Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et les autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 juin 2021 de la maire de Paris portant règlement de l'installation des étalages et terrasses sur la voie publique ainsi que des contre-étalages et contreterrasses, des commerces accessoires aux terrasses et dépôts de matériel ou objets divers devant les commerces et des terrasses estivales et d'enjoindre à la maire de Paris d'appliquer de nouveau l'arrêté du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses installés sur la voie publique.
Par un jugement n° 2117574 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai et 8 décembre 2023, M. D..., représenté par Me Chebel, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ou, à défaut, de réformer le jugement n° 2117574 du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2021 de la maire de Paris portant règlement de l'installation des étalages et terrasses sur la voie publique ainsi que des contre-étalages et contreterrasses, des commerces accessoires aux terrasses et dépôts de matériel ou objets divers devant les commerces et des terrasses estivales ;
3°) de rejeter toute demande de la Ville de Paris ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté attaqué ne justifie pas de sa compétence ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de consultation de la commission consultative départementale d'accessibilité ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard du plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics de Paris (PAVE).
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2023, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Chebel pour M. D... et de Me Gorse substituant Me Falala pour la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 juin 2021, la maire de Paris a abrogé l'arrêté du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses installés sur la voie publique et a adopté le règlement de l'installation des étalages et terrasses sur la voie publique ainsi que des contre-étalages et contreterrasses, des commerces accessoires aux terrasses et des dépôts de matériel ou objets divers devant les commerces et des terrasses estivales. M. D... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa requête, présentée avec d'autres requérants, tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la compétence :
2. M. D... reprend en appel le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été édicté par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 de leur jugement.
En ce qui concerne les règles du plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) de Paris :
3. D'une part, aux termes du troisième alinéa du I de l'article 45 de la loi du 11 février 2005 : " Un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics est établi dans chaque commune à l'initiative du maire (...). Ce plan fixe notamment les dispositions susceptibles de rendre accessible aux personnes handicapées et à mobilité réduite l'ensemble des circulations piétonnes et des aires de stationnement d'automobiles situées sur le territoire de la commune (...). Ce plan de mise en accessibilité fait partie intégrante du plan de déplacements urbains quand il existe ". La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités a fait évoluer le plan de déplacements urbains en plan de mobilité. L'article L. 1214-11 du code des transports, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que " les décisions prises par les autorités chargées de la voirie et de la police de la circulation ayant des effets sur les déplacements dans la région Ile-de-France sont compatibles ou rendues compatibles avec le plan de mobilité ".
4. Il résulte de ces dispositions que leurs auteurs ont entendu que le plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics emporte des effets juridiques contraignants et qu'ainsi son contenu ne se limite pas à l'énoncé de considérations à caractère programmatique ou à simple valeur de recommandation. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 1214-11 du code de transports, ce plan de mise en accessibilité est opposable à l'autorité dotée du pouvoir de police lorsqu'elle édicte des règles relatives à l'utilisation de l'espace public ayant des incidences sur les " circulations piétonnes ", de nature à entraîner des conséquences sur l'accessibilité des espaces publics aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, et que les règles dont s'agit doivent être compatibles avec les prescriptions du plan de mise en accessibilité.
5. D'autre part, aux termes des référentiels d'accessibilité de la voirie parisienne intitulés R9 et R10 du PAVE de Paris : " Des règles de répartition de l'espace disponible sur le trottoir sont à appliquer comme suit, sachant qu'il convient d'adapter la largeur de la bande piétonne en fonction de la fréquentation des lieux. / ( 160 cm : il ne convient pas de poser de potelets pour assurer un passage effectif de 140cm. / 160 cm ( X ( 220 cm / - implantation des éventuels potelets dans la bordure de trottoir (carottage), pas de bande fonctionnelle, les mobiliers présents dans le cheminement sont contrastés (cf. schéma), pas de bande de concessions, fixation en applique (par consoles ou tubes coudés) sur façade si possible des équipements de la rue. / 220 cm ( X ( 600 cm : / - bande piétonne de largeur supérieure à 160 cm et supérieure aux deux tiers de la partie circulable, / - bande de concessions (1/3 de la largeur utile / - bande fonctionnelle éventuelle sur le reste de la largeur. / La gestion des bandes de concession et fonctionnelle doit toujours ménager le passage libre de 180 cm (pas de bandes en vis à vis pour des largeurs de trottoir inférieures à 3 m). Cela signifie en pratique que, pour des trottoirs de largeur inférieure à 3 m, il ne doit pas être implanté de concession au droit de mobilier urbain (potelets, signalisation, candélabres...). / Au-delà de 3 m, la bande fonctionnelle est soustraite à la largeur du trottoir pour obtenir la " partie circulable ", dont la bande piétonne doit représenter au moins les 2/3. / ) 600 cm : / - bande piétonne de largeur supérieure aux deux tiers de la largeur circulable / - bande de concessions de largeur inférieure au tiers de la largeur circulable / - bande fonctionnelle = partie non circulable du trottoir, recevant les équipements urbains (arbres, bancs, sanisettes, signalisation, candélabres, etc.) ". Selon le référentiel R27 du même document : " Avant toute chose, il nécessaire de tenir compte des flux piétons constatés ou attendus sur le site. Pour le confort des piétons, préconiser de disposer d'une largeur de trottoir de 1,80 m (hors terrasse ou étalage), et garantir une largeur de 160 cm libre de tout obstacle. Ces valeurs sont des minima correspondant à des largeurs réduites de trottoir, les piétons devant bénéficier des deux tiers de la largeur circulable du trottoir hors mobilier (si ( 6m). C... éventuelle de pose sur 40 cm de pots détectables, à partir de 2,20 m. C... éventuelle de terrasses de 60 cm à partir de 2,40 m. A... cas de contre-terrasse, ou contre-étalage, prévoir un passage libre de la même dimension que la bande piétonne habituelle ".
