Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tahiti Beachcomber a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé la SCI Maire à occuper temporairement divers emplacements du domaine public sur la commune de Bora Bora, ainsi que l'arrêté du 17 mai 2021 modifiant ledit arrêté.
Par un jugement n° 2000215 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les arrêtés des 16 janvier 2020 et 17 mai 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires enregistrés les 4 février 2022, 22 mai 2023, 14 juin 2023 et 29 juin 2023, la société Aquamaris Bora Bora, représentée par Me Quinquis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 24 novembre 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance et d'appel de la société Tahiti Beachcomber ;
3°) de mettre à la charge de la société Tahiti Beachcomber la somme de 400 000 francs Pacifique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Tahiti Beachcomber n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre d'une autorisation domaniale relative à une parcelle voisine ; les nuisances dont elle se prévaut sont relatives à des travaux de terrassements sans rapport avec l'objet de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; par suite, la demande de première instance aurait dû être rejetée comme irrecevable ;
- aucune disposition légale ou réglementaire n'impose la possibilité d'un cheminement du public le long du littoral en Polynésie française ; une telle règle n'est pas respectée par les hôtels avoisinants ; l'autorisation qui lui a été accordée n'est pas " à charge de remblai ", mais totalement privative ; en tout état de cause, la continuité du passage public en bordure de rivage est assurée par trois solutions architecturales ;
- sa demande a été instruite en toute indépendance par les services administratifs de la Polynésie française.
Par trois mémoires en défense enregistrés les 2 juillet 2022, 23 mai 2023 et 5 août 2023, la société Tahiti Beachcomber, représentée par Me Varrod, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 250 000 francs Pacifique soit mise à la charge de la Polynésie française et de la société Aquamaris Bora Bora en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en sa qualité de voisin immédiat, elle a intérêt à demander l'annulation de l'autorisation litigieuse en raison des effets des constructions portées par la société Aquamaris Bora Bora sur ses propres intérêts ;
- l'arrêté du 16 janvier 2020 ne vise pas l'avis définitif du service instructeur sur l'étude d'impact ;
- l'insuffisance de l'étude d'impact entache d'illégalité l'ensemble de la procédure ayant conduit à l'édiction de cet arrêté ;
- le bénéficiaire de l'autorisation litigieuse ne justifie pas d'un titre pouvant attester de droits réels immobiliers sur la parcelle attenante au domaine public ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des principes de publicité qui régissent la délivrance d'autorisations d'occupation du domaine public à des fins économiques ;
- il porte atteinte à la destination normale du domaine public, dès lors qu'il interdit la libre circulation du public sur le rivage ;
- il n'est justifié par aucun motif d'intérêt général ;
- il a été obtenu par fraude, visant à contourner la réglementation relative aux établissements recevant du public ;
- il méconnaît les dispositions à valeur constitutionnelle des articles 3, 5 et 6 de la Charte de l'environnement.
Par un mémoire enregistré le 23 mars 2023, la Polynésie française, représentée par Me Marchand, demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 24 novembre 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance et d'appel de la société Tahiti Beachcomber ;
3°) de mettre à la charge de la société Tahiti Beachcomber la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la continuité du passage public sur le rivage n'était pas assurée ;
- les autres moyens soulevés par la société Tahiti Beachcomber ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 janvier 2020, modifié par un arrêté du 17 mai 2021, le président de la Polynésie française a autorisé la SCI Maire, aux droits de laquelle est venue la société Aquamaris Bora Bora, à occuper temporairement divers emplacements du domaine public sur la commune de Bora Bora, au droit de la parcelle cadastrée KB n° 9, en vue de permettre la création d'une lagune, d'un chenal, d'un épi enroché dans le lagon et de divers équipements, dans le cadre de la construction de la villa " Aquamaris ". La société Aquamaris Bora Bora relève appel du jugement du 24 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les arrêtés des 16 janvier 2020 et 17 mai 2021.
2. Pour demander l'annulation des arrêtés des 16 janvier 2020 et 17 mai 2021 portant autorisation d'occupation temporaire d'emplacements du domaine public de la Polynésie française, la société Tahiti Beachcomber se prévaut de sa qualité de voisin de la parcelle attenant à ces emplacements, ainsi que des nuisances résultant des travaux de construction de la villa " Aquamaris ", liées notamment aux risques de pollution du lagon et d'une lentille d'eau douce qui serait située sous le motu. Toutefois, la seule qualité de voisin ne suffit pas à donner intérêt à agir contre les arrêtés en litige, qui n'ont pas pour objet d'autoriser les constructions projetées par la société Aquamaris Bora Bora, alors au demeurant que seules les installations techniques de l'hôtel qu'exploite la société Tahiti Beachcomber se trouvent à proximité immédiate des emplacements du domaine public concernés par ces arrêtés. Quant aux nuisances alléguées par la société Tahiti Beachcomber, à les supposer établies, elles ne résultent pas davantage de l'autorisation d'occupation domaniale accordée. Par suite, cette société ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre les arrêtés des 16 janvier 2020 et 17 mai 2021. Sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés est donc irrecevable.
3. Il résulte de ce qui précède que la société Aquamaris Bora Bora est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le président de la Polynésie française a autorisé la SCI Maire à occuper temporairement divers emplacements du domaine public sur la commune de Bora Bora, ainsi que l'arrêté du 17 mai 2021 modifiant ledit arrêté. Il résulte également de ce qui précède que la demande de première instance de la société Tahiti Beachcomber doit être rejetée.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tahiti Beachcomber le versement de la somme de 1 000 euros à la société Aquamaris Bora Bora et de la somme de 1 000 euros à la Polynésie française, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française et de la société Aquamaris Bora Bora le versement d'une somme à la société Tahiti Beachcomber au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000215 du 24 novembre 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la société Tahiti Beachcomber est rejetée.
Article 3 : La société Tahiti Beachcomber versera la somme de 1 000 euros à la société Aquamaris Bora Bora et la somme de 1 000 euros à la Polynésie française, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aquamaris Bora Bora, à la Polynésie française et à la société Tahiti Beachcomber.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00498