La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°23PA04910

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 25 avril 2024, 23PA04910


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2305780 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 29 novembre 2023 et 8 janvier 2024, Mme A..., représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305780 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 29 novembre 2023 et 8 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Angliviel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305780 du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de cette notification et, en tout état de cause, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé à tort lié par cet avis ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur d'appréciation quant à son état de santé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 20 octobre 1986, est entrée en France le 15 décembre 2018 selon ses déclarations. Le 12 septembre 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étrangère malade. Par un arrêté du 13 décembre 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 9 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise notamment que le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle expose également des éléments suffisants sur sa situation personnelle et familiale en relevant notamment qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Cette motivation révèle en outre que le préfet a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent, en conséquence, être écartés.

3. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que l'avis du collège des médecins a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A... en qualité d'étrangère malade, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 29 novembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII qui a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'un cancer colorectal en phase de rémission pour lequel elle est prise en charge depuis 2019 au service d'hépato-gastroentérologie de l'hôpital Saint-Louis APHP. L'intéressée a été opérée en 2019, traitée par coloprotectomie et amputation abdomino-périnéale puis par radio chimiothérapie. Son état de santé nécessite des consultations régulières avec examens radiologiques et biologiques jusqu'en 2024 ainsi qu'une surveillance endoscopique par gastroscopie tous les deux ans. Les documents produits par la requérante, constitués d'ordonnances et de certificats médicaux décrivant ce suivi ainsi que d'articles généraux sur le traitement des cancers colorectaux et des stomies digestives, ne suffisent pas à démontrer les conséquences d'exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge, au regard notamment des risques de récidive dont elle se prévaut. Par suite, en refusant de délivrer à Mme A... le titre de séjour sollicité pour des raisons de santé, le préfet de police, qui ne s'est pas cru en situation de compétence liée, n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation quant à l'état de santé de la requérante.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... était présente sur le territoire français depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée. Elle est célibataire et sans charge de famille en France alors que ses deux enfants mineurs résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé à l'intéressée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le refus de titre de séjour était suffisamment motivé, le préfet de police n'avait pas à assortir la décision d'éloignement d'une motivation particulière. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, Mme A... n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le préfet de police était fondé à estimer que la requérante ne se trouvait pas dans la situation prévue par le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisant obstacle à son éloignement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04910 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04910
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ANGLIVIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23pa04910 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award