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05/04/2024 | FRANCE | N°22PA05345

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 05 avril 2024, 22PA05345


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) L'Oscar Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales et des droits de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises demeurés à sa charge au titre des années en 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 de l'amende

prévue à l'article 290 quater du code général des impôts qui lui a été infligée, ainsi que des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) L'Oscar Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales et des droits de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises demeurés à sa charge au titre des années en 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 de l'amende prévue à l'article 290 quater du code général des impôts qui lui a été infligée, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1922060 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'amende prononcée sur le fondement de l'article 290 quater et du II de l'article 1791 du code général des impôts comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 16 décembre 2022, 20 avril 2023 et 25 mai 2023, la SARL L'Oscar Elysées, représentée par Me Khemissi, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 octobre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des rehaussements mis à sa charge ainsi que des pénalités et majorations y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les juges de première instance ont dénaturé les faits et pièces du dossier et entaché leur jugement d'erreurs de droit ;

- la procédure d'imposition a été irrégulièrement conduite, faute de délai raisonnable lui permettant de réaliser les traitements informatiques de sa comptabilité et en l'absence de débat oral et contradictoire ;

- en demandant, par une lettre du 22 juin 2016, des informations supplémentaires sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et en sollicitant une réponse au plus tard le 1er juillet 2016, l'administration n'a pas respecté le délai de trente jours fixé à l'article L. 11 de ce livre ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier en l'absence d'indication de l'identité de son signataire ;

- la méthode de reconstitution des recettes retenue par le service vérificateur est radicalement viciée dans son principe, excessivement sommaire et conduit à un résultat exagéré qui ne prend pas en compte les données propres de l'exploitation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 mars 2023 et 9 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL L'Oscar Elysées ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Khemissi, représentant la SARL L'Oscar Elysées.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL L'Oscar Elysées, société référencée " débits de boissons ", exerce une activité de discothèque, de restauration, de locations de salles et d'organisation de réceptions, de spectacles et de concerts, et accessoirement une activité de location d'appartements et de véhicules de luxe. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue au 30 novembre 2015 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration lui a notifié des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt, et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, par une proposition de rectification établie le 4 août 2016 selon la procédure contradictoire. Par la présente requête, la SARL L'Oscar Elysées relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rehaussements prononcés.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SARL L'Oscar Elysées ne peut utilement soutenir que les juges de première instance auraient entaché leur jugement d'erreurs de droit et d'une dénaturation des faits et pièces du dossier.

Sur la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " (...) En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options (...) b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, après, le cas échéant, la remise des copies prévue au second alinéa du présent b, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget (...) ". Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Il résulte de l'instruction que la SARL L'Oscar Elysées a fait le choix le 20 avril 2016 de procéder elle-même aux traitements informatiques nécessaires à la vérification conformément aux dispositions précitées du b du II de l'article 47 A du livre des procédures fiscales. L'administration lui a transmis, par un courrier du 27 avril 2016, un cahier des charges précisant les modalités de mise en œuvre de ces traitements dont les résultats étaient attendus au plus tard le 17 mai 2016, en l'informant que si tout ou partie des travaux envisagés soulevaient une difficulté de réalisation, elle était invitée à en faire connaître rapidement les raisons. Si la société soutient ne pas avoir disposé d'un délai suffisant pour effectuer les traitements informatiques nécessaires à la vérification dans la mesure où elle a réceptionné ce cahier des charges le 9 mai 2016 et non le 3 mai comme noté dans la proposition de rectification, il est constant que les éléments qu'elle a communiqués au service le 1er juin 2016 et qui ont été reçus le 9 juin suivant ont été pris en considération, sans que l'administration ne lui objecte son retard. Par ailleurs, la société n'a fait part à ce stade d'aucune difficulté particulière dans la mise en œuvre des travaux, alors même que ses réponses se sont avérées incomplètes et n'ont pas respecté le cahier des charges communiqué, obligeant l'administration, par courrier du 22 juin 2016, à lui demander de les compléter. Par suite, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de délai déterminé, la société requérante ne démontre pas que le délai dont elle a disposé pour réaliser elle-même les traitements informatiques nécessaires à la vérification, aurait été insuffisant.

