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11/04/2024 | FRANCE | N°22PA00383

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 11 avril 2024, 22PA00383


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.



Par un jugement n° 2004508/1-1 du 25 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 2004508/1-1 du 25 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 janvier 2022, 8 juin 2022 et 31 août 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Sackoun, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 novembre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à leurs moyens tirés de ce que l'administration fiscale a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 et de ce que M. A... n'était qu'un avocat administrateur au sein de la société Dolphin Business Intelligence Inc. ;

- les dispositions des articles L. 47 et L. 48 du livre des procédures fiscales, de même que le débat oral et contradictoire, ont été méconnus ;

- les décisions du 30 décembre 2019 rejetant les réclamations des sociétés Dacomi Investissements SA et Dolphin Business Intelligence Inc. n'ont pas été notifiées à M. A... pris en sa qualité de représentant légal de ces sociétés ;

- l'article 6 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 leur est applicable ;

- M. A... n'est pas le bénéficiaire économique de la société Dolphin Business Intelligence Inc. dès lors qu'il avait seulement la qualité d'avocat administrateur ;

- la société Dolphin Business Intelligence Inc. n'a pas d'établissement stable dans les locaux professionnels de M. A... ;

- ils sollicitent le bénéfice d'une prise de position formelle du service issue d'un précédent contrôle fiscal concernant les années 2006 à 2008, ainsi que le bénéfice des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-CF-PGR-30-20 du 12 septembre 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 mai 2022 et 6 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022 à 12 heures.

Des pièces, enregistrées le 8 mars 2024, ont été produites par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en réponse à une mesure d'instruction adressée par la Cour, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à ce ministre le 5 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- l'entente fiscale signée le 1er septembre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- l'avenant à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu signée à Québec le 1er septembre 1987, signé à Paris le 3 septembre 2002 ;

- l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 1er avril 1958, signé à Luxembourg le 24 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à la demande de la direction nationale d'enquêtes fiscales, les locaux du cabinet d'avocat de M. A..., qui était alors le dirigeant et l'associé unique de la société de droit canadien Dolphin Business Intelligence Inc. (ci-après la société Dolphin), société par actions ayant une activité de conseil et d'étude de marchés, ainsi que l'un des administrateurs de la société de droit luxembourgeois Dacomi Investissements SA (ci-après la société Dacomi), société anonyme exerçant une activité de location d'un hélicoptère, et le domicile de M. et Mme A... ont fait l'objet le 9 octobre 2012 d'une perquisition sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. L'administration fiscale, estimant qu'il existait des indices sérieux que ces sociétés soient passibles de l'impôt sur les sociétés en France, leur a adressé le 21 février 2013 un avis de vérification de comptabilité. A l'issue de ces vérifications, clôturées par une proposition de rectification du 28 novembre 2013 s'agissant de la société Dolphin et par une proposition du 2 décembre 2013 s'agissant de la société Dacomi, l'administration fiscale, après avoir considéré que ces sociétés avaient exercé leur activité de manière occulte depuis un établissement stable situé en France, dans les locaux du cabinet d'avocat de M. A..., puis procédé à une reconstitution de leur chiffre d'affaires réalisé en France, a mis à leur charge, selon la procédure de taxation d'office, des suppléments d'impôt sur les sociétés notamment au titre des exercices clos en 2010 et 2011.

2. Parallèlement, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a regardé M. A... comme le seul maître de l'affaire des sociétés Dolphin et Dacomi exploitées en France et, selon la procédure de rectification contradictoire, a imposé entre ses mains les bénéfices réputés distribués par ces sociétés sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Après le rejet de leur réclamation, M. et Mme A... ont porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 25 novembre 2021, a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011. M. et Mme A... font appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige en appel :

3. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 6 avril 2022 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement partiel de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts assise, d'une part, sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2010 pour un montant de 270 euros et, d'autre part, sur la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011 pour un montant de 32 euros. Les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Si M. et Mme A... ont entendu soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au motif que les premiers juges auraient omis de répondre à leurs moyens tirés de ce que, d'une part, l'administration fiscale aurait méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 et de ce que, d'autre part, M. A... n'était qu'un avocat administrateur au sein de la société Dolphin, il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ces moyens aux points 16 et 28 de leur jugement, ceux-ci n'étant pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués à l'appui des moyens. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal / (...) ". Aux termes de l'article L. 47 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification / (...) ". Si rien ne s'oppose, en principe, à ce que l'administration recueille des informations concernant un contribuable, même auprès de celui-ci, avant d'engager une procédure de vérification telle que prévue par les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, il en va autrement lorsque ces investigations s'accompagnent d'un examen critique des informations collectées et d'une évaluation de la régularité de la situation fiscale du contribuable concerné. Dans un tel cas elles constituent un début de vérification qui doit être précédé des formalités prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et notamment de l'envoi d'un avis de vérification.

6. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont reçu un avis de vérification en date du 21 février 2013 les informant de ce qu'ils feraient l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011. Les requérants soutiennent qu'en ayant adressé aux autorités fiscales canadiennes, le 2 avril 2012, une demande d'assistance administrative concernant la société Dolphin, l'administration fiscale a réalisé des investigations prématurées à leur encontre et qu'ils ont été ainsi privés du bénéfice des garanties prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Toutefois, si l'administration fiscale a recueilli, à la faveur de la réponse des autorités fiscales canadiennes en date du 17 mai 2002, non seulement des informations générales relatives au fonctionnement, aux déclarations et aux modalités d'imposition de la société Dolphin, mais également des renseignements concernant le rôle de M. A... au sein de cette société, il ne résulte pas de l'instruction qu'à l'occasion de ces investigations, elle aurait procédé à un examen critique de la comptabilité au regard des informations ainsi collectées, ni même à une évaluation de la régularité de la situation fiscale de la société, avant l'envoi de l'avis de vérification que les requérants ont reçu le 22 février 2013. Il en va de même de la circonstance, à la supposer même établie, que certains des renseignements recueillis auprès des autorités fiscales canadiennes auraient été repris par le juge des libertés et de la détention pour autoriser, en octobre 2012, la direction nationale des enquêtes fiscales à mettre en œuvre la procédure de visite et de saisie, prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, notamment au domicile des requérants et dans les locaux professionnels de M. A.... Enfin, si, par un courrier du 4 décembre 2012, le conseil de l'ordre des avocats de Paris a informé M. A... qu'un contrôle de sa comptabilité au titre des années 2010 et 2011 se déroulerait au cours de la première quinzaine du mois de janvier 2013, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait été associée à ce contrôle ni même informée des résultats de celui-ci. Par suite, l'administration fiscale n'ayant procédé à aucun examen prématuré de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A..., les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et de ce que les requérants auraient été privés d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur avant l'envoi de l'avis de vérification, ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai / (...) ". Aux termes de l'article L. 57 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'après la procédure de rectification contradictoire, l'administration n'est tenue de porter à la connaissance du contribuable les modifications apportées aux rehaussements que si ces modifications résultent de la prise en compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure.

8. Si, comme M. et Mme A... le font valoir à juste titre, les montants, en droits, pénalités et intérêts de retard, des impositions en litige mises en recouvrement le 31 octobre 2014 ne correspondent pas aux conséquences financières qui leur ont été notifiées par la proposition de rectification du 12 décembre 2013, il résulte toutefois de l'instruction que la différence d'imposition au titre des années 2010 et 2011 s'explique, non par la prise en compte d'observations ou avis recueillis au cours de la procédure de rectification contradictoire mais par la décision de l'administration fiscale, à leur profit, de ne pas mettre en recouvrement l'amende fiscale prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts qu'elle envisageait de leur appliquer initialement. La circonstance que l'administration fiscale n'a pas fait droit, dans sa réponse aux observations des requérants sur la proposition de rectification, à leur demande tendant au dégrèvement des pénalités est sans incidence dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des observations des contribuables, l'administration fiscale n'a pas modifié les rehaussements envisagés dans la proposition de rectification. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., il résulte de l'instruction que le montant, en droits, pénalités et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus figurant dans l'avis de mise en recouvrement correspondant est identique à celui mentionné dans les conséquences financières qui leur ont été notifiées, et n'a été modifié qu'après la mise en recouvrement de cette imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues, doit être écarté.

