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16/05/2024 | FRANCE | N°23PA04566

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 16 mai 2024, 23PA04566


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom de " A... " celui de " Sall ", et d'enjoindre à ce ministre d'autoriser le changement de nom demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.



Par un jugement n° 2215789 du 13 octobre 2023, le tribunal ad

ministratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :





Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom de " A... " celui de " Sall ", et d'enjoindre à ce ministre d'autoriser le changement de nom demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2215789 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2023 et une pièce produite le 28 mars 2024, M. B... A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215789 du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom de " A... " celui de " Sall " ;

3°) d'enjoindre à ce ministre d'autoriser le changement de nom demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'un intérêt légitime à changer de nom.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la qualité de réfugié ne confère au requérant aucun droit à changer de nom.

Par une décision du 3 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Le 28 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, soulevé d'office, tiré de ce que, la procédure de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil n'étant pas ouverte aux étrangers, dont le statut personnel n'est pas régi par la loi française, sauf si, en application de l'article 12 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, ils justifient de la qualité de réfugié, le garde des sceaux, ministre de la justice, avait compétence liée pour rejeter la demande du requérant qui allègue, sans le démontrer, posséder ladite qualité de réfugié.

Vu :

- la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

1. M. B... A..., né le 1er janvier 1973 à Nouakchott en Mauritanie, de nationalité mauritanienne et bénéficiaire du statut de réfugié en France, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, par une requête publiée le 27 février 2020 au Journal officiel, de l'autoriser à substituer à son nom de " A... " celui de " Sall ". Par une décision du 31 décembre 2021, la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. M. A... ayant demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Paris, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 13 octobre 2023 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

2. D'une part, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ".

3. D'autre part, si aux termes du troisième alinéa de l'article 3 du code civil : " Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français même résidant en pays étranger ", aux termes du premier alinéa de l'article 12 (" Statut personnel ") de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " 1. Le statut personnel de tout réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile, par la loi du pays de sa résidence. ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 3 alinéa 3ème du code civil que les dispositions de l'article 61 du même code ne sont pas applicables aux étrangers, dont le statut personnel est régi par la loi du pays dont ils possèdent la nationalité. Toutefois, en vertu des stipulations de l'article 12 de la convention du 28 juillet 1951 précitée, ces dispositions trouvent à s'appliquer aux étrangers qui bénéficient du statut de réfugié et qui ont leur domicile ou leur résidence en France. Le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est ainsi pas, en tout état de cause, en situation de compétence liée pour rejeter la demande de changement de nom présentée par un réfugié.

5. Le requérant, qui établit sa qualité de réfugié, ne présente devant la Cour aucun moyen ou élément nouveau lui permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur les moyens articulés au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision litigieuse, et tirés respectivement de l'incompétence de son auteur, de son insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le ministre. Il y a donc lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de rejeter les conclusions de sa requête, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dès lors qu'il est la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04566
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS. - ÉTAT DES PERSONNES. - CHANGEMENT DE NOM PATRONYMIQUE. - APPLICABILITÉ À UN RESSORTISSANT ÉTRANGER BÉNÉFICIANT DU STATUT DE RÉFUGIÉ ET DOMICILIÉ OU RÉSIDANT SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 61 DU CODE CIVIL - EXISTENCE.

26-01-03 Il résulte des dispositions du troisième alinéa de l'article 3 du code civil que les dispositions de l'article 61 du même code, relatives au changement de nom patronymique, ne sont pas applicables aux étrangers, dont le statut personnel est régi par la loi du pays dont ils possèdent la nationalité. Toutefois, en vertu des stipulations de l'article 12 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ces dispositions trouvent à s'appliquer aux étrangers qui bénéficient du statut de réfugié et qui ont leur domicile ou leur résidence en France.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SANGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23pa04566 ?
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