Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juin 2023, 9 janvier ainsi que les 6 février et 27 février 2024, la société des Jardins ouvriers des Vertus, l'association Environnement 93, M. A... I..., M. E... J..., Mme D... B..., Mme C... H... et M. et Mme F... et G... K..., représentés par Me Heddi, demandent à la Cour :
1°) d'annuler la délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune du 11 avril 2023 portant approbation de la modification n° 3 du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant qu'elle classe en zone urbaine (zone UVP) une partie de la frange ouest des jardins des Vertus qui n'est pas strictement nécessaire à l'implantation du centre nautique d'Aubervilliers (jardin du centre nautique) ;
2°) d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe en zone urbaine (zone UVP) une partie de la frange ouest des jardins des Vertus située dans le périmètre de l'ancienne zone UVj du plan local d'urbanisme (PLU) d'Aubervilliers ;
3°) d'annuler ladite délibération en tant qu'elle classe en zone urbaine (secteur UGp) une partie de la frange ouest des jardins des Vertus qui n'est pas strictement nécessaire à l'implantation du centre nautique d'Aubervilliers (emprise rectangulaire entre le nord de la zone UVP et le sud de la zone UGg) ;
4°) d'annuler, ou, à défaut, d'abroger cette délibération en tant qu'elle classe en zone urbaine (secteur UGg) une partie de la frange ouest des jardins des Vertus qui n'est pas strictement nécessaire à l'implantation de la gare Fort d'Aubervilliers du Grand Paris express ;
5°) d'enjoindre à l'EPT Plaine Commune, d'une part, de modifier le plan de zonage du PLUi afin de mettre en cohérence le périmètre de la zone UVP et celui du secteur Nj avec respectivement le périmètre du jardin du centre nautique d'Aubervilliers et celui de l'ancienne zone UM et, d'autre part, de prendre toutes mesures utiles résultant de l'annulation de la délibération du conseil de territoire de l'EPT Plaine Commune du 11 avril 2023 ;
6°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors que l'ensemble des requérants justifient d'un intérêt à agir et que la Cour est compétente en premier et ressort ;
- la délibération portant modification n° 3 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de l'établissement public territorial Plaine Commune est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme ;
- la délibération méconnaît l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour en date du 10 février 2022 n° 21PA02476 en tant qu'elle classe une partie des jardins des Vertus en zone urbaine excédant ce qui est strictement nécessaire, d'une part, à l'implantation du centre nautique d'Aubervilliers, au regard du classement en zone UVP du jardin des vertus et des parcelles n° 52 à 55 et 79 en zone UGp, et d'autre part, à l'implantation de la gare du Grand Paris express Fort d'Aubervilliers dès lors que seules les parcelles n°s 1, 2 et 3 du jardin des Vertus sont strictement nécessaires à son implantation ;
- la délibération méconnaît l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour en date du 7 juillet 2022 n° 21PA04870 dès lors qu'elle autorise l'aménagement d'une partie du jardin arboré du centre nautique dans le périmètre de l'ancienne zone UVj.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2023 et 14 février 2024, l'établissement public territorial Plaine Commune, représenté par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société des Jardins ouvriers des Vertus et autres la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Heddi, avocat des requérants, et de Me Baron, substituant Me Lherminier, avocat de l'établissement public territorial Plaine Commune.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 25 février 2020, le conseil de territoire de l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Par un arrêt du 10 février 2022 n° 21PA02476, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation de cette délibération et a enjoint à l'établissement public territorial Plaine Commune d'engager, dans un délai de quatre mois, la procédure de modification du PLUi en ce qu'il classe en zone urbaine la frange ouest des jardins des Vertus, excédant les zone UG strictement nécessaires à l'implantation de la gare du Grand Paris express et de la piscine olympique. Par une délibération du 11 avril 2023, le conseil de territoire de l'EPT Plaine Commune a approuvé la modification n° 3 du PLUi. Cette modification a supprimé l'ancienne zone UM qui correspond aux " espaces mixtes de densités intermédiaires " pouvant regrouper " de nombreuses fonctions urbaines (habitat, commerce et services, activités, équipements) ", qui