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11/04/2024 | FRANCE | N°21PA02596

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 11 avril 2024, 21PA02596


Vu la procédure suivante :



Par un arrêt du 14 juin 2023, la Cour, statuant sur l'appel de M. C... D... tendant à l'annulation des jugements nos 1903227, 1903228 du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2020 et du 12 mars 2021 et des décisions des 19 et 31 décembre 2018 par lesquelles respectivement le préfet de police et le ministre de l'intérieur ont refusé de lui indiquer s'il était inscrit aux fichiers du renseignement territorial, ainsi que des décisions implicites de la CNIL refusant de lui communiquer ces mêmes informations a, d'une part, annul

le jugement du 12 mars 2021 et, d'autre part, ordonné, avant dire droi...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 14 juin 2023, la Cour, statuant sur l'appel de M. C... D... tendant à l'annulation des jugements nos 1903227, 1903228 du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2020 et du 12 mars 2021 et des décisions des 19 et 31 décembre 2018 par lesquelles respectivement le préfet de police et le ministre de l'intérieur ont refusé de lui indiquer s'il était inscrit aux fichiers du renseignement territorial, ainsi que des décisions implicites de la CNIL refusant de lui communiquer ces mêmes informations a, d'une part, annulé le jugement du 12 mars 2021 et, d'autre part, ordonné, avant dire droit, la production par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, hors contradictoire, de l'intégralité des informations concernant M. D..., autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, susceptibles d'être contenues dans un fichier du renseignement territorial ainsi que, s'il y a lieu, tous éléments de nature à déterminer, à la date de cette production, si leur collecte, leur utilisation, leur communication et leur conservation respectent les exigences légales.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit un mémoire, enregistré le 6 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, ensemble son préambule, et notamment la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Denis, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a demandé au ministre de l'intérieur et au préfet de police de lui communiquer les données le concernant susceptibles de figurer dans les fichiers dénommés " Prévention des atteintes à la sécurité publique " (PASP) et " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique " (EASP) ainsi que dans les autres fichiers composant le renseignement territorial. Par deux requêtes distinctes, il a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler les décisions des 19 décembre 2018 et 31 décembre 2018 par lesquelles, respectivement, le préfet de police et le ministre de l'intérieur ont refusé de lui indiquer s'il était ou non inscrit dans ces fichiers, ainsi que les décisions implicites par lesquelles la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) aurait refusé de lui communiquer les informations ainsi sollicitées. M. D... a fait appel des deux jugements par lesquels le tribunal, après avoir joint ces deux requêtes, a, le 11 décembre 2020, transmis au Conseil d'Etat les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de communication d'informations susceptibles de figurer dans les fichiers considérés au titre de la sûreté de l'Etat, ordonné avant dire droit la production, hors contradictoire, des autres informations le concernant susceptibles de figurer dans ces fichiers et rejeté les conclusions à fin d'annulation de décisions implicites de la CNIL, puis, le 12 mars 2021, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Par un arrêt du 14 juin 2023, la Cour a, d'une part, annulé le jugement du 12 mars 2021 pour irrégularité et, d'autre part, ordonné avant dire droit la production par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, hors contradictoire, de l'intégralité des informations concernant M. D..., autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, susceptibles d'être contenues dans un fichier du renseignement territorial ainsi que, s'il y a lieu, tous éléments de nature à déterminer, à la date de cette production, si leur collecte, leur utilisation, leur communication et leur conservation respectent les exigences légales.

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus de l'autorité compétente de communiquer des informations figurant dans un traitement de données ou de procéder à la suppression d'une mention figurant dans un tel traitement réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour cette autorité d'y procéder. Il en résulte que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

3. Aux termes de l'article 105 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt, applicable aux fichiers intéressant la sécurité publique en vertu de l'article 87 de la même loi : " La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, le droit d'accéder auxdites données ainsi qu'aux informations suivantes : / 1° Les finalités du traitement ainsi que sa base juridique ; / 2° Les catégories de données à caractère personnel concernées ; / 3° Les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été communiquées, en particulier les destinataires qui sont établis dans des Etats n'appartenant pas à l'Union européenne ou au sein d'organisations internationales ; / 4° Lorsque cela est possible, la durée de conservation des données à caractère personnel envisagée ou, à défaut lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; / 5° L'existence du droit de demander au responsable de traitement la rectification ou l'effacement des données à caractère personnel, et l'existence du droit de demander une limitation du traitement de ces données ; / 6° Le droit d'introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et les coordonnées de la commission ; / 7° La communication des données à caractère personnel en cours de traitement ainsi que toute information disponible quant à leur source ". L'article 106 de la même loi dispose que : " I.- La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement : / 1° Que soient rectifiées dans les meilleurs délais des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ; / 2° Que soient complétées des données à caractère personnel la concernant incomplètes, y compris en fournissant à cet effet une déclaration complémentaire ; / 3° Que soient effacées dans les meilleurs délais des données à caractère personnel la concernant lorsque le traitement est réalisé en violation des dispositions de la présente loi ou lorsque ces données doivent être effacées pour respecter une obligation légale à laquelle est soumis le responsable de traitement ; (...) ". Aux termes de l'article 107 de la même loi : " I.- Les droits de la personne physique concernée peuvent faire l'objet de restrictions selon les modalités prévues au II du présent article dès lors et aussi longtemps qu'une telle restriction constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique en tenant compte des droits fondamentaux et des intérêts légitimes de la personne pour : / 1° Eviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ; / 2° Eviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales ; / 3° Protéger la sécurité publique ; / 4° Protéger la sécurité nationale ; / 5° Protéger les droits et libertés d'autrui. / Ces restrictions sont prévues par l'acte instaurant le traitement. / II.- Lorsque les conditions prévues au I sont remplies, le responsable de traitement peut : / 1° Retarder ou limiter la communication à la personne concernée des informations mentionnées au II de l'article 104 ou ne pas communiquer ces informations ; / 2° Refuser ou limiter le droit d'accès de la personne concernée prévu à l'article 105 ; / 3° Ne pas informer la personne du refus de rectifier ou d'effacer des données à caractère personnel ou de limiter le traitement de ces données, ni des motifs de cette décision, par dérogation au IV de l'article 106. / III.- Dans les cas mentionnés au 2° du II du présent article, le responsable de traitement informe la personne concernée, dans les meilleurs délais, de tout refus ou de toute limitation d'accès ainsi que des motifs du refus ou de la limitation. Ces informations peuvent ne pas être fournies lorsque leur communication risque de compromettre l'un des objectifs énoncés au I. Le responsable de traitement consigne les motifs de fait ou de droit sur lesquels se fonde la décision et met ces informations à la disposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / IV.- En cas de restriction des droits de la personne concernée intervenue en application des II ou III, le responsable de traitement informe la personne concernée de la possibilité, prévue à l'article 108, d'exercer ses droits par l'intermédiaire de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Hors le cas prévu au 1° du II, il l'informe également de la possibilité de former un recours juridictionnel ".

