Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Nassim Alimentation a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mars 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 7 300 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 2 124 euros et d'annuler la décision du 25 mai 2021 par laquelle cet office a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision et de la décharger du paiement de ces contributions et à titre subsidiaire, de réduire le montant total des contributions dues à la somme totale de 5 774 euros.
Par jugement n° 2117211/3-3 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 26 mai 2023, la société Nassim Alimentation, représentée par Me Monconduit, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2117211 du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 25 mai 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté le recours gracieux formé contre la décision du 16 mars 2021 mettant à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 7 300 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 2 124 euros ;
3°) de ramener à de plus justes proportions le montant des sanctions financières prononcées à son encontre avec un plafond maximum de 5 774 euros ;
4°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII de ramener à de plus justes proportions le montant des sanctions financières prononcées à son encontre avec un plafond maximum de 5 774 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que dès lors qu'elle s'est acquittée, auprès de son salarié démissionnaire, de l'ensemble des sommes dues au titre de l'article L. 8252-2 du code du travail, elle est en droit de prétendre au plafonnement de la sanction prévu par l'article R. 8253-2 de ce code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Nassim Alimentation la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen visant à la réduction du montant de la contribution spéciale est irrecevable car il relève d'une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués en première instance, soulevée pour la première fois en cause d'appel ;
- les moyens soulevés par la société Nassim Alimentation ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ardakani substituant Me Monconduit, avocat de la société Nassim Alimentation.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 août 2020, les services de police ont contrôlé la supérette appartenant à la société Nassim Alimentation et ont constaté la présence d'un ressortissant étranger en action de travail dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 16 mars 2021, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société Nassim Alimentation, à raison de l'emploi de ce ressortissant étranger, la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 300 euros et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Par décision du 25 mai 2021, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. Par jugement n° 2117211 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 16 mars et 25 mai 2021 et à la décharge du paiement de ces contributions. La société relève partiellement appel de ce jugement en demandant que le montant des sanctions qui lui ont été infligées soit ramené à une somme n'excédant pas 5 774 euros.
2. D'une part, selon le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". En application du premier alinéa de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2024, applicable au présent litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251 1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231 12 (...) ". Ce montant est fixé de manière forfaitaire, par l'article R. 8253-2 du même code, à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12, à la date de la constatation de l'infraction. Il est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ou lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail, " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : / 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) ". En vertu de l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ".
4. Le juge administratif peut décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par l'article L. 8253-1 du code du travail, soit d'en décharger l'employeur, mais ne peut moduler l'application du barème fixé par les dispositions précitées.
5. La société Nassim Alimentation soutient que son gérant s'est acquitté des salaires du ressortissant étranger dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France, alors qu'il était convaincu qu'il était titulaire d'une autorisation, et de l'ensemble des obligations qui lui incombaient au titre de l'article L. 8252-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, article au demeurant inexistant, la société devant être regardée comme ayant entendu se référer à l'article L. 8252-2 du code du travail. Elle précise que M. A... a cessé de travailler dès le 4 août 2020 et a présenté sa démission le 24 septembre 2020. Toutefois, l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger, qui interdit à l'employeur, en application de l'article L. 8251-1 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, de conserver le salarié à son service constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de plein droit de son contrat de travail, la " démission " postérieure du salarié se trouvant donc sans effet sur un contrat qui est déjà résolu de plein droit. Par suite, la circonstance que le salarié concerné ait démissionné n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient la société Nassim Alimentation à l'exonérer du paiement de l'indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail, laquelle doit être versée en cas de rupture de la relation de travail. Dès lors qu'il est constant que cette indemnité n'a pas été versée à ce salarié, la société ne peut être regardée comme s'étant acquittée, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 8252-4 du code du travail, de l'intégralité des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du même code. En conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'irrecevabilité de ce moyen opposée en défense par l'OFII, en l'absence de paiement au salarié concerné de l'ensemble des salaires, accessoires et indemnités de rupture prévus par le code du travail, la société Nassim Alimentation ne peut prétendre au plafonnement de la sanction prévu par l'article R. 8253-2 du code du travail.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nassim Alimentation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté le recours gracieux formé contre la décision du 16 mars 2021 mettant à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 7 300 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 2 124 euros. L'ensemble des conclusions de sa requête d'appel ne peut, par suite, qu'être rejeté.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Nassim Alimentation est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nassim Alimentation, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au directeur départemental des finances publiques de Paris.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02369