9. En dernier lieu, en vertu du principe de l'indépendance des procédures, l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société de capitaux, comme en l'espèce les sociétés Dacomi et Dolphin, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition distincte suivie à l'encontre de l'un de ses associés ou dirigeants. Par suite, le moyen invoqué par les requérants et tiré de ce que les décisions du 30 décembre 2019 rejetant les réclamations des sociétés Dacomi et Dolphin n'ont pas été notifiées à M. A... pris en sa qualité de représentant légal de ces sociétés, ne peut qu'être écarté. De surcroît, il résulte de l'instruction, et notamment des pièces versées aux débats le 8 mars 2024 par le ministre, que ces décisions de rejet, en date du 30 décembre 2019, ont été régulièrement notifiées à la société Dacomi, à qui elle a été effectivement distribuée, et à la société Dolphin, qui n'a pas retiré le pli.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. D'une part, en vertu du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont notamment passibles de l'impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

11. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés / (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes / (...) ".

En ce qui concerne l'imposition de M. et Mme A... à raison des bénéfices de la société Dacomi :

12. Aux termes de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) / 4. Le domicile fiscal (...) / (...) des personnes morales (...) est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre des Etats contractants, au lieu de leur siège / (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette convention, dans sa rédaction issue de l'avenant à celle-ci signé le 24 novembre 2006 et applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable / 2. Lorsqu'une entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats contractants, chacun d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements stables situés sur son territoire / (...) ". Aux termes de l'article 6 de la même convention, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Par dérogation à l'article 4 de la présente Convention, les bénéfices qu'une entreprise de l'un des deux Etats contractants tire de l'exploitation d'aéronefs sont exonérés d'impôt dans l'autre Etat contractant / (...) ".

13. M. et Mme A... ne contestent pas en appel qu'au cours des années 2010 et 2011, la société Dacomi a exercé en France, de manière occulte, une activité de location d'un hélicoptère, que cette société ne disposait alors d'aucun moyen d'exploitation au Luxembourg, que les bénéfices reconstitués de cette société, qui disposait d'un siège de direction effectif situé à Paris dans les locaux professionnels de M. A..., sont, par suite, taxables en France à l'impôt sur les sociétés au titre de ces années et que les bénéfices ainsi imposés en France, qui n'ont été, ni mis en réserve, ni incorporés au capital, doivent être regardés comme distribués entre les mains de M. A..., en sa qualité de seul maître de l'affaire, en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Les requérants soutiennent en revanche que les stipulations précitées de l'article 6 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise font obstacle à l'application de la loi fiscale française dès lors que la société Dacomi, par l'intermédiaire de M. A..., était la véritable exploitante de l'hélicoptère et qu'ainsi, les bénéfices qui ont résulté de cette activité ne sont pas imposables en France. Toutefois, dès lors qu'il n'est pas contesté par les requérants que la société Dacomi avait son centre effectif de direction en France, cette société doit être regardée, en vertu des stipulations précitées de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, comme une entreprise française et non comme une entreprise du Luxembourg, ni comme disposant en France d'un établissement stable au sens des stipulations de l'article 4 de cette convention. Ainsi, à supposer même que la société Dacomi aurait été l'exploitante de l'hélicoptère qu'elle a acquis en 2006, les stipulations de l'article 6 de cette convention ne font pas obstacle à l'imposition en France des revenus tirés de l'exploitation de son aéronef. Par suite, les bénéfices de cette société reconstitués au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 étaient de nature à donner lieu à distributions imposables sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'imposition de M. et Mme A... à raison des bénéfices de la société Dolphin :

14. Aux termes de l'article 4 de l'entente fiscale franco-québecoise du 1er septembre 1987 : " 1. Au sens de la présente Entente, l'expression " résident d'une Partie contractante " désigne : / a) Toute personne qui, en vertu de la législation de cette Partie, est assujettie à l'impôt dans cette Partie en raison (...) de son siège de direction (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette entente : " 1. Au sens de la présente Entente, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 7 de la même entente : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'une Partie contractante ne sont imposables que dans cette Partie, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Partie contractante par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce ou a exercé son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Partie contractante mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable / (...) ".

15. En premier lieu, M. et Mme A... soutiennent que l'existence d'un établissement stable de la société Dolphin dans les locaux professionnels de M. A... n'est pas établie.

