Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Mimmo Raval Déco a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période ayant couru du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et des majorations et intérêts de retard afférents.
Par un jugement no 1806551 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la SAS Mimmo Raval Déco.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2022, la SAS Mimmo Raval Déco, représentée par la AARPI BGBA, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, intérêts de retard et majorations mis à sa charge pour un montant total de 180 946 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les impositions litigieuses ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire et a été privée du droit effectif de contester ces impositions, eu égard aux pressions exercées par l'administration fiscale ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déductibilité des factures émises par les sociétés MONA, ITSA, ROUD et TOUA, dès lors qu'il n'est pas contesté que ces factures étaient destinées à rémunérer douze salariés qu'elle emploie de manière régulière ;
- elle est fondée à demander l'annulation du profit sur le Trésor constaté par l'administration dès lors qu'elle établit que les factures litigieuses sont des factures de complaisance et à invoquer la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-40-20 n° 30.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
- les observations de Me Mouton, représentant la SAS Mimmo Raval Déco.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Mimmo Raval Déco, spécialisée dans la réalisation de travaux de peinture et vitrerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire et par une proposition de rectification du
12 décembre 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des intérêts de retard et les majorations pour manquement délibéré et manœuvres frauduleuses. La société relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La société Mimmo Raval Déco soutient que la procédure à l'issue de laquelle ont été établies les impositions litigieuses est irrégulière, dès lors que son dirigeant, M. A..., a fait l'objet de pressions de la part du vérificateur l'ayant conduit à établir une attestation par laquelle il renonçait à la déductibilité des charges correspondant aux factures qualifiées de fictives par le service vérificateur. Il résulte de l'instruction que cette attestation a été établie le 27 novembre 2014 et a été remise au vérificateur le jour même, au cours de la réunion de synthèse qui s'est déroulée dans les locaux de la société et en présence du dirigeant de celle-ci, de son conseil, de la responsable comptable et de l'expert-comptable. Si la société se prévaut d'une réclamation établie le 16 février 2016, par laquelle son conseil indiquait que " interrogé au téléphone le 11 février 2016, le vérificateur a indiqué que le service était engagé auprès de la société Mimmo à ne pas notifier de redressements dérivés à ses salariés et à ne pas entamer de poursuites pour fraude fiscale, en contrepartie de la renonciation à tout contentieux ", ces mentions, qui ne sont corroborées par aucune autre pièce de l'instruction, ne sont pas de nature à établir l'existence de menaces ou pressions destinées à obtenir du dirigeant une acceptation des redressements. Les échanges de courriels entre le vérificateur et le conseil de la société dont fait état la société Mimmo Raval Déco, qui ne font que révéler des discussions quant aux résultats de la procédure de vérification de comptabilité, ne sont pas davantage de nature à établir l'existence de telles menaces ou pressions. Par ailleurs, alors que les opérations de vérification se sont déroulées au sein des locaux de l'entreprise et ont donné lieu à plusieurs rencontres avec le dirigeant de celle-ci, la société requérante n'établit ni même n'allègue que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues au cours du contrôle. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière, en raison d'une atteinte au débat oral et contradictoire et au droit au recours, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, (...) / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
4. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
5. Il résulte de l'instruction que la société Mimmo Raval Déco a comptabilisé en charge des factures de sous-traitance établies par les sociétés MONA, ITSA, ROUD et TOUA et que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces factures au motif que celles-ci ne se rapportaient à aucune opération réellement réalisée et présentaient ainsi un caractère fictif. La société requérante ne conteste pas les éléments relevés par l'administration, notamment les circonstances que ces sociétés ne disposaient pas de moyens humains suffisants pour réaliser les prestations facturées et que les sommes correspondant à ces factures avaient donné lieu à des paiements entre les mains de certains de ses salariés, ni même que ces sociétés n'ont réalisé aucune prestation. Elle soutient seulement que ces factures ont permis de verser aux salariés concernés des compléments de rémunération correspondant à un travail effectif réalisé par ces derniers, de sorte que les factures litigieuses n'étaient, à son sens, pas fictives mais présentaient le caractère de factures de complaisance. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société Mimmo Raval Déco, si le service vérificateur a constaté, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires dans lesquels sont ouverts les comptes de celle-ci, que les factures émises par les sociétés considérées avaient donné lieu à des règlements auprès de salariés de la société requérante, il n'a pas reconnu que ces sommes avaient été versées en contrepartie d'un travail effectif réalisé pour le compte de celle-ci et a même, au contraire, estimé que ces factures ne se rapportaient à aucune prestation. La société requérante n'apporte aucun élément ni ne produit aucune pièce de nature à établir que ces sommes avaient été versées à certains de ses salariés en contrepartie d'un travail qu'elles auraient eu pour objet de rémunérer. Enfin, la circonstance que l'administration ait qualifié de factures de complaisance d'autres factures émises par des sociétés sous-traitantes et encaissées par des tiers est sans incidence sur le caractère fictif des factures dont la société revendique la déductibilité. Dès lors, l'administration a pu considérer à bon droit que ces factures ne pouvaient être admises en déduction du résultat imposable.
6. En second lieu, lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un " profit sur le Trésor " chaque fois que le droit qui lui est ouvert, de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée, aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.
7. Il résulte de l'instruction que l'administration, d'une part, a fait application du mécanisme de la " cascade " prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures fictives émises par les sociétés BGS, ITSA, MONA, MOOW, ROUD et TOUA, qui avait été portée en déduction sur les déclarations CA3 pour des montants de 11 061 euros en 2011 et 11 408 euros en 2012, avait généré pour la société requérante un profit sur le Trésor d'égal montant. En se bornant à soutenir que les factures qualifiées de fictives par l'administration étaient en réalité des factures de complaisance, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, elle n'en justifie pas, la société Mimmo Raval Déco ne conteste pas utilement le profit sur le Trésor constaté par l'administration. Par ailleurs, la société requérante, qui n'établit pas que les sommes litigieuses constitueraient des frais généraux déductibles de ses résultats, ne saurait en tout état de cause se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 30 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-30-40-20.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Mimmo Raval Déco, qui ne formule aucun moyen propre contestant le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assortis des intérêts de retard et des majorations, qui ont été mis à sa charge. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SAS Mimmo Raval Déco est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Mimmo Raval Déco et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
La rapporteure,
N. ZEUDMI SAHRAOUILa présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04987