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05/04/2024 | FRANCE | N°22PA02716

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 05 avril 2024, 22PA02716


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle le directeur de l'Ecole normale supérieure a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire du licenciement sans préavis ni indemnité.



Par un jugement n° 2110828 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en ré

plique enregistrés les 13 juin et 25 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Lebrun, demande à la Cour :



1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle le directeur de l'Ecole normale supérieure a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire du licenciement sans préavis ni indemnité.

Par un jugement n° 2110828 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 13 juin et 25 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Lebrun, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle le directeur de l'Ecole normale supérieure a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Ecole normale supérieure, à titre principal, de le réintégrer dans son emploi, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son dossier, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le jugement attaqué :

- il est irrégulier dès lors qu'il n'est signé ni par la présidente de la formation de jugement, ni par le rapporteur ni par la greffière d'audience ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de droit et d'appréciation ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs ;

En ce qui concerne la décision attaquée :

- elle a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la composition de la commission consultative paritaire est irrégulière ;

- les membres de la commission consultative paritaire n'ont pas reçu préalablement à la séance du conseil de discipline la communication des documents relatifs à la sanction de licenciement ;

- il n'a bénéficié que d'un délai de sept jours pour préparer sa défense, ce qui l'a privé d'une garantie ;

- la présidente de la séance du conseil de discipline a méconnu son obligation d'impartialité ;

- les faits sur lesquels repose la décision prononçant son licenciement ne sont pas établis ; ils ne caractérisent aucun manquement au devoir d'obéissance hiérarchique ;

- la sanction du licenciement est disproportionnée au regard des faits reprochés.

Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2022, l'Ecole normale supérieure, représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par une décision du 27 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le décret n° 2013-1140 du 9 décembre 2013 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le règlement intérieur du 11 décembre 2020 de la commission consultative paritaire des agents contractuels de l'Ecole normale supérieure ;

- le règlement intérieur de l'Ecole normale supérieure approuvé en conseil d'administration le 10 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lebrun, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par l'Ecole normale supérieure (ENS) pour exercer, à compter du 5 janvier 2015, les fonctions de régisseur de théâtre. La commission consultative paritaire pour les agents non titulaires de l'ENS a rendu, le 2 mars 2021, un avis favorable à son licenciement sans préavis ni indemnité. Par une décision du 22 mars 2021, le directeur de l'ENS a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité. M. A... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, seule la minute du jugement doit être signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, et non l'ampliation du jugement. En l'espèce, il ressort de l'examen de la copie de la minute du jugement contesté qu'elle comporte les signatures du président, du rapporteur et du greffier. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. A... à l'appui de ses moyens, ont notamment indiqué de manière suffisamment précise au point 5 de leur jugement les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission consultative paritaire. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreurs de droit, d'erreurs d'appréciation ou encore de contradiction de motifs.

Sur la légalité du licenciement de M. A... :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 9 décembre 2013 relatif à l'Ecole normale supérieure : " (...) Le conseil d'administration par ses délibérations assure l'administration de l'école. (...) ". Aux termes de l'article 9 du règlement intérieur de l'Ecole normale supérieure approuvé en conseil d'administration le 10 mars 2014 : " Il est créé à l'ENS, en application du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, une commission consultative paritaire (CCP) compétente à l'égard des personnels non-titulaires de l'ENS. / La commission consultative paritaire est obligatoirement consultée sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant à l'expiration de la période d'essai et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. / Elle peut également être consultée sur toute question d'ordre individuel relative à la situation professionnelle des agents non titulaires. / La CCP est composée d'un nombre de 5 représentants du personnel (2 de niveau A, 1 de niveau B et 2 de niveau C) et de 5 représentants de l'administration. / Les représentants du personnel sont désignés par les organisations syndicales représentatives à la suite d'un scrutin de sigle qui détermine le nombre de sièges par organisation. Le mandat est de quatre ans. / Les représentants de l'établissement sont nommés par le directeur de l'ENS. ".

