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11/04/2024 | FRANCE | N°23PA03805

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 11 avril 2024, 23PA03805


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2306511 du 4 août 2023, le magistrat désigné par le président du Tribu

nal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2306511 du 4 août 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2023, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2306511 du 4 août 2023 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour :

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 26 mai 2023 au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et au moyen tiré de ce que le préfet a entaché cet arrêté d'une erreur de droit en n'examinant pas les conséquences de la mesure sur l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté d'observation en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui ;

- et les observations de Me Boudjellal, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 26 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 4 août 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de M. A..., a suffisamment répondu, aux points 2 et 3 du jugement attaqué, aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 26 mai 2023 au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'absence d'examen sérieux au regard de l'intérêt supérieur des enfants de M. A.... Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 mai 2023 :

4. En premier lieu, l'arrêté du 26 mai 2023, qui vise notamment l'accord franco-algérien, les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle les conditions d'entrée en France de M. A... et indique que l'intéressé n'a pas été en mesure de présenter de document transfrontière au moment de son interpellation, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, qu'il n'a effectué aucune démarche administrative et n'a donc pas démontré la volonté de régulariser sa situation au regard du droit au séjour. L'arrêté indique également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... dès lors qu'il ne justifie pas être marié et père de deux enfants et ne peut justifier de l'absence d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'agissant spécifiquement de la décision portant refus de délai de départ volontaire, l'arrêté précise que l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation dès lors qu'il est dépourvu de document de voyage en cours de validité et que, s'il a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective. Le préfet a également indiqué que la présence de M. A... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été interpellé pour des faits de violence sur mineur de 15 ans. Enfin, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois rappelle les dispositions de l'article L. 612-6 et indique que l'intéressé séjourne en France depuis 2018, qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France et que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint Denis, qui n'était pas tenu de viser la convention internationale relative aux droits de l'enfant, a suffisamment motivé l'arrêté du 26 mai 2023.

5. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen sérieux de la situation de M. A....

6. En troisième lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

7. M. A... soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de l'arrêté du 26 mai 2023 alors qu'il aurait pu faire valoir sa qualité de père de deux enfants nés en France aux besoins desquels il subvient ainsi que l'absence de menace pour l'ordre public que représente sa présence en France. Il ne ressort en effet d'aucune pièce du dossier que l'intéressé ait été invité à présenter des observations sur sa situation ou sur les motifs susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Toutefois, d'une part, il résulte des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que M. A... ne justifiait pas être père de deux enfants en France, d'autre part, le requérant ne donne aucune précision quant aux motifs pour lesquels il estime que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Dès lors, il n'est pas établi que ces éléments auraient pu influer sur le sens de la décision prise par le préfet. Le moyen tiré de l'atteinte au droit d'être entendu doit ainsi être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi ou un accord international prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en février 2018 et réside avec son épouse, Mme B..., ressortissante algérienne et leurs deux enfants nés en France en 2018 et 2020. Si le requérant fait valoir que son épouse est titulaire d'un titre de séjour de dix ans, il n'en justifie pas. Il ne fait valoir aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie et à ce que ses filles, âgée de 5 ans et 3 ans à la date de l'arrêté litigieux, poursuivent ou débutent leur scolarité dans ce pays. M. A... ne justifie pas qu'il disposerait sur le territoire français d'autres attaches personnelles ou familiales, les pièces d'identité qu'il verse au dossier avec les mentions " tante " et " grand-mère " ne permettent pas, en tout état de cause, d'établir les liens familiaux entre ces personnes et M. A.... Par ailleurs M. A... ne justifie ni même n'allègue qu'il serait isolé en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien, qui n'était pas inopérant, et en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. M. A... soutient que ses deux enfants ont vocation à demeurer en France auprès de leur mère qui est titulaire d'un droit au séjour et qu'il contribue à leur entretien et à leur éducation. Toutefois, le requérant ne justifie pas de la régularité du séjour en France de leur mère, Mme B..., et de ce que celle-ci a vocation à résider en France et ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que ses enfants, compte tenu de leur jeune âge, suivent une scolarité en Algérie. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'intérêt supérieur de ses deux enfants doit être écarté.

13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI-SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03805 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03805
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23pa03805 ?
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