Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300334/8 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Lemichel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à Me Lemichel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... par une décision du 12 juin 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Lemichel, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 23 septembre 1988, déclare être entrée en France en janvier 2015. Elle a sollicité le 8 février 2022 son admission au séjour au titre de son état de santé. Par un arrêté du 13 octobre 2022, le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement du 12 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. D'une part, il résulte des dispositions précitées que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Mme B... fait valoir qu'elle souffre depuis 2020 d'un lupus systémique dont le traitement n'est pas accessible au Maroc, son pays d'origine. Elle soutient que lui ont été prescrits, dans un premier temps, un traitement corticoïde (prednisone), un immunosuppresseur (méthotrexate) et de l'hydroxychloroquine, comme le mentionnent les comptes rendus d'hospitalisation qu'elle produit, et que son traitement est désormais composé uniquement d'hydroxychloroquine. Elle joint en outre à son dossier des ordonnances médicales, des indications relatives au développement social, à l'accès à l'éducation et à la santé dans les différentes régions du Maroc, ainsi que deux certificats médicaux établis en des termes identiques les 29 novembre 2022 et 5 mars 2024, après l'édiction de l'arrêté contesté. Ces documents, dont seuls les deux derniers se bornent à indiquer sans autre précision que le Maroc " ne permettra pas de bénéficier d'un suivi et d'un traitement approprié ", ne sont pas de nature à établir, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'intéressée ne pourra avoir accès à un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine, ainsi que l'a estimé le préfet de police au vu notamment de l'avis émis le 11 juillet 2022 par le collège de médecins de l'OFII, qui a considéré que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existait dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme B... soutient qu'après être entrée en France en 2015 sous couvert d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial, elle a quitté le domicile conjugal en 2016 en raison de violences domestiques. Elle fait valoir qu'elle a, depuis cette date, démontré une volonté d'intégration dans la société française en occupant notamment de janvier à mai 2018 un emploi d'aide à la personne et en s'investissant dans le milieu associatif. Elle est cependant célibataire, sans charge de famille, et a vécu au Maroc, où résident ses parents et sa fratrie, jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté contesté. Il n'a pas, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 octobre 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03243 2