..., au titre de l'année 2007, les rectifications déjà mentionnées. Les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2018. L'administration a rejeté les réclamations de M. B... par une décision du 20 février 2020. Le tribunal administratif de Montreuil a réduit les majorations pour manœuvres frauduleuses et confirmé pour le surplus cette décision de rejet par un jugement n° 2004331 en date du 7 octobre 2021, dont appel.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, sauf dispositions contraires du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. Il ne s'ensuit pas que l'administration soit, sur le fondement de la loi, tenue d'informer de ce recours le contribuable. Par suite, l'absence de mention de ce recours dans la proposition de rectification en date du 14 août 2018 ne saurait avoir entaché d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. B... qui a, de plus, été informé de ce droit dans la réponse à ses observations que lui a adressée l'administration par un courrier du 29 octobre 2018. Par suite, le requérant, qui a, au demeurant, été mis en mesure d'exercer ce recours hiérarchique, n'a ainsi été privé d'aucune garantie. En tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'irrégularité de la procédure d'imposition au regard des commentaires figurant au paragraphe 480 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-30-10, laquelle a au demeurant été publiée le 30 octobre 2019 et au regard de l'instruction référencée BOI-CTX-DG-20-10-20. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 54 C du livre des procédures fiscales doit donc être écarté sur le terrain tant de l'application de l'article 54 C du livre des procédures fiscales que de l'interprétation en cause.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " L'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ". Cette procédure permettant le cas échéant au contribuable de soumettre son désaccord sur les rectifications notifiées au comité de l'abus de droit fiscal. M. B... soutient que l'administration a implicitement fondé les impositions mises à sa charge, par sa proposition de rectification en date du 14 août 2018, sur une remise en cause de l'existence de la société Luxhi, ce qui correspond à la répression d'un abus de droit l'obligeant à mettre en œuvre la procédure.

4. Toutefois, si, dans un premier temps, dans sa proposition de rectification en date du 20 mai 2015, l'administration s'est placée sur le terrain de l'abus de droit fiscal, elle s'est fondée dans la seconde proposition de rectification sur l'absence de déclaration par l'intéressé des revenus de capitaux mobiliers correspondant au produit de la vente des titres de la société Hibiscus par la société Luxhi. A cet effet, elle a repris les constatations du juge pénal, selon lesquelles la société Luxhi, dont le siège est à Luxembourg, était dépourvue de moyens humains et matériels, sans aucune activité opérationnelle, son siège étant situé à une adresse de domiciliation et la cession des titres qu'elle détenait dans la société Hibiscus avait été faite à un prix nettement supérieur à celui obtenu par les autres associés. En conséquence, elle a estimé que le requérant s'était approprié le produit de la cession des actions de la société Hibiscus en appréhendant les sommes transférées sur le compte de la société Luxhi au Luxembourg. Ce faisant, elle n'a pas écarté comme fictifs les actes instituant cette société ou estimé que le droit sur les plus-values issues de la cession des titres de la société Hibiscus était détenu en réalité par M. B.... Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 64 du livre de procédures fiscales, et notamment des garanties de procédures qui lui sont attachées, ne peut donc qu'être écarté.

5. Au demeurant si le requérant soutient avoir été privé des garanties afférentes à la substitution de base légale, le changement de fondement juridique opéré à l'occasion de la seconde proposition de rectification en date du 14 août 2018 résulte non d'une substitution opérée au stade contentieux, mais d'un changement de motifs opéré à l'occasion d'une nouvelle proposition que l'administration est en droit d'adresser avant l'expiration de son droit de reprise, lui-même interrompu par la première proposition. Cette nouvelle proposition mentionne, conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les impositions en cause, l'année d'imposition, les bases d'impositions retenues et énonce les motifs de fait et de droit fondant l'imposition qu'elle prévoit d'établir, de manière à permettre au requérant de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de la privation des garanties attachées à la substitution d'une nouvelle base légale du redressement ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la prescription :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 188 B du même livre, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2010 et le 1er janvier 2013 : " Lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 228 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs (...) sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. (...) / Toutefois, la commission examine l'affaire sans que le contribuable soit avisé de la saisine ni informé de son avis lorsque le ministre chargé du budget fait valoir qu'existent des présomptions caractérisées qu'une infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves résulte : / 1° Soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en œuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ; / 2° Soit de l'interposition, dans un Etat ou territoire mentionné au 1°, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ".

