Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2213402/3 du 15 septembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 octobre 2023 et le 20 mars 2024, M. B..., représenté par Me Giudicelli-Jahn, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2213402/3 du 15 septembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Giudicelli-Jahn sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier " Traitement des antécédents judiciaires " (TAJ) ;
- les décisions sont insuffisamment motivées en fait ;
- elles sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière, la commission du titre de séjour n'ayant pas été préalablement saisie ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant égyptien né en 1973, est entré en France selon ses déclarations en 2012. Il a sollicité le 7 février 2022 la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle. Par un arrêté du 10 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle, de ce qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute de consultation de la commission du titre de séjour et de consultation régulière du fichier du traitement des antécédents judiciaires et enfin de ce qu'elle méconnaît l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de menace à l'ordre public, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ces moyens par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.
4. Si, par les pièces qu'il produit, M. B... établit résider en France depuis 2013 sans toutefois que soient documentée de façon probante une présence habituelle au cours des années 2014 et 2017, il est constant qu'il est entré en France au plus tôt à l'âge de 39 ans, qu'il a fait l'objet en 2016 d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, et qu'il n'a pas présenté de demande tendant à la régularisation de sa situation avant février 2022. Les seules circonstances qu'il est titulaire d'un contrat de travail depuis le mois de janvier 2021 et que, depuis cette même date, il vit en concubinage avec une ressortissante marocaine en situation régulière ne suffisent pas à caractériser, en l'absence de tout élément particulier d'intégration, des motifs exceptionnels quand bien même il ne constituerait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas plus fondé à soutenir que ce refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Compte tenu des éléments exposés au point 4 et du fait que M. B..., sans enfant, dispose d'attaches familiales et personnelles en Égypte, pays dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 39 ans, ainsi que du caractère récent du concubinage dont il fait état, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire :
7. En premier lieu la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation personnelle du requérant, comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui est jugé aux points 4 et 6 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, ni qu'elle aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11(...) sont motivées ".
10. En s'étant borné, pour fixer à deux ans la durée de l'interdiction faite au requérant de retourner sur le territoire français, à relever que " il ne justifie pas de circonstances humanitaires empêchant l'édiction d'une interdiction ", le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas suffisamment motivé sa décision. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui ne prononce que l'annulation de la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, n'implique pas que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé, ni qu'il soit enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. B....
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 10 août 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a interdit à M. B... un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est annulée.
Article 2 : Le jugement du 15 septembre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04204