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26/04/2024 | FRANCE | N°22PA01218

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 26 avril 2024, 22PA01218


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes (SIOA) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2014, de rappels en matière de taxe sur les métaux précieux établis au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ainsi que des amendes fiscales afférentes à ces deux exercices et des pénalités et intérêts de retard.>


Par un jugement n° 1926568 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes (SIOA) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2014, de rappels en matière de taxe sur les métaux précieux établis au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ainsi que des amendes fiscales afférentes à ces deux exercices et des pénalités et intérêts de retard.

Par un jugement n° 1926568 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 mars 2022 et 28 août 2023, la SARL SIOA, représentée par Me Michel, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926568 du 12 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2014, de rappels en matière de taxe sur les métaux précieux établis au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ainsi que des amendes fiscales afférentes à ces deux exercices ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service vérificateur n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'absence de communication de l'ensemble des documents dont l'administration avait eu connaissance grâce à l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire l'a privée de ses droits à la défense et a méconnu l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle a été privée de son droit à recours hiérarchique, l'administration ayant prématurément mis les impositions en recouvrement le 17 avril 2018 et ne l'ayant pas informée de ce que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente ;

- sa comptabilité était sincère et probante ;

- l'amende fiscale prévue à l'article 1737 du code général des impôts n'est pas justifiée en l'absence de prête-nom et de factures de complaisance.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Royaï pour la société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes (SIOA) exerce une activité d'acheteur de bijoux, d'œuvres d'art et d'objets de collection en vue de leur revente. Elle exerce également une activité d'intermédiaire en proposant à des sociétés de vente aux enchères des objets d'art et des bijoux qui lui sont confiés par des particuliers. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, dont elle a été avisée par l'envoi d'un avis de vérification du 4 juillet 2017. Lors des opérations de contrôle, M. A..., associé de la société SIOA, a présenté au vérificateur un tableau extracomptable retraçant l'ensemble des transactions réalisées avec M. C... B..., résident français, ne possédant ni compte bancaire, ni adresse officielle et ne déclarant aucune activité professionnelle, qui agissait en qualité d'apporteur d'affaires. Ces pièces ont été corroborées par des documents obtenus ou consultés auprès du juge judiciaire, le 16 octobre 2017, à la suite du droit de communication accordé par le procureur de la République le 27 septembre 2017 auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre en charge du dossier, constitués de l'ensemble des pièces d'un dossier judiciaire concernant indirectement la société SIOA. Il est ainsi apparu que, depuis plusieurs années et jusqu'en 2015, M. C... B..., grâce à diverses connaissances dans le milieu de l'art, a permis à la SARL SIOA d'acquérir de nombreuses œuvres d'arts ainsi que des bijoux. À l'issue des opérations de contrôle, qui se sont déroulées du 21 juillet 2017 au 14 décembre 2017, une proposition de rectification a été adressée à la SIOA le 15 décembre 2017. Des rehaussements à l'impôt sur les sociétés, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, des rappels en matière de taxe sur les métaux précieux, ainsi que des amendes fiscales prévues à l'article 1737, I, 1 du code général des impôts ont ainsi été notifiés à la société par cette proposition de rectification. La société a présenté ses observations par courrier du 13 janvier 2018, auxquelles le service vérificateur a répondu le 26 janvier 2018, maintenant l'ensemble des rectifications envisagées. Par courrier du 27 février 2018, la société SIOA a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle n'a été saisie que des seuls rehaussements à l'impôt sur les sociétés. Les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 24 avril 2018 et la SARL SIOA les a contestées par une réclamation datée du 4 mai 2018, rejetée le 28 novembre 2018. Elle a formé une nouvelle réclamation le 5 avril 2019, laquelle a également fait l'objet d'une décision de rejet le 7 octobre 2019. Par un jugement n° 1926568 du 12 janvier 2022 dont la SARL SIOA interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2014, des rappels en matière de taxe sur les métaux précieux afférente aux exercices clos en 2014 et 2015, des amendes fiscales qui lui ont été notifiées pour ces deux exercices ainsi que des pénalités et intérêts de retard mis à sa charge pour un montant total 191 499 euros.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

4. D'autre part, l'obligation faite par ces dispositions à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements, ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure, s'il s'y croit fondé, d'en demander communication à cette autorité et, en tout état de cause, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition que cette autorité lui avait permis de recueillir.