16. Pour considérer que la société Dolphin, dont le siège social était statutairement situé au Québec (Canada), était imposable en France sur ses bénéfices, le service a estimé qu'elle était exploitée en France, au sens des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts, dès lors notamment que le siège de sa direction effective se trouvait en France, dans les locaux de M. A.... A cet égard, l'administration fiscale a constaté, lors des saisies opérées, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, au cabinet d'avocat de M. A..., situé à Paris, que celui-ci était en possession des contrats conclus entre la société Dolphin et ses clientes, dont les sociétés Ultra Electronics Tisys, United Technology Advanced System et Global Systems FZE Dubaï, qu'il était le signataire de ces contrats et des factures correspondantes, qu'il validait les bons de commandes émis par les clientes de la société Dolphin en les signant, qu'il communiquait au cabinet d'expertise comptable canadien les documents nécessaires à l'établissement des bilans de la société Dolphin sans que ce cabinet n'interfère dans la gestion de la société, qu'il avait la signature sur les comptes bancaires de la société Dolphin domiciliés à la banque royale du Canada, qu'il était en possession des relevés bancaires de la société Dolphin, qu'il était le seul à adresser des ordres de virement à la banque royale du Canada, que l'ordinateur de bureau de M. A... contenait de nombreuses pièces comptables au nombre desquelles figurent, au format xls ou doc, notamment des factures, des contrats, des ordres de virement ou encore des lettres de relance, et qu'enfin, deux tampons humides de la société Dolphin ont été saisis au cabinet d'avocat de M. A.... Si, en s'appuyant sur un courrier du 2 novembre 2020 par lequel Me Astruc indique, à la faveur d'un litige opposant la société Global Systems FZE Dubaï à M. A..., que celui-ci avait la qualité d'avocat administrateur de la société Dolphin, les requérants soutiennent que M. A... n'agissait pas comme le dirigeant de fait de la société Dolphin, mais intervenait comme simple avocat agissant sous la direction de la société Global Systems FZE Dubaï et de son dirigeant, qui étaient, selon eux, les véritables dirigeants de la société Dolphin, ce courrier n'est toutefois pas de nature à remettre sérieusement en cause les constatations du service qui viennent d'être exposées, alors que le ministre établit en outre que le cabinet d'avocat canadien chargé du secrétariat juridique de la société Dolphin s'adressait à M. A... en qualité de dirigeant de cette société, et non comme avocat administrateur, et que le " registraire " des entreprises du Québec indiquait que M. A... était le dirigeant et l'associé unique de cette société. Dans ces conditions, l'administration fiscale établissant que le siège de la direction effective de la société Dolphin se trouvait en France, cette société doit être regardée comme une société résidente de France au sens des stipulations précitées de l'article 4 de l'entente fiscale franco-québecoise du 1er septembre 1987. Par suite, c'est à bon droit que le service, qui a regardé la société Dolphin comme une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts, l'a imposée en France sur ses bénéfices.

17. En deuxième lieu, en cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

18. Compte tenu des éléments exposés par l'administration fiscale au point 15, celle-ci établit qu'au cours des années 2010 et 2011, M. A..., qui effectuait les actes de gestion et de direction de la société Dolphin et prenait les décisions stratégiques la concernant depuis son cabinet d'avocat situé en France, et disposait de la signature sur les comptes bancaires de la société Dolphin, et qui, en outre, en était le dirigeant de droit et l'associé unique, était le seul maître de l'affaire de la société Dolphin. Dans ces conditions, dès lors que les éléments mentionnés au point précédent sont réunis, M. A... doit être regardé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués par la société Dolphin en 2010 et 2011.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal / (...) ".

20. M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que, lors d'un précédent contrôle fiscal portant sur l'activité d'avocat de M. A... au titre des années 2006 à 2008, l'administration fiscale a qualifié les sommes que M. A... a reçues de la société Dolphin d'honoraires, et non de dividendes, dès lors qu'une telle circonstance ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur sa situation de fait au regard de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Du reste, il résulte de l'instruction que le contrôle fiscal dont M. et Mme A... se prévaut, n'a pas consisté, comme dans le présent litige, à examiner les conditions d'exercice de la société Dolphin. Par ailleurs, les requérants ne sont pas davantage fondés à se prévaloir du bénéfice des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-CF-PGR-30-20 du 12 septembre 2012, dès lors que cette instruction est intervenue postérieurement aux années d'imposition en litige.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A... tendant à la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts assise sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2010 à hauteur du montant dégrevé, en cours d'instance, de 270 euros.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A... tendant à la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts assise sur la cotisation supplémentaire de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011 à hauteur du montant dégrevé, en cours d'instance, de 32 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00383
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SACKOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;22pa00383 ?
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