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04/04/2024 | FRANCE | N°23PA01329

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 04 avril 2024, 23PA01329


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée Verlaine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la délibération n° 2020 DU 106 par laquelle le conseil de Paris, dans sa séance des 15, 16 et 17 décembre 2020, a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème arrondissement), et d'enjoindre au maire de Paris d'inscrire à l'ordre du jour du con

seil de Paris une nouvelle procédure de modification du plan local d'urbanisme, dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Verlaine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la délibération n° 2020 DU 106 par laquelle le conseil de Paris, dans sa séance des 15, 16 et 17 décembre 2020, a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème arrondissement), et d'enjoindre au maire de Paris d'inscrire à l'ordre du jour du conseil de Paris une nouvelle procédure de modification du plan local d'urbanisme, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2103367 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril et le 4 avril 2023 et un mémoire enregistré le 11 mars 2024, la société Verlaine, représentée par Me Braud (SELARL Atmos avocats) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103367 du 1er février 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la délibération n° 2020 DU 106 par laquelle le conseil de Paris, dans sa séance des 15, 16 et 17 décembre 2020, a approuvé la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème arrondissement) ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est également irrégulier eu égard aux conditions de mise en œuvre de la substitution de motif, qui n'a pas été demandée par la Ville de Paris, et alors que les parties n'ont jamais été invitées à présenter des observations sur ce point ;

- l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique n'a pas été signé par une personne disposant d'une délégation régulière de signature, à cette fin, dûment transmise au représentant de l'État, publiée et rendue exécutoire ;

- la procédure de modification du plan local d'urbanisme mise en œuvre est irrégulière dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 153-38 du code de l'urbanisme, le conseil de Paris n'a pas été amené à prendre une délibération motivée sur le fondement des dispositions de l'article L. 153-38 du code de l'urbanisme relatif à l'ouverture à l'urbanisation d'une zone et ce, alors que la zone concernée est in constructible ;

- les dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et de l'article UG 11.5.2. du règlement du plan local d'urbanisme de Paris ont été méconnues, dès lors que la servitude instituée n'est pas proportionnée et excède ce qui est nécessaire, à l'objectif recherché, en emportant une atteinte excessive au droit de construire ; elle ne peut se justifier par la nécessité de conserver une séquence paysagère pittoresque, dès lors, d'une part, que la parcelle et les bâtiments en cause ne peuvent être ainsi qualifiés et que, d'autre part, la préservation d'un " espace de respiration largement végétalisé " ne répond pas aux objectifs poursuivis par l'article L. 151-19 et qu'un gabarit-enveloppe, moins contraignant, aurait pu être mis en place afin de permettre les travaux nécessaires à la rénovation des bâtiments dégradés ;

- la délibération litigieuse méconnait l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Paris dans son jugement devenu définitif du 16 janvier 2020, qui a censuré le classement de la parcelle en cause en zone UV du plan local d'urbanisme en ce qu'il imposait des conditions d'occupation et d'utilisation restrictives dans un environnement urbain dense : la mise en place simultanée d'une servitude de " volumétrie existante à conserver " et d'une servitude d'espace libre à végétaliser conduit à restreindre fortement les possibilités de construire sur la parcelle, neutralisant les effets d'un changement de classement de la zone UV à la zone UG ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir, les circonstances dans lesquelles elle a été prise traduisent très clairement la volonté de la Ville de Paris de faire obstacle à ce que puisse être mis en en œuvre un projet d'assainissement et d'extension limitée des deux bâtiments existants et plus particulièrement de la partie habitation en rez-de-chaussée à l'arrière de la parcelle ; tandis que le tribunal administratif a censuré un classement trop contraignant urbanistiquement, la collectivité, pour tirer les conséquences du jugement, a décidé d'accroitre les contraintes.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2024 et des pièces produites les 19 et 20 mars 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 2 500 euros à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Le 14 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la Cour est susceptible, d'office, d'enjoindre au maire de Paris de prendre certaines mesures de nature, en vue d'assurer l'intelligibilité du plan local d'urbanisme de Paris, à donner une publicité suffisante à l'annulation partielle de la délibération litigieuse.

Par ordonnance du 19 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2024 à 09h30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Huchon substituant Me Braud, avocat de la société anonyme à responsabilité limitée Verlaine, et de Me Gorse substituant Me Falala, avocat de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Verlaine, propriétaire d'une parcelle sise 399 rue de Vaugirard dans le XVème arrondissement de Paris et cadastrée sous la référence BF n° 94, a sollicité le 14 mai 2018 du maire de Paris l'abrogation partielle du plan local d'urbanisme de Paris, tel qu'approuvé par le conseil de Paris lors de sa séance des 6 et 7 février 2012, aux fins de modifier le zonage de sa parcelle de la zone urbaine verte (zone UV) au profit de la zone urbaine générale (zone UG). Par une décision du 13 juillet 2018, reçue le 17 juillet suivant, le maire de Paris a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé ce refus.