5. La société requérante soutient que, malgré ses demandes répétées, le service ne lui aurait pas communiqué l'intégralité des documents obtenus de tiers ayant été utilisés pour établir les rectifications litigieuses. Elle estime par conséquent que le service n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 27 février 2018, la société a demandé la transmission des éléments ayant fondé les rectifications qui lui ont été notifiées dans la proposition de rectification du 15 décembre 2017. Par courrier du 10 avril 2018, le service lui a transmis l'ensemble des documents qu'il a utilisés pour établir les rectifications litigieuses, à savoir les éléments suivants : " le tableau des transactions B.../SIOA, l'extrait du PV d'audition de M. B... coté D773 à D778, la facture Tradart n° 937 du 30/12/2014 d'un montant de 64 280 €, la facture Tradart n° 998 du 15/03/2015 d'un montant de 20 970 €, la facture Dore et Giraud n° A 16 60 du 23/01/2015 d'un montant de 49 352 €, la facture Dore et Giraud n° A 17 69 du 17/03/2015 d'un montant de 56 536,56 €, la facture Calvez n° A 434 33 du 01/12/2014 d'un montant de 14 398 €, la facture Calvez n° A 443 54 du 16/04/2015 d'un montant de 37 622 €, la facture Calvez n° A 439 56 du 19/03/2015 d'un montant de 27 899,57 €, la facture Normandy Auction n° A 1413 44 du 15/07/2014 d'un montant de 7 662,24 € et la facture Artcurial AC0086878 du 01/04/2015 d'un montant de 8 970 € ". La société a réitéré sa demande, après la mise en recouvrement des impositions supplémentaires, par courriers des 5 avril et 5 août 2019, à laquelle le service a répondu par courrier du 10 octobre 2019, transmettant de nouveau les pièces demandées.

7. Dans ses écritures, la société relève que si l'administration fiscale lui a communiqué le procès-verbal d'audition de M. B... côté D 773 à D 778 qui comportait de nombreux passages occultés, elle a omis de lui communiquer l'ensemble des procès-verbaux contenus dans le dossier pénal sur lequel elle s'est fondée pour proposer les rectifications puis les maintenir, sans lui indiquer les références utiles pour lui permettre d'en demander la consultation auprès de l'autorité judiciaire. Or, il résulte de l'instruction que le service a bien communiqué à la société, intégralement, les seuls documents issus du dossier pénal lui ayant servi à établir les rectifications en litige. En effet, bien que le service ait eu accès à l'ensemble du dossier pénal, il apparaît que seuls les factures, le tableau extra-comptable et le procès-verbal mentionnés ci-dessus, communiqués par courrier du 10 avril 2018 ont servi à établir les rectifications litigieuses. Si la société fait valoir que l'administration fiscale a indiqué, dans ses écritures en défense en première instance, que des procès-verbaux avaient été communiqués à la société par courrier du 18 avril 2018, il s'agit d'une simple erreur de plume figurant dans le mémoire de première instance de l'administration mentionnant le pluriel en lieu et place du singulier. Dès lors, il appartenait à la société requérante, si elle s'y croyait fondée, d'établir que les documents communiqués par le service étaient incomplets et de solliciter avant la mise en recouvrement des impositions la communication des documents qu'elle estimait manquants, ce qu'elle n'a pas fait.

8. En second lieu, aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ".

9. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-199/11 Europese Gemeenschap c/ Otis NV et autres du 6 novembre 2012, que le principe de protection juridictionnelle effective figurant à cet article 47 est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d'égalité des armes, le droit d'accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter. S'agissant du respect des droits de la défense invoqués dans un litige fiscal portant sur une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt

C-189/18 Glencore Agriculture Hungary du 16 octobre 2019, que ce principe a pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu'une violation du droit d'accès au dossier commise lors de la procédure administrative n'est pas, en principe, régularisée du simple fait que l'accès au dossier a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. La Cour de justice a également jugé dans ce même arrêt que, dans un tel litige de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, le respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration fiscale une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, mais exige que l'assujetti ait la possibilité de se voir communiquer, à sa demande, les informations et les documents se trouvant dans le dossier administratif et pris en considération par cette administration en vue d'adopter sa décision, lesquels incluent en principe non seulement l'ensemble des éléments du dossier sur lesquels l'administration fiscale entend fonder sa décision mais aussi ceux qui, sans fonder directement sa décision, peuvent être utiles à l'exercice des droits de la défense. Au nombre de ces derniers figurent en particulier les éléments que cette administration a pu rassembler et qui seraient susceptibles de faire douter de la participation du contribuable, en connaissance de cause, à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée mais qu'elle a regardés comme non probants.

