Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la société La Poste à lui verser la somme totale de 60 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités dont elle aurait été victime. Par un jugement n° 1900819 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a condamné la société La Poste à verser à Mme D... une somme de 2 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination qu'elle a subie dans le cadre de la restructuration de son site d'affectation, et rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement, les 6 juillet 2021, 21 septembre et 19 décembre 2023, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 mai 2021 ; 2°) de rejeter la demande et les conclusions d'appel incident de Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a retenu l'existence d'agissement constitutifs de discrimination ; - les faits dont se prévaut Mme D... ne lui ont causé aucun préjudice ; - l'appel incident de Mme D... est irrecevable. Par des mémoires en défense enregistrés les 7 avril 2022, 11 octobre 2023 et 8 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme D..., représentée par Me Bineteau, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête de la société La Poste ; 2°) par la voie de l'appel incident, de réformer l'article 1er du jugement du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a limité, à la somme de 2 000 euros, l'indemnité mise à la charge de la société La Poste ; 3°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - l'appel de la société La Poste est irrecevable ; - son préjudice moral doit être réévalué à hauteur de 30 000 euros. Par une ordonnance du 20 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024 à midi. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Dubois, - les conclusions de M. Perroy, rapporteur public. - et les observations de Me Cortes, pour la société La Poste, et celles de Me Bineteau, pour Mme D....
Considérant ce qui suit : 1. Mme D... a intégré les effectifs de la société La Poste, le 5 mai 1994, en qualité d'agent d'exploitation du service général. Il lui a été reconnu depuis son embauche la qualité de travailleur handicapé. Elle a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner son employeur au versement d'une somme de 60 000 euros en réparation de divers préjudices subis. Par un jugement n° 1900819 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a condamné la société La Poste à verser à Mme D... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination dont elle soutient avoir été victime dans le cadre de l'opération de restructuration du site de Bobigny où elle était affectée jusqu'à la fin de l'année 2016. La société La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser Mme D.... Celle-ci, dans le cadre d'un appel incident, conclut à la réformation du jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation à la somme de 2 000 euros. Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme D... : 2. D'une part, une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel. 3. D'autre part, l'irrecevabilité de la requête d'appel tirée, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, de ce que le mémoire d'appel se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire présenté en première instance, est opposable au requérant qui était défendeur devant le premier juge. 4. Contrairement à ce que soutient Mme D..., le mémoire que la société La Poste présente en appel ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire en défense de première instance mais énonce à nouveau une argumentation qui lui parait devoir fonder le rejet de la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par cette dernière tirée de l'absence de motivation de la requête d'appel de la société La Poste, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, doit être écartée. Sur les conclusions de la société La Poste : 5. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 applicable à la date de la décision attaquée : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. / Toutefois, des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions (...) ". 6. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 7. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de la réorganisation menée en fin d'année 2016 du centre de tri de Bobigny où Mme D... était affectée, la direction du réseau logistique et des opérations internationales (DRLOI) de la société La Poste a souhaité implanter sur ce site le " traitement départ " des RFX (Restitution de l'Information à l'Expéditeur), c'est-à-dire les opérations consistant à restituer à l'expéditeur les courriers n'ayant pas pu faire l'objet d'une distribution, réorganisation se traduisant par la réduction à douze du nombre d'agents présents sur le site, les autres agents étant reclassés sur d'autres sites. Pour condamner la société La Poste à verser une somme de 2 000 euros à Mme D... en réparation du préjudice moral causé par la discrimination dont celle-ci soutenait avoir été victime, le tribunal a tenu pour établi que c'est à raison de son handicap qu'aucun des douze postes conservés sur le site ne lui avait été proposé. 8. Toutefois, si la société La Poste ne conteste pas qu'aucun des agents du site souffrant d'inaptitude partielle n'a été maintenu sur le site, elle fait valoir que les postes conservés nécessitent, compte tenu de leur spécificité, des agents polyvalents à même d'assurer " la maitrise de l'ensemble des activités propres au traitement des RFX ". Elle fait ainsi valoir qu'une distinction au sens du troisième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 pouvait être faite pour tenir compte de l'inaptitude physique partielle de la requérante. Mme D..., qui est " inapte [au] travail sur machine de tri " et " apte à un temps limité de vidéocodage par vacation pas plus de deux heures ", ainsi que cela ressort de sa fiche d'aptitude émise le 1er juillet 2015 par le médecin du service de santé au travail, ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause l'affirmation de la société La Poste selon laquelle le traitement des RFX nécessite que les agents affectés à cette mission soient aptes au travail sur machine de tri. En outre, il résulte de l'instruction que Mme D... a bénéficié d'un reclassement sur un nouveau poste au sein d'un autre site de Bobigny à compter du 2 janvier 2017, et il n'est pas allégué que cette nouvelle affectation se soit accompagnée de conditions de travail ou de salaire moins favorables que celles dont elle bénéficiait dans sa précédente affectation. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son absence de maintien sur le centre de tri de Bobigny à l'issue de la restructuration de 2016 serait empreinte de discrimination à raison de son handicap. Elle n'est par suite pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices résultant de cette discrimination. 9. Il résulte de ce qui précède que la société La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée à verser une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme D.... Sur les conclusions incidentes de Mme D... : 10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que Mme C... B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été victime de discrimination et à demander en conséquence la condamnation de la société La Poste à l'indemniser des préjudices allégués. Ses conclusions incidentes, lesquelles ne sont au demeurant recevables qu'en tant qu'elles visent au rehaussement de l'indemnisation due en réparation d'agissements discriminatoires, ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Sur les frais d'instance : 11. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par la société La Poste au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. 12. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1900819 du 7 mai 2021 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au directeur général du groupe La Poste.Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;- M. Gobeill, premier conseiller ;- M. Dubois, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 avril 2024.Le rapporteur,J. DUBOISLe président,V. MARJANOVICLa greffière,E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA03759 2