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25/04/2024 | FRANCE | N°23PA03509

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 25 avril 2024, 23PA03509


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... J..., Mme L... E..., M. O... D..., Mme M... P..., M. I... B..., Mme G... K..., M. A... C..., et Mme N... H..., ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021, par lequel le maire de Nouméa a délivré à la SARL Apex un permis de construire en vue de réaliser un immeuble R+3+attique à usage d'habitation et de locaux commerciaux au 6 de la rue Gustave Flaubert, et, d'autre part, l'arrêté n° 20

21/1164 du 26 novembre 2021, par lequel ce maire a transféré à la SARL Groupe Apy le per...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... J..., Mme L... E..., M. O... D..., Mme M... P..., M. I... B..., Mme G... K..., M. A... C..., et Mme N... H..., ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021, par lequel le maire de Nouméa a délivré à la SARL Apex un permis de construire en vue de réaliser un immeuble R+3+attique à usage d'habitation et de locaux commerciaux au 6 de la rue Gustave Flaubert, et, d'autre part, l'arrêté n° 2021/1164 du 26 novembre 2021, par lequel ce maire a transféré à la SARL Groupe Apy le permis de construire délivré le 30 juillet 2021 à la SARL Apex.

Par un jugement n°s 2100355 et 2200044 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir écarté les autres moyens invoqués par M. J... et autres dans le cadre de la requête n° 2100355 à l'encontre du permis de construire délivré à la SARL Apex le 30 juillet 2021, a sursis à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et a fixé un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, pour permettre à la SARL Groupe Apy et à la commune de Nouméa de lui notifier une mesure de régularisation des vices relatifs à l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire, et à la méconnaissance des dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa.

Par un jugement n°s 2100355 et 2200044 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, annulé l'arrêté n° 2021/742 du maire de Nouméa du 30 juillet 2021, tel que modifié par l'arrêté n° 2023/139-DE du 17 février 2023, en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa et, d'autre part, annulé l'arrêté n° 2021/1164 du 26 novembre 2021, en tant qu'il procède au transfert d'un permis méconnaissant ces mêmes dispositions.

Par une ordonnance n° 2300445 du 30 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, en application des articles R. 345-2 et R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la Cour le dossier de la requête, enregistrée au greffe dudit tribunal le 7 septembre 2023, présentée par M. J... et autres, et tendant, à titre principal à l'annulation de l'arrêté du maire de Nouméa n° 2023/705 DE du 20 juillet 2023 modifiant l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021 portant autorisation de construire à la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy en vue de réaliser un immeuble R+3+attique à usage d'habitation et de locaux commerciaux au 6 de la rue Gustave Flaubert, et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en l'attente de l'intervention de la décision de la Cour sur le recours formé contre le jugement n°s 2100355, 2200044 en date du 11 mai 2023.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 août 2023 sous le n° 23PA03509 et des mémoires enregistrés le 1er mars 2024 et le 27 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. O... D..., Mme M... P..., M. F... J..., Mme L... E..., M. I... B..., Mme G... K..., M. A... C..., et Mme N... H..., représentés par Me Descombes (SELARL d'avocats D et S Legal), demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 2100355 et 2200044 du 11 mai 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en tant qu'il n'a que partiellement annulé l'arrêté du maire de Nouméa n° 2021/742 du 30 juillet 2021, tel que modifié par son arrêté n° 2023/139-DE du 17 février 2023, et l'arrêté n° 2021/1164 du 26 novembre 2021 ;

2°) d'annuler les trois arrêtés du maire de Nouméa, n° 2021/742 du 30 juillet 2021, n° 2023/139-DE du 17 février 2023 et n° 2021/1164 du 26 novembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la Ville de Nouméa, de la société anonyme à responsabilité limitée Apex et de la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy le versement d'une somme de 5 000 euros chacun à Mme et M. J... d'une part, Mme et M. D... d'autre part, Mme et M. B... de troisième part, et Mme et M. Q... de quatrième part en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir à l'encontre des arrêtés litigieux ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en faisant une application successive des articles L. 605-1-1 et L. 600-5 du code de l'urbanisme pour un même vice, celui tiré de la méconnaissance des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa ;

- il est également irrégulier en tant qu'il prononce une annulation seulement partielle, alors que la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article 15 du plan d'urbanisme directeur suppose une modification substantielle du projet ;

