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29/04/2024 | FRANCE | N°23PA02056

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2024, 23PA02056


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par jugement n° 2218866/2-2 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mai 2023 et 15 janvier 2024, M. A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2218866/2-2 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mai 2023 et 15 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Weinberg, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2218866/2-2 du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens, soulevés à l'encontre de la décision portant refus de délivrance d'une carte de résident, tirés de ce que le préfet de police de Paris aurait commis une erreur de droit en ajoutant des conditions aux dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges, en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de convocation devant la commission du titre de séjour au motif qu'il ne produisait pas la copie de la convocation, ont inversé la charge de la preuve et ont entaché leur jugement d'une erreur de droit ;

- les premiers juges, en considérant que sa conjointe ne justifiait pas de la régularité de son séjour ont entaché leur jugement d'une erreur de fait ;

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ait été convoqué par écrit quinze jours avant la réunion de la commission du titre de séjour ni que sa convocation l'informait de la possibilité d'être accompagné d'un conseil ;

- elle est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il comprend et s'exprime parfaitement en langue française et qu'il n'est pas célibataire mais marié religieusement à une compatriote en situation régulière sur le territoire français ;

- le préfet de police de Paris, en ajoutant des conditions aux dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a commis une erreur de droit ;

- elle méconnaît le 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa situation répondant aux conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 424-3, il ne pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement du territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- les observations de Me Lebon, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 27 décembre 1994 et entré en France le 14 août 2018 selon ses déclarations, a sollicité le 11 janvier 2022 la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par jugement du 12 avril 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident prévue à l'article L. 424-1, délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à : (...) / 4° Ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié, sans que la condition de régularité du séjour ne soit exigée.

L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ". De même, aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Enfin, aux termes de l'article L. 432-1 de ce code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que les deux filles mineures de M. A..., Adjara et Sita Nadia, nées respectivement les 20 septembre 2018 et 20 septembre 2019 à Paris se sont vu reconnaître la qualité de réfugiées par décisions du directeur général de l'OFPRA du 8 janvier 2021. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de parent de réfugiées mineures et non mariées, le préfet s'est fondé sur un motif d'ordre public après avoir relevé que l'intéressé avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris, le 10 décembre 2018, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour vol avec violence, et le 24 février 2021, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour vol aggravé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette dernière condamnation a été convertie, par une décision du 21 avril 2021 du juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Paris, en une peine de cent heures de travaux d'intérêt général, et que, postérieurement, M. A... s'est engagé dans un processus d'insertion, d'alphabétisation et de recherche d'emploi. S'il ressort des pièces du dossier que la famille vivait dans une situation de grande précarité et sans domicile stable, l'existence d'une communauté de vie ressort toutefois suffisamment des pièces du dossier. Dans ce contexte, eu égard à la date de la dernière infraction commise par M. A... et à son comportement postérieur, et à l'impossibilité, pour la cellule familiale de se reconstituer, dans le pays dont M. A... a la nationalité, et alors que l'intérêt supérieur de ses filles justifie que leur père puisse rester en France à leurs côtés, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est fondé.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros que demande M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de résident sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02056
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;23pa02056 ?
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