5. En deuxième lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

6. Il résulte de l'instruction que la première intervention s'est déroulée, à la demande de la société, dans ses locaux le 12 février 2016 puis au sein du cabinet de son expert-comptable. La société soutient que l'administration n'a engagé aucun débat oral et contradictoire en particulier s'agissant de la reconstitution de son chiffre d'affaires au cours de la période comprise entre le 1er juillet 2016, date à laquelle elle a reçu le courrier du 22 juin 2016 mentionné au point 4 par lequel l'administration lui a demandé de compléter les traitements informatiques réalisés, et le 18 juillet suivant, date de la dernière réunion de synthèse. Elle fait valoir également que les interventions des 8 mars 2016 et 6 avril 2016, qui ont précédé cette réunion, n'ont donné lieu à aucun débat contradictoire. Toutefois, la société requérante n'établit pas par ses seules allégations que l'objet exclusif de ces réunions aurait porté sur les aspects procéduraux de la vérification de sa comptabilité au cours desquelles le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues et qu'elle aurait été privée du bénéfice d'un véritable débat contradictoire. Par ailleurs, l'administration fait valoir sans être contestée que deux autres rencontres se sont déroulées les 31 mai 2016 et 30 juin 2016. En outre, alors que l'administration a, par courrier du 27 avril 2016, mentionné au point 4 précédent, informé de manière précise et complète la société requérante des traitements informatiques de sa comptabilité que celle-ci devait, conformément à sa propre option, effectuer elle-même, la société, ainsi qu'il a été indiqué, n'a pas répondu à cette demande dans les délais accordés, obligeant l'administration à lui demander de compléter sa réponse. Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager ou de débattre au cours d'une réunion dédiée de la méthode de reconstitution envisagée du chiffre d'affaires d'une société. Par suite, la SARL L'Oscar Elysées ne démontre pas, ainsi qu'elle en a la charge, avoir été privée d'un débat contradictoire.

7. En troisième lieu, dans le cadre d'un contrôle opéré en application du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, si le courrier par lequel l'administration fiscale doit informer le contribuable de la nature des traitements informatiques envisagés est un élément du dialogue auquel donne lieu la vérification de comptabilité, un tel courrier ne peut être regardé comme une notification ou une demande de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements visées à l'article L. 11 de ce livre. Par suite, la SARL L'Oscar Elysées ne peut utilement soutenir que la demande de régularisation du 22 juin 2016 qui lui a été adressée par le service et qui faisait suite aux résultats qu'elle avait transmis dans le cadre de l'option choisie des traitements informatiques nécessaires à la vérification de sa comptabilité, entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 11 du livre des procédures fiscales.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public (...) " et aux termes de l'article L. 257 A du même livre : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ".

9. L'avis de mise en recouvrement du 16 août 2017 a été signé par Mme D... B..., inspectrice divisionnaire des finances publiques, qui disposait d'une délégation à cet effet consentie par le comptable public responsable de service des impôts des entreprises en date du 4 janvier 2016 publiée au registre des actes administratifs spécial de la préfecture de région Ile-de-France n° IDF-011-2016-05 le 11 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis de mise en recouvrement, qui mentionnait l'identité et la qualité de son signataire, aurait été signé par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

10. En vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales et dès lors que la SARL L'Oscar Elysées n'a pas accepté les rehaussements qui lui ont été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire et s'est désistée de sa saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il incombe à l'administration d'établir le bien-fondé de l'impôt.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

11. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la comptabilité de la société comportait de graves irrégularités au titre de la période contrôlée. Par suite, l'administration était en droit de reconstituer les recettes et résultats taxables de l'entreprise à l'aide d'une méthode extra-comptable. L'administration a ainsi reconstitué son chiffre d'affaires sur la période vérifiée d'après la " méthode des liquides ", en évaluant les recettes à partir des achats effectués au cours des années 2013 et 2014. Le service a évalué les ventes de l'ensemble des boissons proposées hors menus en appliquant les tarifs pratiqués par la société, après avoir déterminé les dosages et déduit les pertes, les offerts et les prélèvements. Il a enfin déterminé le chiffre d'affaires total de la société par application d'un coefficient d'extrapolation tiré des données de la société relatives à la part des ventes de liquides dans le total des ventes, en retenant le coefficient le plus favorable à la société. Les facteurs de correction ont été définis en fonction des données propres de l'entreprise et des renseignements recueillis auprès de l'autorité judiciaire. La société a

elle-même procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires à partir de la même méthode dite des liquides, validée par un expert-comptable, en apportant certains correctifs s'agissant, d'une part, de la ventilation entre ventes en verre ou à la bouteille et, d'autre part, de la détermination des tarifs des consommations.