10. La société requérante soutient qu'en application de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'administration était tenue de lui communiquer l'ensemble des documents de la procédure. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 précédent qu'à la demande de la société requérante l'administration lui a notamment communiqué, avant la mise en recouvrement, l'ensemble des pièces qu'elle détenait en vertu de l'exercice de son droit de communication auprès du procureur de la République et que l'administration ne s'est appuyée sur aucune autre pièce pour fonder les rectifications litigieuses. En se bornant à faire valoir de manière générale que les pièces non communiquées auraient pu lui servir à assurer ses droits à la défense, elle ne met pas la Cour en état de constater que des documents qui n'étaient pas en sa possession auraient pu lui permettre de faire connaître de manière utile et effective ses observations avant l'issue de la procédure administrative. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

11. En dernier lieu, la société requérante fait valoir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle a été privée de la possibilité, prévue par la charte du contribuable vérifié rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, de saisir le supérieur hiérarchique des difficultés rencontrées dans le déroulement du contrôle ainsi que, postérieurement à la réponse aux observations du contribuable, des désaccords persistants avec le vérificateur. Elle soutient avoir été privée de cette possibilité dès lors que le service ne l'a pas informée du champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et de ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ou de taxe sur les métaux précieux étaient exclus de la compétence de la commission, et estime en conséquence que les impositions ne relevant pas de la compétence de la commission dont elle ignorait l'étendue ont été mises en recouvrement avant qu'elle ait eu le temps de solliciter un recours hiérarchique concernant ces impositions.

12. D'une part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ". L'article L. 59 A du même code précise que : " I. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1 o Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2 o Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; / 3 o Sur l'application du 1o du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; / 4 o Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6 o et du 1 du 7o de l'article 257 du même code. / II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles ou d'immobilisation ".

13. D'autre part, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Le paragraphe intitulé " En cas de désaccord avec le vérificateur " du chapitre relatif à la conclusion du contrôle de cette charte, dans sa rédaction applicable au litige, précise : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".

14. Tout d'abord, la possibilité pour le contribuable de s'adresser, dans les conditions précisées par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification, en premier lieu au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle et, en second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées.

15. Par ailleurs, un contribuable qui n'a, à aucun moment de la procédure de vérification, manifesté son intention de demander à bénéficier de la garantie, offerte par la charte du contribuable vérifié, d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur tous les points où persiste un désaccord avec ce dernier, ne saurait soutenir utilement devant le juge de l'impôt qu'il aurait été privé de cette garantie et que la procédure d'imposition serait, pour ce motif, irrégulière. Toutefois, il peut utilement soutenir que, compte tenu des circonstances de fait, et notamment des informations que l'administration a portées à sa connaissance dans la proposition de rectification ou dans la réponse à ses observations, l'administration l'a induit en erreur sur la possibilité d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, alors même qu'elle n'était pas légalement tenue de faire connaître au contribuable, à ce stade de la procédure, sa faculté d'obtenir un tel débat.

16. Enfin, le recours hiérarchique n'interrompt pas le délai de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et inversement.

17. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le service, qui en tout état de cause doit seulement ne pas priver le contribuable de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires et faire droit à une demande de saisine de la commission dans l'hypothèse où celle-ci est compétente, ne l'aurait pas informée de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires alors que la page de garde de la réponse aux observations du contribuable du 26 janvier 2018 mentionnait expressément les articles encadrant la compétence de la commission. Par suite, la SARL SIOA ne peut soutenir avoir été privée de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental, motif pris de ce qu'elle n'avait pas été informée de ce que la commission n'était pas compétente pour connaître des rappels en litige.

18. D'autre part, au regard des principes mentionnés aux points 14 à 16 du présent arrêt, la garantie attachée à la faculté de faire appel à l'interlocuteur départemental, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ne peut être mise en œuvre qu'avant la décision d'imposition, c'est-à-dire la date de mise en recouvrement. Par suite, l'administration fiscale a pu, sans méconnaître l'article L. 10 précité du livre des procédures fiscales, ne pas donner suite, en raison de sa tardiveté, à la demande d'entretien avec l'interlocuteur départemental présentée par la société le 4 mai 2018, soit postérieurement à la date de mise en recouvrement, fixée au 24 avril 2018, alors même que le contribuable n'aurait été informé de la date de mise en recouvrement des impositions litigieuses que postérieurement à celle-ci. Il appartenait à la société, si elle le souhaitait, de solliciter un recours hiérarchique dans le délai qui lui était imparti soit entre le 26 janvier 2018, date de la réponse aux observations du contribuable et l'avis de mise en recouvrement du 24 avril 2018, un tel recours pouvait s'exercer indépendamment de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

19. La SARL SIOA soutient que sa comptabilité doit être regardée comme sincère et probante, dès lors que le service a parfaitement pu identifier ses relations avec M. C... B... grâce au tableau extra-comptable mis à sa disposition et qu'il n'a procédé qu'à la critique d'une minoration de stock d'un montant de 15 000 euros, correspondant à un impôt sur les sociétés de 2 250 euros.