représentait plus de 4.600 m2, laquelle a été intégralement reclassée en zone naturelle Nj, soit une zone de reconstitution ou de maintien des jardins familiaux. Le secteur UGp dédié " aux piscines olympiques du Centre Aquatique Olympique à Saint-Denis et du Fort d'Aubervilliers ", correspondant au centre nautique, a été, pour la partie du jardin entourant le centre nautique, classé en zone urbaine UVP, relative aux espaces urbains à composante végétale ou paysagère, nouvellement créée. Le secteur Ug, dédié " aux gares du Grand Paris Express ", correspondant à l'emprise de la future gare du Fort d'Aubervilliers n'a, quant à lui, pas été modifié. La société des Jardins ouvriers des Vertus et les autres requérants demandent l'annulation de cette délibération, et à titre subsidiaire, son abrogation. La société des Jardins ouvriers des Vertus et les autres requérants demandent l'annulation de cette délibération, et à titre subsidiaire, son abrogation.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'abrogation :
2. En premier lieu, les requérants soutiennent que l'extension du secteur Nj ne correspond pas à l'ancienne zone UM et que le périmètre de la zone UVP nouvellement créée ne correspond pas à celui du jardin du centre nautique, et qu'ainsi, il existe une incohérence entre le rapport de présentation de la modification et le plan de zonage, constitutive d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, il ressort de la cartographie produite par l'EPT Plaine commune, seule fiable du fait de son échelle et de sa précision, qu'il existe une correspondance entre, d'une part, le nouveau secteur Nj ainsi que l'ancienne zone UM et, d'autre part, le nouveau périmètre de la zone UVP et l'emprise du centre nautique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la délibération portant modification n° 3 du PLUi a été prise en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt n° 21PA02476 de la Cour rendu le 10 février 2022, en ce que le classement des jardins des Vertus excède ce qui est strictement nécessaire, d'une part, à l'implantation du centre nautique d'Aubervilliers, d'autre part, à l'implantation de la gare du Grand Paris express Fort d'Aubervilliers.
4. D'une part, les requérants font valoir que l'emprise du jardin arboré du centre nautique d'Aubervilliers et son classement en zone urbaine UVP, ainsi que celui des parcelles n° 52 bis à 55 et 79 du jardin des vertus, d'une surface de 430 m², en zone UGp, excèdent ce qui est strictement nécessaire à l'implantation du centre nautique et de la gare.
5. Les requérants contestent d'abord le caractère strictement nécessaire du jardin arboré en faisant valoir que celui-ci est implanté en dehors du périmètre d'implantation du centre nautique, qu'il sera fermé au public et sans lien fonctionnel avec les équipements nautiques, et enfin, que seule la moitié sud de ce jardin fera l'objet d'implantations d'arbres de compensation. Ils estiment qu'ainsi, les prescriptions du PLUi en matière de compensation de suppression d'arbres peuvent être respectées sans recourir à la suppression de parcelles du jardin des Vertus. Toutefois l'autorisation d'urbanisme accordée pour la réalisation du centre nautique prévoit l'implantation d'un tel jardin sur l'emprise concernée, qui fait partie intégrante de cet équipement, lequel ne saurait se réduire à un seul bassin de natation, ledit jardin permettant, pour le moins, l'insertion paysagère du projet, alors qu'en outre, les dispositions des articles 3.2 et 3.2.3 du PLU d'Aubervilliers applicables lors de la délivrance du permis de construire imposaient bien, du fait de la suppression d'arbres pour la réalisation du projet, la plantation d'arbres de compensation, ainsi que la création d'un espace libre, vert et de pleine terre, la circonstance que ces arbres seront implantés dans la seule partie sud du jardin
n'étant pas de nature à ôter au jardin sa stricte nécessité. Enfin, si le classement des parcelles concernées en zone UVP, correspondant à la zone urbaine verte et paysagère et constituant une protection paysagère au sens de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme ne garantit pas l'absence de toute construction, il résulte de ce qui vient d'être exposé que l'emprise consacrée au jardin arboré ne pouvait être classée en zone Nj dès lors que le permis de construire relatif au centre nautique ne pouvait être obtenu sans la création d'un espace vert et la plantation d'arbres. Il résulte de ce qui précède que le jardin doit être regardé, pour l'application de l'arrêt de la Cour, comme présentant un caractère strictement nécessaire à l'implantation du centre nautique.