7. M. A... soutient que la composition de la commission consultative paritaire réunie en conseil de discipline lors de la séance du 2 mars 2021 est irrégulière. Il prétend à cet égard que les représentants du personnel qui la composent n'ont pu être régulièrement désignés par les organisations syndicales élues en décembre 2018 dans la mesure où l'institution de la commission consultative paritaire serait postérieure à ces élections. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'article 9 du règlement intérieur de l'ENS que celui-ci a procédé à la création de la commission consultative paritaire le 10 mars 2014 et a prévu les modalités de désignation des représentants du personnel. Contrairement à ce que soutient le requérant, et en dépit de la formulation de son titre et de son article 1er, l'arrêté n° 2020-120 du 6 octobre 2020 du directeur de l'Ecole normale supérieure ne procède pas à la création de la commission consultative paritaire qui lui préexistait mais ne fait que préciser ses attributions, ses modalités de fonctionnement ainsi que les modalités de désignation de ses membres. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les élections organisées au scrutin de cible pour la désignation des membres de la commission, dont les résultats ont été arrêtés le 11 décembre 2018 et à la suite desquels les membres de la commission ont été désignés le 10 novembre 2020, auraient illégalement eu lieu avant la création de la commission consultative paritaire, de sorte que la composition de celle-ci serait irrégulière à la date à laquelle elle s'est prononcée sur la sanction en litige. Par ailleurs, si M. A... soutient également que la nomination tardive des membres de la commission en novembre 2020, l'aurait privé de la possibilité de la saisir préalablement à cette date pour lui soumettre les difficultés auxquelles il aurait fait face dans le cadre de ses fonctions, une telle argumentation est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement intérieur de la commission consultative paritaire : " L'agent contractuel déféré devant la commission siégeant en formation disciplinaire est convoqué par le directeur de la commission quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec accusé de réception ". Le délai de quinze jours mentionné par ces dispositions constitue pour l'agent concerné une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense. Par suite, la méconnaissance de ce délai a pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline, sauf s'il est établi que l'agent a été informé de la date du conseil de discipline au moins quinze jours à l'avance par d'autres voies.

9. Il ressort des pièces du dossier que si la lettre recommandée du 12 février 2021 convoquant M. A... devant la commission consultative paritaire statuant en formation disciplinaire le 2 mars suivant n'a été retirée par ce dernier que le 22 février, soit dans un délai inférieur à celui de quinze jours prévu par les dispositions précitées, celui-ci a été informé à l'issue du premier conseil de discipline tenu le 11 février 2021 de son report à la séance du 2 mars suivant. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la méconnaissance du délai de convocation de quinze jours l'aurait privé de la possibilité de préparer utilement sa défense.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement intérieur du 11 décembre 2020 de la commission consultative paritaire des agents contractuels de l'Ecole normale supérieure : " Les dispositions des articles précédents s'appliquent lorsque la commission siège en formation disciplinaire. Une consultation préalable à la commission est organisée au cours de laquelle les documents se rapportant à l'ordre du jour de la commission sont mis à disposition des membres de la commission. ".

11. M. A... soutient qu'aucune des pièces du dossier relatif à son licenciement n'a été communiquée aux membres de la commission consultative paritaire préalablement à la séance du conseil de discipline. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de courriels en date des 28 et 29 janvier 2021 adressés aux membres de la commission que le rapport de saisine de la commission ainsi que l'ensemble des pièces du dossier disciplinaire ont été déposés sur une plateforme en ligne accessible aux membres de la commission par un lien internet figurant dans le mail de convocation. En outre, les membres de la commission ont également été en mesure de prendre connaissance de ces documents lors de la séance du conseil de discipline qui s'est tenue le 11 février 2021 avant d'être reportée au 2 mars 2021. Enfin, il ressort du procès-verbal de la séance du 2 mars 2021 que " les membres de la commission ont eu accès à l'ensemble des pièces du dossier ". Le vice de procédure invoqué doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait.