- il est enfin irrégulier en ce qu'il n'impose aucun délai au pétitionnaire pour la régularisation du permis de construire ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas considéré que le projet méconnait l'article 18 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa ; un tel vice, qui nécessite une modification substantielle du projet, ne peut pas être régularisé par application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 novembre 2023 et le 22 mars 2024, la commune de Nouméa, représentée par Me Bineteau (SELARL Horus avocats) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2024, la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy, représentée par Me Charlier conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 7 septembre 2023 sous le n° 23PA04486, et un mémoire enregistré le 25 mars 2024, M. O... D..., Mme M... P..., M. F... J..., Mme L... E..., M. I... B..., Mme G... K..., M. A... C..., et Mme N... H..., représentés par Me Descombes (SELARL d'avocats D et S Legal), demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du maire de Nouméa n° 2023/705 DE du 20 juillet 2023 modifiant l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021 ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en l'attente de l'intervention de la décision de la Cour sur le recours formé contre le jugement n°s 2100355, 220004 en date du 11 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la Ville de Nouméa, de la société anonyme à responsabilité limitée Apex et de la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy le versement d'une somme de 5 000 euros chacun à Mme et M. J... d'une part, Mme et M. D... d'autre part, Mme et M. B... de troisième part, et M. Q... de quatrième part, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy, n'ayant pas la qualité de bénéficiaire du permis de construire, n'avait pas la qualité pour demander un permis modificatif ;

- le permis de construire a été délivré sur la présentation d'un dossier ne satisfaisant pas aux exigences de l'article PS. 221-11 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, dès lors qu'il n'indique pas les modalités d'implantation des jardinières, des arbres et d'agrandissement des surfaces nécessaires ;

- le vice relevé par le tribunal administratif dans son jugement du 11 mai 2023 n'a pas été régularisé dès lors que le permis de construire continue de méconnaitre l'article 15 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 janvier et le 29 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Nouméa, représentée par Me Bineteau (SELARL Horus avocats) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable faute pour ses auteurs de justifier d'un intérêt à agir, les modifications autorisées par le permis modificatif n'étant pas susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur propriété ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 janvier et le 31 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy, représentée par Me Charlier conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Chaudhry-Shouq substituant Me Descombes, avocat des requérants, de Me Borderieux substituant Me Bineteau avocat de la commune de Nouméa, et de Me Kukuryka substituant Me Charlier, avocat de la société à responsabilité limitée groupe Apy.

1. M. F... J..., Mme L... E..., M. O... D..., Mme M... P..., M. I... B..., Mme G... K..., M. A... C..., et Mme N... H..., ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021, par lequel le maire de Nouméa a délivré à la SARL Apex un permis de construire en vue de réaliser un immeuble R+3+attique à usage d'habitation et de locaux commerciaux au 6 de la rue Gustave Flaubert, et, d'autre part, l'arrêté n° 2021/1164 du 26 novembre 2021, par lequel ce maire a transféré à la SARL Groupe Apy le permis de construire délivré le 30 juillet 2021 à la SARL Apex. Par un jugement du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir écarté les autres moyens invoqués par M. J... et autres dans le cadre de la requête n° 2100355 à l'encontre du permis de construire délivré à la SARL Apex le 30 juillet 2021, a sursis à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et a fixé un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, pour permettre à la SARL Groupe Apy et à la commune de Nouméa de lui notifier une mesure de régularisation des vices relatifs à l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire, et à la méconnaissance des dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa. Par un jugement du 11 mai 2023, le même tribunal administratif a, d'une part, annulé l'arrêté n° 2021/742 du maire de Nouméa du 30 juillet 2021, tel que modifié par l'arrêté n° 2023/139-DE du 17 février 2023, en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa et, d'autre part, annulé l'arrêté n° 2021/1164 du 26 novembre 2021, en tant qu'il procède au transfert d'un permis méconnaissant ces mêmes dispositions. Les intéressés relèvent appel devant la Cour de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement annulé les arrêtés susmentionnés du 30 juillet 2021 et du 26 novembre 2021.

