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04/04/2024 | FRANCE | N°23PA02399

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 04 avril 2024, 23PA02399


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé l'octroi d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.



Par un jugement n° 2203682 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, Mme C... B..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé l'octroi d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2203682 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, Mme C... B..., représentée par Me Lerein, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour mention " parent d'enfant français " avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard si la décision est annulée pour un motif de fond ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard si la décision est annulée pour un motif de forme ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, sous réserve de son renoncement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision méconnait l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 423-8 du code civil [lire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile] ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'établit pas, comme cela lui incombe, l'existence d'une fraude ;

- la décision a été prise tardivement après deux années d'instruction alors que l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen obligeait le préfet de la Seine-Saint-Denis à une obligation de transparence et de cohérence ;

- la décision a été prise sans un examen personnel de sa situation ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et de fait au regard du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 9 août 2023.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-967 du 30 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 10 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, applicable en vertu de l'article 71 de cette loi, aux demandes de titre de séjour présentées postérieurement au 1er mars 2019, que Mme B... a entendu invoquer en se prévalant des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du même code lesquelles ne sont entrées en vigueur que le 1er mai 2021 en vertu de l'article 20 de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".

3. D'une part, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en œuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application de ces principes. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour rejeter la demande de Mme B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que la reconnaissance de paternité par un ressortissant français de son enfant né le 13 juillet 2017 en France avait pour seul but de permettre à cette dernière d'obtenir un droit au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier, comme l'a au demeurant relevé le préfet, que la personne qui a reconnu son enfant apparait dans le fichier national des étrangers pour deux autres dossiers de demandes de titre de séjour présentées par des ressortissantes étrangères en situation irrégulière et prétendant à la régularisation de leur situation administrative au motif de la nationalité française acquise par leur enfant, que le père déclarant n'a entretenu aucune vie commune avec la mère ni avec son enfant ni ne participait à l'entretien et à l'éducation de ce dernier et qu'il ne s'est pas présenté à l'audition à laquelle il avait été convoqué, audition au cours de laquelle elle a confirmé l'absence de vie commune. En ce qui concerne la participation de M. A... à l'entretien de l'enfant, elle ne saurait être établie par le jugement du juge aux affaires familiales du 6 janvier 2023, postérieur à la décision. S'agissant de l'audition de la requérante le 17 décembre 2019, outre qu'elle en a certifié exact le compte rendu sans invoquer la circonstance qu'elle n'en comprenait pas les termes, il ressort des pièces du dossier que les convocations lui demandaient de venir accompagnée de M. A..., de sorte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que ce dernier n'y avait pas été convié, aucun élément n'étant enfin de nature à remettre en cause la compétence de l'agent qui a mené cet entretien. Si Mme B... soutient qu'il est probable que le procureur de la République a classé sans suite la procédure, une telle décision serait en tout état de cause inopérante. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu à bon droit rejeter la demande de Mme B... en se fondant sur le motif opposé dans la décision contestée.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en août 2016 à l'âge de 37 ans, qu'elle a obtenu une première carte de séjour temporaire dont le renouvellement lui a été refusé et que son expérience professionnelle est récente comme le démontre l'avenant à son contrat de travail signé le 29 octobre 2021 mentionnant un contrat de travail conclu le 1er mai 2019 seulement. Elle ne se prévaut par ailleurs pas d'attaches familiales en France. Il résulte de ce qui précède que la décision, qui comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, n'est entachée d'aucun défaut d'examen. Si Mme B... fait valoir que le délai d'instruction était trop long, cette simple circonstance n'est pas de nature à entacher la décision d'illégalité.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme B... ne pouvant se prévaloir de la nationalité française de son enfant en raison d'une fraude concernant la déclaration de paternité, elle n'est pas fondée à revendiquer le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02399
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23pa02399 ?
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