8. En premier lieu, lorsque l'administration a déposé une plainte pour fraude fiscale contre M. B... le 22 décembre 2010, ainsi qu'il a été dit au point 1, le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales courait encore pour les impositions au titre de l'année 2007. Il résulte de l'instruction que cette plainte a abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale, impliquant la société Luxhi. Ainsi, à la date de cette plainte, les dispositions de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales, bien qu'issues de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, étaient applicables à l'année d'imposition en litige. De plus, la plainte, déposée le 22 décembre 2010, entrait dans les prévisions du 2° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, issues de la même loi du 30 décembre 2009. Par l'effet combiné de ces dispositions du livre des procédures fiscales, le délai spécial de reprise prévu par l'article L. 188 B mentionné au point 6 précédent a couru jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due, soit jusqu'au 31 décembre 2017, dès lors que la procédure pénale à laquelle elle a abouti a pris fin après cette échéance.

9. En deuxième lieu, c'est avant l'expiration de ce délai spécial de reprise qu'est intervenue la proposition de rectification en date du 20 mai 2015 qui a eu pour conséquence d'interrompre le délai de reprise de l'administration, en application de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales. L'allongement du délai de reprise par l'effet des dispositions de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne saurait priver l'administration de la faculté d'interrompre ce délai par une proposition de rectification, laquelle a pour effet d'ouvrir à nouveau le même délai. Ainsi, le 14 août 2018, date de la seconde proposition de rectification, alors que la procédure pénale était toujours en cours, le droit de reprise de l'administration n'était pas prescrit. Cette seconde proposition, dûment motivée ainsi qu'il a été indiqué au point 5 du présent arrêt, a valablement interrompu la prescription. Les impositions en résultant ont été mises en recouvrement, pour des montants identiques à ceux déterminés dans les conséquences financières de la première proposition, le 30 novembre 2018, soit avant la fin de l'année qui a suivi la fin de la procédure pénale. Par suite, le moyen tiré de la prescription manque en fait.

10. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus au paragraphe 13 du jugement attaqué et repris sans changement en appel le moyen tiré de la méconnaissance du délai spécial de reprise prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales.

11. En quatrième lieu, les dispositions des paragraphes 140 et 145 de l'instruction référencée BOI-CF-INF-40-10-10-30, des paragraphes 80 à 100, 260 et 290 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-10-50 et des paragraphes 50 et 60 de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-50, du paragraphe 30 de l'instruction référencée BOI-CF-PRG-10-75 relatives au délai de reprise et à la prescription ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède.

En ce qui concerne l'appréhension du produit de la vente des parts de la société Hibiscus détenues par la société Luxhi :

12. Aux termes de l'article 1 A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. / Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : (...) / - Revenus de capitaux mobiliers (...) ". Aux termes de l'article 120 du même code : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : (...) / 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission. Une répartition n'est réputée présenter le caractère d'un remboursement d'apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis. (...) ".