12 En premier lieu, la société requérante soutient que le service n'a pas pris en considération les quantités de vin et de softs vendus dans les menus. D'une part, ni le menu dit " C... ", ni le menu dit " A... " présentés en fin de contrôle, ne propose de vin, les consommations accompagnant ces menus étant uniquement des cocktails et des softs à volonté. D'autre part, il résulte de l'instruction que le défaut de présentation des cartes des tarifs lors de la visite sur place du service et la production tardive de ces cartes tarifaires neuves n'a pas permis à l'administration de valider avec certitude les prix pratiqués au cours des exercices. Par ailleurs, la société n'a pas présenté de données détaillant les tarifs par type d'article et les opérations de contrôle ont permis de constater une minoration des stocks au titre des deux années contrôlées. Compte tenu de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait surestimé l'évaluation du chiffre d'affaires global reconstitué, en reconstituant les recettes à partir des ventes des seules boissons proposées hors menus.

13. En deuxième lieu, si la société requérante fait valoir que l'administration a exclu de la reconstitution de ses recettes les soirées à thème au cours desquelles des offerts étaient proposés, les plaquettes de présentation produites au dossier ne comportent pas de date suffisamment précise pour permettre d'établir dans quelle mesure ce type d'événements a été organisé au cours de la période vérifiée, en l'absence de toute mention relative à l'année, l'administration ayant par ailleurs retenu un taux de 5 % au titre de l'ensemble des offerts.

14. En troisième lieu, la SARL L'Oscar Elysées fait valoir que la méthode retenue ne prend pas en compte la ventilation de la vente des boissons entre verres et bouteilles et procède au calcul de pourcentages en additionnant des montants dont les unités ne sont pas identiques. Elle soutient également que le service ne pouvait pas intégrer à ses calculs de ventes en bouteilles et au verre de liquides alcoolisés, le nombre de verres de consommation non alcoolisées. Il résulte de l'instruction que le service a déterminé les parts respectives des ventes en bouteille et au verre suivant les trois modes de ventes pratiqués, à savoir à l'unité, en vrac ou en vente mixte à partir des statistiques fournies par la société elle-même. Contrairement à ce que soutient la société, la méthode utilisée permet d'identifier la part respective des ventes en bouteille ou au verre et d'identifier chacune des catégories des consommations vendues. Par ailleurs, le service n'avait pas à extraire de ses calculs les boissons non alcoolisées vendues au verre pour lui permettre de déterminer distinctement la part des ventes en bouteille et au verre.

15. En quatrième lieu, si la société requérante soutient que l'administration devait exclure de ses calculs la vente de sirops qui sont utilisés exclusivement comme adjuvants aux cocktails ou servis avec les alcools forts, elle ne conteste pas que le fichier des données de caisse ne détaille aucunement les ventes des boissons alcoolisées permettant d'identifier les consommations contenant du sirop. Par suite, le service a pu estimer que le prix de vente de sirops qui rentrent dans la composition de consommations alcoolisées devait être estimé à hauteur de 10 euros pour un volume de 4 cl. En tout état de cause, même à supposer cette estimation élevée, elle ne suffit pas à elle seule à remettre en cause la reconstitution du chiffre d'affaires et de retenir qu'elle serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire.

16. En cinquième lieu, la société requérante soutient que le service aurait dû préciser le pourcentage de ventilation des ventes de jus entre bouteilles et verres, leur traitement devant être identique à celui des sodas vendus au prix unitaire de 10 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service a retenu que les jus pouvaient être vendus en bouteille ou au verre. La méthode retenue a consisté à différencier les quantités de jus et de sodas vendus dans un menu, de ceux vendus hors menus pour ne retenir que ces derniers. En fonction des quantités ainsi déterminées, le service a fixé le même tarif que celui appliqué aux sodas, soit un prix de vente de 10 euros quel que soit le type de vente. Par suite, le service n'était pas tenu d'opérer une ventilation des ventes de jus entre verre et bouteille.