6. En premier lieu, M. D... soutient que les articles DG.10, DG.11.2, P.1.2, P.3.2, P.4.2 TE.2.2 et TE.3.2 du règlement attaqué, qui prévoient qu'une bande de 1,60 mètres de largeur doit être réservée à la circulation des piétons, méconnaissent les R9 et R10 du référentiel d'accessibilité de la voirie parisienne du PAVE, qui imposent qu'un espace d'une largeur d'au moins 1,80 mètres soit réservé aux piétons pour les trottoirs d'une largeur supérieure à 2,20 mètres. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les référentiels R9 et R10 du PAVE relatives à la configuration du trottoir en fonction de sa largeur, qui ne posent aucune limite chiffrée pour les trottoirs d'une largeur inférieure à 1,60 mètres et supérieure à 6 mètres, mentionnent que " la bande piétonne [est]de largeur supérieure à 160 cm supérieure aux deux tiers de la partie circulable " et que " la gestion des bandes de concession et fonctionnelle doit toujours ménager le passage libre de 180 cm (...) ". En outre, alors que le référentiel R9 précise " qu'il convient d'adapter la largeur de la bande piétonne en fonction de la fréquentation des lieux ", l'arrêté litigieux exige que la largeur de la bande piétonne soit de 180 centimètres, pour certaines installations : contre-étalages (article P.1.2), contre-terrasses (article P.4.1), contre-terrasses estivales (article TE.3.1) et certaines zones : voies piétonnes, voies marché, zones de rencontre (article DG.11.1) et secteurs à disposition particulière (article DG.11.2, s'agissant du quai de la Mégisserie, du quai du Louvre et de l'avenue de Saint-Ouen). Enfin, les articles DG.4 et DG.5 du règlement attaqué précisent que l'installation doit " ménager des espaces de circulation lisibles et visuellement dégagés pour les piétons, en particulier pour les personnes à mobilité réduite " et que " C... peut être refusée notamment pour des motifs liés / aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments, (...) ".
7. En second lieu, le requérant soutient que les articles DG.10 et DG.11.2 du règlement attaqué, qui permettent à la maire de Paris d'accorder des dérogations pour la création d'une installation " lorsque la configuration des lieux et l'importance locale de la circulation piétonne le permettent ", la largeur ne pouvant excéder 50 % de la largeur utile du trottoir, méconnaissent les dispositions des R9 et R10 du référentiel d'accessibilité de la voirie parisienne du PAVE, qui prévoient que les installations sur les trottoirs d'une largeur comprise entre 2,20 et 6 mètres sont limitées au tiers de la largeur utile du trottoir et que les installations sur les trottoirs d'une largeur de plus de 6 mètres sont limitées au tiers de la largeur circulable. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que de telles dérogations, qui ne seront accordées par la maire de Paris, au cas par cas, que " lorsque la configuration des lieux et l'importance locale de la circulation piétonne le permettent ", seraient incompatibles avec les référentiels R9 et R10 du PAVE.
8. Ainsi, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions des articles DG.10, DG.11.2, TE.2.2, TE.3.2, P.1.2, P.3.2 et P.4.2 de l'arrêté attaqué seraient incompatibles avec les référentiels R9, R10 et R27 du PAVE. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ces dispositions seraient entachées d'une erreur d'appréciation.
9. Enfin, aux termes du paragraphe 3.6 du chapitre A du plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE) : " Les prescriptions du Plan de mise en accessibilité de la voirie (ou issues des textes réglementaires) s'appliquent à l'ensemble du domaine viaire, sauf en cas d'impossibilité technique constatée par l'autorité gestionnaire de la voirie ou des espaces publics, après avis de la Commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA). / En effet, des dérogations peuvent être accordées par cette commission dans des conditions fixées par arrêté en ce qui concerne le bâti. En cas d'impossibilité technique de mise en accessibilité de l'existant, le recours à des adaptations techniques est admis selon les modalités particulières d'application prévues par l'arrêté du 21 mars 2007. (...) / En outre, sur avis de la CCDSA et décision de l'autorité de l'Etat, des dérogations peuvent être accordées selon trois motifs, à savoir les critères techniques, la préservation du patrimoine et la disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences. (...) ".
10. Ainsi qu'il résulte de ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier, que l'arrêté litigieux déroge aux dispositions du plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure lié à l'absence de consultation de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant la somme que demande la Ville de Paris en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02419