13. Il résulte des constatations réalisées dans le cadre de la demande d'assistance administrative concernant la société Luxhi effectuée auprès des services fiscaux du Grand-Duché du Luxembourg ainsi que de la procédure pénale engagée à l'encontre de M. B..., que la société Luxhi avait acquis en 1999 quatre-cent-trente-deux parts de la société Hibiscus auprès de M. B... et de son épouse, qu'elle a reçu en paiement de la vente de ses titres de la société Hibiscus à la SAS Gravograph Industrie International le 5 décembre 2007 une somme de 3 280 585 euros, représentant 63,55 % du produit de la vente de l'ensemble des parts de cette société, d'un montant de 5 162 000 euros. Eu égard au pourcentage des parts qu'elle détenait, de 25,79 % seulement, le prix unitaire des parts cédées lui revenant a été fixé à un niveau manifestement supérieur au prix des parts cédées par les autres actionnaires. En outre, dès le 6 décembre 2007, la totalité du produit de la vente de la société Hibiscus a été versé sur un compte bancaire unique ouvert au Crédit Mutuel de Tarare (Rhône) au nom de l'ensemble des cessionnaires des parts de la société Hibiscus et puis la somme de 3 280 585 euros revenant à la société Luxhi a immédiatement été transférée de ce compte sur un compte détenu par cette société auprès de la Banque Transatlantique de Luxembourg. Se fondant sur les constatations de fait du juge pénal, concernant notamment la faiblesse des moyens de la société Luxhi qui avait pour associé unique la société Charmayne Overseas Corps, dont le siège est situé au Panama, et la fréquence des instructions données par M. B... auprès de la gestionnaire du compte de la société Luxhi auprès de la Banque Transatlantique du Luxembourg, l'administration rapporte la preuve que M. B... disposait seul des pouvoirs les plus étendus de sorte qu'il doit être regardé comme ayant eu la qualité de maître de l'affaire de la société Luxhi. En outre, la dissolution de cette dernière étant intervenue dès le 28 décembre 2007, il ressort des constatations du juge pénal que M. B... a par la suite géré personnellement les comptes bancaires ouverts aux noms de plusieurs sociétés auprès de la Banque Transatlantique de Luxembourg, et a fait transférer, à ce titre, le 18 janvier 2008, les sommes versées à la société Luxhi à plusieurs de ces autres sociétés. L'administration a déduit de l'ensemble de ces éléments que M. B... devait être regardé comme le bénéficiaire de la somme de 3 280 585 euros versée à la société Luxhi. Si M. B... conteste avoir perçu cette somme et être l'ayant-droit économique de la société Luxhi ainsi que des sociétés, en faisant valoir que c'est en qualité de mandataire des sociétés dirigées et des comptes ouverts par son frère, M. C... B..., qu'il a donné des ordres de virement à la Banque Transatlantique du Luxembourg, il n'excipe pas d'un tel mandat, ni même d'une attestation de son frère qui confirmerait ses allégations. Il suit de là que l'administration a pu, à bon droit, estimer que le requérant avait perçu au titre de l'année 2007, à hauteur de la somme de 3 280 585 euros, le produit de la vente des titres de la société Hibiscus revenant à la société Luxhi, par voie de conséquence d'une répartition à son profit de la société Hibiscus dont il était associé, et, par voie de conséquence, décider que cette somme était imposable au titre des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées de l'article 120 du code général des impôts.

Sur les pénalités :

14. En vertu des dispositions du c) de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes et insuffisances relevées dans une déclaration entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses. Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ". La règle " non bis in idem ", telle qu'elle résulte de ces stipulations, ne trouve à s'appliquer, selon la réserve accompagnant l'instrument de ratification de ce protocole par la France et publiée au Journal officiel de la République française du 27 janvier 1989, à la suite du protocole lui-même, que pour " les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ", et n'interdit ainsi pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif.

15. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales n'ayant d'autre objet que d'allonger le délai de reprise dont dispose l'administration lorsqu'un contribuable, titulaire de comptes bancaires à l'étranger, a omis de respecter ses obligations déclaratives, elles ne sauraient être regardées comme ayant le caractère d'une sanction d'un comportement qui, lorsqu'il a déjà été sanctionné par le juge pénal, ne pourrait l'être à nouveau par le juge fiscal.

16. En second lieu, le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, les autorités administratives et judiciaires compétentes devant veiller au respect de cette exigence.

17. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... a, au titre de l'année 2007, été condamné en dernier ressort, à l'issue de la procédure pénale déjà mentionnée, à une amende de 30 000 euros sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, et a fait l'objet, pour les mêmes faits, à l'issue de la rectification en litige, d'une majoration de 80 % en vertu des dispositions du c) de l'article 1729 du code général des impôts, d'un montant de 707 184 euros. Ce dernier montant étant le plus important des deux sanctions, la sanction prévue au c) du l'article 1729 du code général des impôts a été réduite par les premiers juges de la somme de 30 000 euros. D'autre part, en se bornant à soutenir à nouveau, sans apporter aucun argument nouveau, qu'il n'a pas commis les manœuvres frauduleuses constatées par la cour d'appel de Lyon, M. B... n'établit pas que le montant ainsi réduit de majoration fiscale serait établi en méconnaissance du principe d'individualisation des peines ou serait disproportionné compte tenu de ses agissements et de la minoration, pour l'année 2007, en droits, de 523 840 euros de sa cotisation d'impôt sur le revenu et de 360 140 euros des prélèvements sociaux afférents. Par suite, doivent été écartés les moyens tirés tant du cumul des sanctions pour les mêmes faits que de leur disproportion au regard de la Constitution, du paragraphe 1 de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, faute de toute indications sur les stipulations en cause, de la charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne et du pacte international des droits civils et politiques.

18. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil, n'a pas prononcé l'entière décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles relatives aux dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 26 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Carrère, président,

Mme Boizot, première conseillère,

Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mai 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARREREL'assesseure la plus ancienne,

S. BOIZOT

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06237
Date de la décision : 17/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : TEISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-17;21pa06237 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award