4. Aux termes de l'article R. 236-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et préfecture de police) est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique ", ayant pour finalité de faciliter la réalisation d'enquêtes administratives en application des articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 211-11-1 du présent code et de l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité par la conservation des données issues de précédentes enquêtes relatives à la même personne y compris celles intéressant la sûreté de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 236-9 du même code : " I. - Le droit d'opposition prévu aux articles 110 et 117 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne s'applique pas au présent traitement. / (...) / III. - (...) / Afin d'éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ou d'éviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales, de porter atteinte à la sécurité publique ou la sécurité nationale, les droits d'accès, de rectification, d'effacement et à la limitation peuvent faire l'objet de restrictions en application des 2° et 3° du II et du III de l'article 107 de la même loi. (...) ". Aux termes de l'article R. 236-11 du même code : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale) est autorisé à mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel dénommé " Prévention des atteintes à la sécurité publique ", ayant pour finalité de recueillir, de conserver et d'analyser les informations qui concernent des personnes physiques ou morales ainsi que des groupements dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat. / Ce traitement a notamment pour finalité de recueillir, de conserver et d'analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles de prendre part à des activités terroristes, de porter atteinte à l'intégrité du territoire ou des institutions de la République ou d'être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l'occasion de manifestations sportives. (...) ". L'article R. 236-19 du même code prévoit, pour ce traitement, les mêmes dispositions que celles de l'article R. 236-9 pour le traitement dénommé " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique " (EASP). Enfin l'article R. 236-46 de ce même code, dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt, dispose que : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et préfecture de police) est autorisé à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel destinés à conserver, gérer et exploiter les documents élaborés et collectés, dans l'exercice de leurs missions de renseignement territorial, par les services relevant de la direction nationale du renseignement territorial et les services territoriaux de la police nationale chargés du renseignement territorial et par la direction du renseignement de la préfecture de police ".

5. En premier lieu, d'une part, s'il est constant que la décision du préfet de police du 19 décembre 2018 ne comporte pas les prénom et nom de son signataire, contrairement aux prévisions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision mentionne que son signataire est le directeur du renseignement de la préfecture de police, dont l'identité figure dans l'arrêté n° 2017-00312 portant délégation de signature, régulièrement publié le 25 avril 2017 au recueil de actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. D'autre part, la décision du ministre de l'intérieur du 31 décembre 2018 a été signée par Mme A... B..., nommée par arrêté de ce ministre du 26 octobre 2018 directrice centrale adjointe de la sécurité publique chargée du renseignement, cheffe du service central du renseignement territorial à la direction centrale de la sécurité publique, qui avait de ce fait délégation de signature en vertu du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que ces décisions auraient été prises par des autorités incompétentes.

6. En deuxième lieu, s'agissant des données susceptibles d'être enregistrées au titre d'un fichier du renseignement territorial, autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat susceptibles d'être enregistrées sur le fondement des articles R. 236-1 ou R. 236-11 du code de la sécurité intérieure, l'examen des éléments produits par le ministre de l'intérieur et des outre-mer et non versés au contradictoire n'a révélé aucune illégalité à la date du présent arrêt, notamment aucune méconnaissance de la loi du 6 janvier 1978, y compris en ce qui concerne la durée de conservation des données, ni du code de la sécurité intérieure, pas davantage qu'une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni, en tout état de cause, une atteinte aux droits protégés par les articles 14 de la convention européenne et 1er du premier protocole à cette convention et à la liberté d'aller et de venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, non plus qu'à la présomption d'innocence protégée par l'article 6 de la convention européenne et l'article 9 de la Déclaration de 1789.

7. En dernier lieu, il n'appartient pas à la Cour, eu égard à la portée de la décision attaquée, de se prononcer sur la légalité de la procédure au terme de laquelle les autorités suisses auraient eu communication des données personnelles de M. D... ni, en tout état de cause, les auraient utilisées et diffusées.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction présentées par M. D... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions des demandes présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation des décisions du préfet de police du 19 décembre 2018 et du ministre de l'intérieur du 31 décembre 2018 refusant de lui communiquer les informations le concernant, autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, enregistrées dans les fichiers du renseignement territorial, aux fins d'injonction et aux fins d'octroi d'une somme au titre des frais de procédure, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

La rapporteure,

P. HAMON

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA02596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02596
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN & THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;21pa02596 ?
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