Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Pion a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision n° 1572-20 du 23 octobre 2020 par laquelle l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a accordé une aide de 9 398,16 euros au titre de la troisième phase d'exécution du programme d'aide de l'Union européenne auquel elle a été admise par la convention n° 405-14 du 24 mars 2014, phase qui s'étendait du 1er janvier au 31 décembre 2016 et d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser la somme de 35 426,28 euros au titre de l'aide sollicitée pour cette période.
Par un jugement n° 2014876 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2022 et 6 novembre 2023, la société Pion, représentée par Me Robbe, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2014876 du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision de FranceAgriMer du 23 octobre 2020 ;
3°) de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 35 426,28 euros ;
4°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors que la décision attaquée n'est pas une décision confirmative, l'administration ayant révisé sa position et cette décision ne lui étant pas favorable ;
- le signataire de la décision attaquée ne justifie pas de sa compétence ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la procédure contradictoire n'a pas été respectée ;
- les motifs fondant le refus de lui accorder en totalité l'aide sollicitée sont entachés d'erreur de droit et d'appréciation ainsi que d'un défaut de motivation, pour ce qui concerne les dépenses ayant fait l'objet d'une double présentation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 septembre et 7 décembre 2023, l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Robbe pour la SAS PION et de Me Goachet substituant Me Vandepoorter pour FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 mars 2014, la société Pion, spécialisée dans le commerce de gros des vins de Bourgogne, a conclu avec FranceAgriMer une convention relative au soutien d'un programme de promotion hors de l'Union européenne, dans le cadre du programme d'aide national au titre de la promotion des vins sur les marchés tiers. Par une lettre en date du 27 juin 2017, réceptionnée le 29 juin suivant, la SAS PION a demandé à FranceAgriMer le paiement d'une somme de 44 824,44 euros, au titre du solde de l'aide au titre de la troisième et dernière phase de son projet, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par une décision du 24 octobre 2018, FranceAgriMer a accordé à la société requérante une somme de 8 338,21 euros et a implicitement rejeté le surplus de sa demande. Par une lettre du 12 décembre 2018, réceptionnée le lendemain, la société Pion a contesté la décision du 24 octobre 2018 et demandé à FranceAgriMer de reconsidérer sa position. Par une décision du 23 octobre 2020, FranceAgriMer a attribué à la société Pion une aide d'un montant de 9 398,16 euros et a implicitement rejeté le surplus de la demande de paiement du solde. La société SAS Pion relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête, tendant à l'annulation de cette décision, comme irrecevable.
Sur la recevabilité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article L. 112-3 alinéa 1er du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) " et aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite (...) ". Et aux termes de l'article L. 411-3 de ce code : " Les articles L. 112-3 et L. 112-6 relatifs à la délivrance des accusés de réception sont applicables au recours administratif adressé à une administration par le destinataire d'une décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la société Pion, qui avait sollicité, par lettre réceptionnée le 29 juin 2017, le versement d'une aide de 44 824,44 euros, a formé, par lettre réceptionnée le 13 décembre 2018 par FranceAgriMer, soit dans le délai de recours contentieux, un recours gracieux contre la décision de l'établissement, en date du 24 octobre 2018, de lui accorder une somme de 8 228,21 euros, en tant que cette décision ne lui versait pas la totalité de l'aide sollicitée. Il est constant que FranceAgriMer n'a pas accusé réception de cette lettre et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la société requérante aurait été informée ou aurait eu connaissance du rejet implicite de son recours gracieux. Par suite, la décision du 24 octobre 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux n'étant pas devenues définitives, FranceAgriMer s'étant, au demeurant, prononcé de nouveau sur la demande de la société Pion par sa décision du 23 octobre 2020, cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme irrecevable en raison de sa tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision, par laquelle FranceAgriMer a partiellement fait droit à son recours gracieux.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Pion est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, sa requête a été rejetée comme irrecevable en raison de sa tardiveté. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il statue sur la demande présentée par la société requérante.
Sur les frais de l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Pion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande FranceAgriMer sur le fondement de ces dispositions.
6. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement à la société Pion de la somme de 1 500 euros, en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2014876 du tribunal administratif de Montreuil en date du 29 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : FranceAgriMer versera à la société Pion la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pion et à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure, Le président,
I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04023