2. Par une ordonnance du 30 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a transmis à la Cour le dossier de la requête, enregistrée au greffe dudit tribunal le 7 septembre 2023, également présentée par M. J... et autres, et tendant, à titre principal à l'annulation de l'arrêté du maire de Nouméa n° 2023/705 DE du 20 juillet 2023 modifiant l'arrêté n° 2021/742 du 30 juillet 2021 portant autorisation de construire à la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy en vue de réaliser un immeuble R+3+attique à usage d'habitation et de locaux commerciaux au 6 de la rue Gustave Flaubert, et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en l'attente de l'intervention de la décision de la Cour sur le recours formé contre le jugement n°s 2100355, 2200044 en date du 11 mai 2023.

3. Les requêtes n° 23PA03509 et n° 23PA04486 présentent à juger des questions connexes. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement du 11 mai 2023 :

4. En premier lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en faisant une application successive des articles L. 605-1-1 et L. 600-5 du code de l'urbanisme pour un même vice.

5. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

6. Un tribunal administratif ne commet pas d'erreur de droit en faisant application, par un second jugement, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme après avoir fait application, par un premier jugement, de l'article L. 600-5-1 du même code, en laissant ainsi au pétitionnaire un délai après le second jugement pour demander la régularisation d'un vice affectant le permis de régularisation qu'il avait obtenu, dans le délai imparti par le premier jugement, pour régulariser un autre vice qui affectait le permis de construire initial.

7. Dès lors, en faisant application, par le jugement attaqué, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme après avoir fait application, par un premier jugement en date du 27 octobre 2022, de l'article L. 600-5-1 du même code, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il prononce une annulation seulement partielle, alors que la régularisation du vice relevé suppose une modification substantielle du projet.

9. Un tel moyen, qui ne porte pas sur les conditions dans lesquelles les premiers juges ont rempli leur office, mais se borne à critiquer l'appréciation qu'ils ont portée sur la nature du projet au regard des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, conduit en réalité à critiquer le bien-fondé du jugement attaqué.

10. En troisième et dernier lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'impose aucun délai au pétitionnaire pour la régularisation du permis de construire.

11. Les dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ne font pas obligation au juge d'assortir sa décision d'un délai imparti au pétitionnaire en vue de déposer une demande d'autorisation modificative destinée à obtenir la régularisation de l'autorisation subsistante, partiellement annulée.

12. Dès lors, en n'assortissant pas l'annulation partielle de l'arrêté n° 2021/742 de la maire de Nouméa du 30 juillet 2021 modifié, en tant qu'il procède au transfert d'un permis méconnaissant les dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa d'un délai destiné à permettre la régularisation dudit arrêté, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité. Il s'ensuit que le moyen doit être rejeté.

Sur la légalité des arrêtés du maire de Nouméa du 30 juillet 2021, du 17 février 2023 et du 26 novembre 2021 :

13. En premier lieu, les requérants soutiennent que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa, alors qu'un un tel vice, qui nécessite une modification substantielle du projet, ne peut pas être régularisé par application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

14. Les premiers juges ont considéré, d'abord, que l'article 18 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa n'interdit pas par principe toute démolition, ensuite, qu'il ressort du rapport de constat qui a été établi le 23 décembre 2022 par un expert judiciaire à la demande du pétitionnaire que le bâtiment d'intérêt architectural présent sur le terrain d'assiette du projet, en mauvais état, était affecté de multiples désordres structurels touchant notamment les fondations, le plancher, et les murs, qui rendait " illusoire " une remise aux normes avec maintien de l'existant, enfin, qu'eu égard à ces contraintes techniques liées à l'état de la construction, la commune de Nouméa a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que le permis de construire ne devait ni être refusé, ni être subordonné à des prescriptions spéciales par application de l'article susmentionné.

15. Les requérants n'apportent en appel aucun élément nouveau ou pertinent de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation qu'ont portée les premiers juges sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa. Il y a donc lieu d'écarter ledit moyen.

16. En second lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il prononce une annulation seulement partielle de l'arrêté délivrant le permis de construire contesté, alors que la régularisation du vice relevé, soit la méconnaissance des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa, implique une modification substantielle du projet.