12. En quatrième lieu, le requérant soutient que la présidente du conseil de discipline, Mme G..., a méconnu le principe d'impartialité en orientant les débats dans un sens qui lui était défavorable et en discréditant le témoin qu'il avait invité. Cependant, il ne ressort pas du compte-rendu des débats devant le conseil de discipline que la présidente aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard de l'agent public ou fait preuve de partialité au cours de ces débats. Si la présidente a été amenée, pour la bonne conduite des débats, à reformuler certaines des questions posées par M. A..., ses interventions n'ont pas modifié ni dénaturé ses propos, mais visaient au contraire à rappeler le contexte de la procédure disciplinaire engagée à son encontre et celui dans lequel s'inscrivaient les relations entre les agents ayant eu à travailler avec lui. Par ailleurs, la présidente ne peut être regardée comme ayant discrédité le témoignage de M. E..., appelé à témoigner par M. A..., en se bornant à rappeler que cet ancien élève ne faisait pas partie du Département des Arts, avec lequel M. A... était principalement amené à collaborer. Enfin, il ne ressort pas davantage du procès-verbal que la présidente aurait limité la prise de parole de M. A..., lequel a pu longuement s'exprimer devant la commission tout comme son avocat. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la présidente de la commission consultative paritaire aurait méconnu son obligation d'impartialité doit être écarté comme manquant en fait.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 43-1 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat alors en vigueur : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Aux termes de l'article 32 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " II. - Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, sont applicables aux agents contractuels le chapitre II de la présente loi, les deux derniers alinéas de l'article 21, l'article 22, l'article 22 ter, l'article 22 quater, l'article 23 bis à l'exception de ses II et III, l'article 24 et le présent chapitre IV, à l'exception de l'article 30. ". Aux termes de l'article 28 de cette loi : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. / Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ". Aux termes du II de l'article 1-1 du décret du 17 janvier 1986 alors en vigueur : " Sans préjudice de celles qui leur sont imposées par la loi, les agents mentionnés à l'article 1er sont soumis aux obligations suivantes : (...) / 2° L'agent non titulaire est, quel que soit son emploi, responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés. ". Aux termes de l'article 43-2 de ce décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ".

14. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

15. Il ressort des motifs de la décision de licenciement prise par le directeur de l'ENS que celle-ci est motivée par le fait que M. A..., d'une part, a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique, en s'opposant régulièrement aux instructions données par sa hiérarchie et en raison d'un comportement global source de nombreux dysfonctionnements voire de paralysie dans l'utilisation du théâtre de l'Ecole, et d'autre part, a manqué à ses obligations de réserve, de discrétion et de loyauté à l'égard de son employeur.

