Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions implicites par lesquelles la société La Poste a rejeté ses demandes du 2 août 2018 tendant à ce que ses congés de maladie pris à compter du 20 décembre 2016 soient reconnus imputables au service, au bénéfice de la protection fonctionnelle et à son affectation sur un poste correspondant à son grade au sein des services de La Poste.
Par un jugement no 1810104 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a donné acte à Mme A... de son désistement de ses conclusions dirigées contre la décision implicite par laquelle La Poste a rejeté sa demande tendant à obtenir une affectation conforme à son grade, a annulé la décision implicite par laquelle La Poste a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service des congés de maladie pris à compter du 20 décembre 2016 et a rejeté le surplus de sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 mai 2022, 3 février 2023 et 26 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Komly-Nallier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810104 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la société La Poste a refusé de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) de mettre à la charge de la société La Poste le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation et que les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits et une dénaturation de ses écritures en considérant qu'elle ne démontrait pas avoir été victime de harcèlement moral alors qu'elle n'a jamais soutenu en avoir été victime ;
- la décision par laquelle La Poste a rejeté sa demande de protection fonctionnelle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2022 et 28 février 2023, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête présentée par Mme A... et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- les observations de Me Komly-Nallier pour Mme A...,
- et les observations de Me Cortes pour La Poste.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., fonctionnaire agent technique et de gestion de niveau supérieur au sein du groupe La Poste, a été mise à la disposition de l'Association au service des personnes malades et handicapés (APCLD) pour exercer les fonctions de chargée de communication à compter du 14 septembre 2015. Par un courrier du 2 août 2018, elle a saisi La Poste d'une demande tendant, notamment, à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle, demande implicitement rejetée. Mme A... relève appel du jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle La Poste a refusé de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Mme A... soutient que les premiers juges n'ont pas tenu compte du fait qu'elle se prévalait du caractère irrégulier du renouvellement de sa convention de mise à disposition auprès de l'APCLD et de ce que son état de santé nécessitait qu'elle soit " extraite " des conditions de travail qui étaient les siennes au sein de cette association. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme A..., ont répondu de manière suffisamment précise au moyen soulevé par la requérante, tiré de ce qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de la protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est insuffisamment motivé doit être écarté.
4. En second lieu, Mme A... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits et une dénaturation de ses écritures en considérant qu'elle ne démontrait pas avoir été victime de harcèlement moral alors qu'elle n'a jamais soutenu en avoir été victime. Toutefois, un tel moyen qui relève du bien-fondé du jugement est sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de la décision refusant à Mme A... le bénéfice de la protection fonctionnelle :
5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à la date de la décision litigieuse : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. La protection prévue par les dispositions précitées n'est due qu'à raison de faits liés à l'exercice par des fonctionnaires de leurs fonctions dans une collectivité publique.
6. D'une part, si Mme A... soutient avoir été privée d'attributions au moment de la reprise de ses fonctions à l'issue de son congé de maladie au mois de février 2018, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est vue confier des missions, notamment la préparation de l'assemblée générale de l'association auprès de laquelle elle était mise à disposition, et a travaillé sur les chartes graphiques des documents de consultation des participants ou le bulletin de vote des élections. Par ailleurs elle a été reçue le 10 avril 2018 par la présidente de l'association et ses nouvelles missions ont été définies à l'issue de cet entretien. La requérante n'établit pas, par les seuls courriels adressés à la présidente de l'association au cours du mois de juin 2018, que son matériel informatique aurait été endommagé pendant son absence ni même que ses fichiers informatiques auraient été supprimés. Il n'est pas davantage établi, par la seule production d'un certificat médical établi par son médecin le 2 août 2018, que la supposée dégradation de ses conditions de travail aurait eu pour effet de porter atteinte à sa santé. Les seules circonstances que la présidente de l'APCLD aurait échangé avec l'agent chargé de communication qui rencontrait des difficultés relationnelles avec Mme A... et qu'elle n'aurait reçu cette dernière que le 10 avril 2018, soit deux mois après son retour de congés de maladie, ne sont pas suffisantes pour considérer que la présidente de cette association aurait porté atteinte aux conditions de travail de Mme A.... Par suite Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les conditions de son retour en fonctions au sein de l'APCLD seraient constitutives de menaces dont La Poste aurait dû la protéger, par des mesures dont elle ne donne au demeurant aucune définition.
7. D'autre part, Mme A... se prévaut du caractère irrégulier du renouvellement de sa convention de mise à disposition auprès de l'ACPLD en ce que celle-ci a été renouvelée tardivement à l'issue de son congé de maladie et ne mentionnait pas les missions confiées, du retard pris par l'administration pour lui accorder quelques jours de télétravail par semaine, de l'absence de rendez-vous avec le médecin de prévention pour le renouvellement de son mi-temps thérapeutique et de la modification des mots de passe d'accès à son ordinateur et à sa messagerie. Toutefois ces circonstances, dont il n'est pas établi qu'elles aient nui à Mme A... ni qu'elles révèleraient une intention malveillante de La Poste, ne sont pas de nature à constituer des atteintes volontaires à l'intégrité de l'intéressée, des violences, menaces, injures, diffamations ou outrages au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dont La Poste aurait été tenue de la protéger par la mise en œuvre d'une protection fonctionnelle, la requérante indiquant par ailleurs expressément que les faits dont elle se prévaut ne constituent pas une situation de harcèlement moral. Dès lors, à supposer même que Mme A... puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 alors que les agissements dont elle fait état auraient eu lieu quand elle exerçait au sein d'une association de droit privé, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de protection fonctionnelle La Poste aurait méconnu les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et commis une erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par La Poste au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société La Poste en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
La rapporteure,
N. ZEUDMI SAHRAOUI
La présidente,
P. HAMON
La greffière
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02300