6. Les requérants soutiennent ensuite que le classement en zone urbaine UG (secteur UGp) des parcelles n° 52 bis à 55 et 79 du jardin des Vertus, d'une superficie de 430 m2, n'est pas strictement nécessaire à l'implantation du centre nautique d'Aubervilliers et de la gare du Grand Paris express. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette parcelle, enserrée entre la zone UGg et la zone UVP, qui a uniquement pour vocation d'accueillir des emprises du chantier de la gare, peut être regardée comme strictement nécessaire au chantier de la gare, compte tenu en particulier de la durée de ce chantier qui sera d'au moins dix ans, qu'aucune solution alternative n'a été identifiée par l'EPT Plaine Commune pour l'installation de ce chantier et qu'elle sera réintégrée, à l'issue des travaux, aux parcelles du centre nautique, le PLUi prévoyant que le secteur UGp est dédié aux piscines olympiques du Centre Aquatique Olympique à Saint-Denis et du Fort d'Aubervilliers. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces parcelles ne pouvaient être classées en zone UG.
7. D'autre part, les requérants soutiennent que seules les parcelles n° 1 et n° 2 et une partie de la parcelle n° 3 des jardins sont strictement nécessaires à l'implantation de la gare, et qu'en conséquence, en classant en secteur UGg des terrains des jardins des Vertus qui excèdent la seule superficie de ces parcelles, la délibération portant modification n° 3 a été prise en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. Ils font valoir que le classement en zone urbaine n'est pas justifié, dans la mesure où la vue indicative de la gare jointe au dossier de déclaration d'utilité publique et le protocole d'accord conclu entre la société des Jardins ouvriers des Vertus et la société du Grand Paris express font apparaître que la réalisation de la gare ne nécessite pas l'urbanisation ou l'occupation de l'ensemble de la zone UGg. Toutefois, ce protocole d'accord, qui ne porte que sur le bâtiment de la gare et ne comprend pas le pôle multimodal, dont la composition définitive n'est pas arrêtée, n'est pas de nature, alors que la société du Grand Paris n'est pas le maître d'ouvrage dudit pôle, à établir que la délibération attaquée serait illégale en tant qu'elle inclut dans la zone urbaine UG des parcelles du jardin des Vertus.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société des Jardins ouvriers des Vertus et autres ne sont pas fondés à soutenir que par la délibération du 11 avril 2023 portant modification n° 3 du PLUi, l'EPT Plaine Commune a méconnu l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 10 février 2022 n° 21PA02476 rendu par la Cour administrative d'appel de Paris.
9. En dernier lieu, les requérants ne peuvent, dès lors que l'autorité de la chose jugée en matière de permis de construire ne saurait valoir en matière de modification du PLUi, utilement invoquer à l'encontre de cette modification l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 7 juillet 2022 n° 21PA04870 par lequel la Cour a annulé les arrêtés du maire de la commune d'Aubervilliers qui avaient accordé et modifié le permis de construire du centre nautique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société des Jardins ouvriers des Vertus et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation, et pas davantage, l'abrogation de la délibération du 11 avril 2023 portant modification n° 3 du PLUi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Aucun des moyens tendant à l'annulation ou à l'abrogation de la délibération du 11 avril 2023 portant modification n° 3 du PLUi n'étant fondé, il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par les requérants aux fins d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société des Jardins ouvriers des Vertus et les autres requérants, partie perdante à l'instance, en puissent invoquer le bénéfice.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par l'EPT Plaine Commune en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société des Jardins ouvriers des Vertus et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public territorial Plaine Commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société des Jardins ouvriers des Vertus, première requérante dénommée pour l'ensemble des requérants et à l'établissement public territorial Plaine Commune.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02768