17. En sixième lieu, la société requérante soutient que les tarifs retenus pour les alcools forts, champagne et vins, qui ont été établis selon les données apportées par un ancien salarié entendu dans le cadre de la procédure judiciaire et sur la base de la carte dite " A... " présentée par la société, ne tiennent pas compte de la carte ordinaire dont les tarifs sont bien moindres dans la mesure où les produits dits " bouteilles After work " étaient vendus à 30 euros l'unité. Elle fait valoir également que les prix retenus dans la reconstitution des ventes d'alcools forts supposent qu'une clientèle très aisée soit présente tout au long de l'année. Elle retient enfin que le service n'a pas déduit les stocks existants au 31 décembre de chacune des années contrôlées et que l'alcool fort devait être divisé en deux catégories dans la mesure où certaines boissons sont exclusivement vendues au verre. Toutefois, d'une part, aucune pièce justificative ne permet d'établir la part représentée par les produits dits " bouteilles After work " dans les recettes de la société au titre des exercices contrôlés. D'autre part, aucune pièce, en particulier le fichier des données de caisse, ne permet de justifier une autre tarification que celle retenue par le service et notamment la proportion représentée par les alcools forts vendus au verre ou en bouteille. Enfin, la société n'établit pas davantage par de simples affirmations qui ne sont étayées d'aucun justificatif la composition de sa clientèle, la part représentée par une clientèle très aisée, la composition de cette clientèle qui proviendrait exclusivement du Moyen Orient, ni même la période de fréquentation de son établissement par celle-ci.

18. En septième lieu, si la société soutient que le taux de marge retenu par le service est excessif et ne prend pas en compte les variations saisonnières comme les diverses activités de la société, elle ne présente aucune pièce permettant de justifier la particularité de son activité compte tenu de sa clientèle et ne produit aucune facture de prestation se rapportant aux autres activités de la société susceptible d'être pris en considération. En outre, il résulte de ce qui a été indiqué aux points 15 à 17 précédents que le chiffre d'affaires, boissons non alcoolisées, alcools forts, champagne et vins, tel que reconstitué par l'administration, n'est entaché d'aucune exagération.

19. En revanche, la société requérante fait valoir que le service ne pouvait retenir que le prix de vente de bières devait être estimé à 35 euros l'unité, ce tarif ne correspondant à aucune réalité économique, alors même que l'analyse des fichiers des traitements informatiques et du menu dit " A... " démontrent qu'elles étaient vendues à un prix unitaire moyen de 10 euros. Si le fichier des données de caisse ne détaille pas les ventes par types d'articles et comporte des libellés globalisants qui ne permettent pas de retenir que le libellé " conso alcoolisées " se rapporterait exclusivement à la vente de bières et si le service n'a pu valider la pratique tarifaire de la société au cours des deux exercices par la seule production des cartes produites en fin de contrôle, les données de caisse ne font toutefois mention d'aucune consommation de boissons alcoolisées au tarif unitaire de 35 euros. Dans ces conditions et en l'absence d'éléments justificatifs plus précis produits par l'administration sur laquelle pèse la charge de la preuve, la SARL L'Oscar Elysées est fondée à soutenir le prix de vente des bières retenu par l'administration à hauteur de ce tarif est excessif et ne correspond à aucun réalisme économique. Par voie de conséquence, il y a lieu de fixer le prix unitaire de vente des bières à 10 euros.

20. Il résulte de ce qui précède que la SARL L'Oscar Elysées est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et des pénalités correspondantes, en conséquence de la réduction de la base d'imposition définie au point 19 du présent arrêt. Elle n'est en revanche pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

21. L'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie principalement perdante, les conclusions de la SARL L'Oscar Elysées présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés, de la contribution sociale sur cet impôt, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises assignés à la SARL L'Oscar Elysées sont réduites dans les conditions définies au point 19.

Article 2 : Il est accordé à la SARL L'Oscar Elysées la décharge, en droits et pénalités, correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article précédent.

Article 3 : Le jugement du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL L'Oscar Elysées est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) L'Oscar Elysées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 5 avril 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05345
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : KHEMISSI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;22pa05345 ?
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