17. Les premiers juges ont considéré que le permis modificatif n'a pas été régularisé, en ce qui concerne, d'une part, la méconnaissance de l'article 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa, 15 places de stationnement automobiles nécessitant soit 7 arbres de haute tige, soit 4 arbres et 4 rangées d'arbustes de 5m2, alors que le projet prévoit 4 arbres de haute tige au rez-de-chaussée et une jardinière sur 10 mètres au niveau R-1 et, d'autre part, la méconnaissance de l'article 9 du même plan d'urbanisme directeur, le projet modifié prévoyant un local vélo d'une superficie de 58,01 m2, au lieu de 59m2 correspondant à 56 emplacements de stationnement pour vélo d'1 m2, auquel il faut ajouter 3 m2 d'espace pour le stockage des cycles particuliers.

18. Il ressort des pièces du dossier que les deux vices, tirés de la méconnaissance des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de Nouméa, dont demeure affecté le permis de construire du 30 juillet 2021 sont, eu égard à leur faible ampleur rapportée au projet dans son ensemble, susceptibles d'être régularisés par la délivrance d'un permis en ce sens. Ainsi, en prononçant, sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, l'annulation partielle du permis de construire litigieux, les premiers juges n'ont pas méconnu ces dispositions législatives, ni porté sur les faits de l'espèce une appréciation erronée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Nouméa du 30 juillet 2021 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants :

19. En premier lieu, les requérants soutiennent que la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy, n'ayant pas la qualité de bénéficiaire du permis de construire, n'avait pas la qualité pour demander un permis modificatif.

20. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire initial a été transféré à la société à responsabilité limitée Groupe APY par un arrêté du maire de Nouméa du 26 novembre 2021, et que cet arrêté n'a été annulé par le jugement du 11 mai 2023 qu'en tant seulement qu'il procède au transfert d'un permis méconnaissant les dispositions des articles 9 et 15 du plan d'urbanisme directeur de cette commune. Par suite, cet arrêté est demeuré en vigueur et la société à responsabilité limitée Groupe APY avait qualité pour demander la délivrance du permis de construire contesté. Le moyen manque donc en fait et doit être écarté.

21. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le permis de construire a été délivré sur la présentation d'un dossier ne satisfaisant pas aux exigences de l'article PS. 221-11 du code de l'urbanisme de Nouvelle-Calédonie, dès lors qu'il n'indique pas les modalités d'implantation des jardinières, des arbres et d'agrandissement des surfaces nécessaires.

22. D'une part, l'objet du permis de construire modificatif portant uniquement sur l'augmentation de la surface du local à vélos, portée à 60,05 m2, et sur l'ajout d'arbres dont le total est porté à 9, et de jardinières sur les espaces de parkings en plein air, il ressort des pièces du dossier que les éléments explicatifs et les documents graphiques joints à la demande permettent effectivement d'identifier ces modifications et leur consistance exacte. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'implantation des arbres soit incohérente, dès lors que les plans permettent d'identifier la nouvelle configuration des espaces verts, de sorte que la comparaison opérée avec les plans joints à la précédente version du projet permet simplement d'identifier les évolutions projetées. Le moyen doit donc être écarté.

23. En troisième et dernier lieu, les requérants soutiennent que le vice relevé par le tribunal administratif dans son jugement du 11 mai 2023 n'a pas été régularisé dès lors que le permis de construire continue de méconnaitre l'article 15 du plan d'urbanisme directeur de la commune de Nouméa.

24. Dès lors que le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 11 mai 2023 a retenu que, le projet comprenant 15 places de stationnement en plein air, les aires de stationnement devraient comprendre sept arbres de haute tige ou quatre arbres et quatre rangées d'arbustes de 5 m2, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire modificatif, qui autorise la réalisation de neuf arbres et trois jardinières au sein de l'aire de stationnement, sept arbres de type Terminalia Cherrieri présentant un tronc atteignant six à sept mètres de haut étant prévus au niveau de l'aire de stationnement, ne régulariserait pas, sur ce point, le vice dont s'agit. Le moyen doit donc être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des requêtes n° 23PA03509 et n° 23PA04486 doivent être rejetées, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que les requérants sont la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Nouméa et de la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy fondées sur les mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions des requêtes de M. O... D..., de Mme M... P..., de M. F... J..., de Mme L... E..., de M. I... B..., de Mme G... K..., de M. A... C... et de Mme N... H... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Nouméa et de la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... J..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Nouméa et à la société anonyme à responsabilité limitée Groupe Apy.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA03509, 23PA04486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03509
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : DS LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23pa03509 ?
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