20. Il résulte de toutefois de l'instruction et notamment des énonciations de la proposition de rectification du 15 décembre 2017 que le service a relevé un certain nombre d'irrégularités. Il est ainsi apparu que la SARL SIOA avait comptabilisé des achats réalisés par M. B... auprès de diverses sociétés de ventes aux enchères d'objets qui étaient directement emportés par ce dernier et non destinés à la revente par la société SIOA. De plus, la société requérante a constaté en comptabilité la vente d'un certain nombre d'objets qu'elle avait acquis préalablement auprès de M. B..., alors même que ces achats n'avaient pas été répertoriés en tant que tels au nom de ce dernier. Par ailleurs, l'ensemble des écritures comptables n'était pas appuyé des pièces justificatives nécessaires pour garantir la valeur probante de sa comptabilité. En outre, les énoncés des écritures comptables ne permettaient pas de connaître les véritables acheteurs et vendeurs des objets et marchandises liées aux relations entretenues par la société SIOA et M. B..., le nom de ce dernier n'apparaissant jamais en comptabilité dès lors que celui-ci ne disposait d'aucune existence professionnelle ni d'aucun compte bancaire. Si le tableau extra-comptable fourni en cours de contrôle a effectivement permis au service vérificateur d'identifier la nature des transactions réalisées par M. B..., il n'en demeure pas moins que la comptabilité présentée ne rend pas compte de la réalité de ces opérations. Il en va de même du registre de police à la tenue duquel la SARL SIAO est astreinte, s'agissant de l'inventaire des objets d'art achetés par M. B... à partir de fonds de la société requérante. En outre, l'identité de M. B... a été volontairement dissimulée, ce qui ne permet pas de connaître l'identité réelle des vendeurs et acheteurs des marchandises liées aux relations entretenues entre la société SIOA et M. B.... Compte tenu des anomalies ainsi relevées par le service, et notamment de l'absence de présentation de pièces justificatives, et de leur incidence sur les achats et les ventes réellement réalisées par la société requérante, l'administration était fondée à écarter la comptabilité.

Sur le bien-fondé des pénalités :

21. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut infliger l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

22. La société requérante fait valoir que les conditions d'application de l'amende prévues par l'article 1737 du code général des impôts ne sont pas satisfaites. Elle considère notamment ne pas avoir émis les factures en cause, lesquelles ont été émises par des commissaires-priseurs, avoir elle-même réalisé les achats facturés par les commissaires-priseurs, dont les biens étaient remis à l'échange à M. B... et n'avoir eu aucune intention de dissimuler son identité, l'identité des commissaires-priseurs, ou celle de M. B.... Elle observe que les transactions et les liens entre la société et les commissaires-priseurs qui ont émis les factures concernées ne sont aucunement travestis. La société requérante précise par ailleurs que l'administration fiscale aboutit à une analyse qui est contradictoire dans la mesure où elle ne peut à la fois d'une part, pour appliquer la taxe sur les objets d'art, considérer que l'intéressée achète des œuvres d'art auprès d'un particulier en le payant par la remise en échange d'œuvres d'art qu'elle a achetées auprès de commissaires-priseurs, et, d'autre part, pour appliquer l'amende de 50 % en litige en la sanctionnant d'une activité de prête-nom, considérer que c'est le particulier qui achète les œuvres auprès des commissaires-priseurs.

23. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment du procès-verbal d'audition de M. B... côté D 773 à D 778 que depuis de nombreuses années et jusqu'en 2015, M. B... a permis à la SARL SIOA d'acquérir de nombreux bijoux et objets d'art et qu'afin d'apurer les sommes dues à ce dernier, la SARL SIOA soit payait les sommes dues par M. B... à ses créanciers, en comptabilisant un avoir client, soit lui permettait d'emporter les marchandises qu'il achetait dans la limite de la somme qu'elle lui devait. Il est ainsi apparu que M. B... achetait dans plusieurs salles de ventes, parfois de manière totalement autonome, sans que les achats ne soient commandés par la SARL SIOA, dans la limite de la somme due. Alors que M. B..., à défaut de compte bancaire, ne remplissait pas les conditions permettant le règlement de ses achats auprès des commissaires-priseurs, la société requérante l'a autorisé à intervenir sous couvert de sa raison sociale, les factures des études lui étant adressées, et les objets achetés par M. B... étant remis directement à ce dernier sans être retracés en comptabilité ou au livre de police Il ressort de ces circonstances qu'en permettant ainsi à M. B... d'agir pour son profit personnel, la SARL SIOA a sciemment agi comme prête-nom. Dès lors, la pénalité en litige, qui s'applique non seulement aux sommes reçues d'un tiers mais également, comme en l'espèce, aux sommes versées à un tiers, est fondée en droit.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SIOA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Société d'investissement en objets d'art et organisation de ventes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01218 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01218
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;22pa01218 ?
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