16. En ce qui concerne les manquements au devoir d'obéissance hiérarchique, il ressort des pièces du dossier que M. A... a refusé, à de multiples reprises, d'exécuter les consignes de ses supérieurs tendant notamment au remontage des projecteurs dans la salle du théâtre empêchant son utilisation en particulier au début d'une saison théâtrale. Par plusieurs courriers rédigés les 10 septembre, 9 octobre et 31 octobre 2018, ses supérieurs hiérarchiques ont réitéré leurs demandes auprès de l'intéressé pour qu'il procède au rangement des projecteurs qu'il avait descendus. M. A... ne conteste pas sérieusement ces faits en se bornant à produire deux mails, dont l'un, en date de 2017, ne concernait pas cette rentrée théâtrale. La décision contestée fait encore état d'une attitude de contestation systématique de M. A... et d'une opposition au projet de formation à la régie des étudiants au cours de l'année 2020. Si M. A... conteste la matérialité de ces faits, plusieurs courriers de Mme C..., ancienne responsable du théâtre de l'ENS, et de Mme D..., professeure d'études théâtrales puis nouvelle responsable de la gestion du théâtre, ainsi que leurs témoignages concordants devant la commission consultative paritaire, exposent l'opposition qu'il a déployée, parfois avec colère et agressivité, contre ce projet ainsi que, de manière générale, contre leurs propositions et directives. Cette agressivité et ce comportement systématiquement contestataire, assortis de remises en cause de la compétence professionnelle et du sens des responsabilités de ses interlocuteurs, n'ont pas sérieusement été contestés par l'intéressé devant la commission autrement que par une nouvelle remise en cause des actions entreprises par les responsables du théâtre et ressortent également du témoignage devant la commission de Mme H..., professeure d'histoire de l'art et directrice du département " Histoire des arts et théorie " (DHTA), laquelle a fait état de l'attitude de dénigrement constant dont a fait l'objet son département de la part de M. A.... Ces faits sont encore corroborés par le témoignage de M. B..., chef du service logistique, lequel a fait état du comportement hostile de l'intéressé et de ses nombreuses menaces de poursuites judiciaires. Cette attitude de contestation systématique et de dénigrement a conduit à entraver le bon fonctionnement du théâtre, allant jusqu'à porter atteinte à la continuité de l'activité théâtrale de l'Ecole. Il ressort encore des pièces du dossier que M. A... s'est rendu sur le chantier de travaux du théâtre à deux reprises en septembre et octobre 2020 alors que l'accès lui en avait été formellement interdit par son supérieur hiérarchique, M. B.... Si M. A... affirme que les deux rencontres avec les responsables du chantier qui lui sont reprochées ont eu lieu de manière fortuite, cette version est contredite par un mail du maître d'œuvre des travaux du 2 octobre 2020 qui indique que l'intéressé " s'est invité " à la réunion de chantier. Il ressort encore du rapport présenté à la commission consultative paritaire du 28 janvier 2021 que le comportement professionnel de M. A... s'est illustré par une excessive rigidité et une méfiance systématique à l'égard de sa hiérarchie, laquelle s'est matérialisée par un nombre important de mails d'une longueur excessive et à caractère irrévérencieux voire virulent. Les éléments contenus dans ce rapport sont corroborés par les témoignages nombreux, concordants et circonstanciés rédigés par ses supérieurs sur la période allant de septembre 2018 à janvier 2021 faisant état de réelles difficultés pour échanger avec M. A.... Dans ces conditions, le grief tiré des manquements de M. A... à son devoir d'obéissance hiérarchique est établi.

17. En ce qui concerne le manquement aux principes de loyauté et de réserve, il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages concordants émis lors de la commission consultative paritaire, en particulier ceux de Mmes D... et C..., que M. A... a émis de nombreuses et vives critiques de sa hiérarchie devant les étudiants et certains prestataires extérieurs, tentant par cette attitude de victimisation de les impliquer dans les conflits qu'il entretenait avec sa hiérarchie. De tels agissements sont constitutifs de manquements aux obligations de loyauté et de réserve auxquelles était tenu M. A.... Celui-ci n'est ainsi pas fondé à soutenir que les motifs de la décision sont entachés d'erreur de fait.

18. Compte tenu de la nature de ces faits, de leur caractère répété sur plusieurs années et des conséquences importantes que l'attitude de M. A... a pu avoir sur le fonctionnement du théâtre de l'école et sur ses collègues, alors en outre que de nombreux entretiens avaient été initiés avec le service des ressources humaines et que plusieurs rappels à l'ordre de son supérieur hiérarchique lui avait été adressés, le directeur de l'ENS n'a pas pris, en dépit de plusieurs témoignages louant les qualités professionnelles de M. A..., une sanction disproportionnée en lui infligeant une sanction de licenciement sans préavis ni indemnité.

19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

21. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... le versement à l'ENS d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera la somme de 1 500 euros à l'Ecole normale supérieure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au directeur de l'Ecole normale supérieure.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Gobeill, premier conseiller ;

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

Le président,

V. MARJANOVIC

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02716
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARJANOVIC
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;22pa02716 ?
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