2. La même société a ensuite demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la délibération n° 2020 DU 106 par laquelle le conseil de Paris, dans sa séance des 15, 16 et 17 décembre 2020, a approuvé le projet de modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à cette parcelle. La juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 1er février 2023 dont l'intéressée relève appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque donc en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, en relevant, au point 11 des motifs du jugement attaqué et après avoir considéré qu'était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation l'institution d'une servitude de volumétrie existante à conserver au motif tiré de l'existence d'une séquence paysagère pittoresque que la Ville de Paris aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif du maintien d'un espace de respiration largement végétalisé, les premiers juges ont simplement neutralisé l'un des motifs de la délibération litigieuse et n'ont donc pas procédé à une substitution de motif qui leur aurait imposé d'en informer préalablement les parties et de les mettre à même de présenter leurs observations. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a procédé irrégulièrement à une substitution de motif manque donc également en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :

5. En premier lieu, les premiers juges ont relevé, d'une part, qu'aux termes de l'article 23 de l'arrêté de la maire de Paris du 4 juillet 2014 régulièrement publié au bulletin municipal officiel du 8 juillet 2014 relatif aux missions de la direction de l'urbanisme : " La Direction de l'Urbanisme élabore, met à jour et révise les documents qui régissent l'évolution de la Ville de Paris en matière d'urbanisme, notamment le plan local d'urbanisme (...) ", d'autre part, que par un arrêté du 26 novembre 2019 régulièrement publié au bulletin officiel de la Ville de Paris le 3 décembre 2019, le maire de Paris a donné délégation à M. A... B..., directeur de l'urbanisme, à l'effet de signer, dans la limite des attributions de la direction de l'urbanisme, tous arrêtés, actes, décisions, contrats, correspondances, ainsi que tous les actes notariés et administratifs préparés par les services placés sous son autorité et qu'ainsi, M. A... B... était bien compétent pour signer l'arrêté du 10 janvier 2020 relatif à l'ouverture de l'enquête publique préalable à la modification du plan local d'urbanisme de Paris applicable à la parcelle objet du présent litige. Ils ont ainsi écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché de l'incompétence de son auteur et de la méconnaissance de l'article L. 153-37 du code de l'urbanisme. En appel, la société requérante ne présente aucun élément ou argument nouveau de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée à bon droit par les premiers juges sur cette première branche du moyen. Il y a donc lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, d'écarter sur ce point le moyen susmentionné.

6. En outre, devant la Cour, la Ville de Paris établit que tant l'arrêté du 4 juillet 2014 que celui du 26 novembre 2019 ont été transmis au représentant de l'État par voie électronique puis publiés dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales. Cette seconde branche du moyen manque ainsi en fait et doit être écartée.

7. En second lieu, le tribunal administratif a considéré qu'il ressort des articles L. 153-8 et R. 151-17 du code de l'urbanisme et I du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris relatif à la division du territoire que les zones urbaines vertes prévues par ce plan, qui regroupent des espaces dont la densité bâtie est en général faible, constituent des zones urbaines au sens de l'article R. 151-17 du code de l'urbanisme et qu'ainsi, dès lors que le projet de modification du plan local d'urbanisme de Paris applicable à la parcelle objet du litige, ne porte pas sur l'ouverture à l'urbanisation de cette parcelle mais sur la seule modification de son classement, en tant que zone déjà ouverte à l'urbanisation, de zone UV en zone UG, la délibération contestée n'avait pas à être précédée d'une délibération motivée du Conseil de Paris justifiant l'utilité de l'ouverture à l'urbanisation de la parcelle en cause, et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-8 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

8. En appel, la société requérante, qui ne peut sérieusement soutenir que la parcelle en cause ne serait pas d'ores et déjà située en zone urbaine, ne présente aucun élément ou argument nouveau de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée à bon droit par les premiers juges sur ce moyen. Il y a donc lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, d'écarter le moyen susmentionné.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

9. D'une part, la délibération du conseil de Paris n° 2020 DU des 15, 16 et 17 décembre 2020, a pour objet de classer la parcelle objet du présent litige en zone UG ; elle instaure en outre, au titre de la " protection des formes urbaines et du patrimoine architectural " une servitude double de " volumétrie existante à conserver " et d'" espace libre végétalisé " qui ont pour effet d'interdire, tant une nouvelle construction sur les espaces libres qu'une surélévation des bâtiments existants. Cette délibération repose sur un motif principal et sommairement mentionné de " protection paysagère du site ", explicité par deux motifs complémentaires tirés de la nécessité de maintenir tant une " séquence urbaine pittoresque " qu'un " espace de respiration largement végétalisé ". D'autre part, il est constant que la parcelle comporte deux bâtiments, l'un de niveau R + 2 situé directement en façade sur rue, à l'angle des rues de Vaugirard et Firmin Gillot, l'autre situé en partie nord de parcelle, le long du mur attenant à la Rue Firmin Gillot.

- Quant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et de l'article UG 11.5.2. du règlement du plan local d'urbanisme de Paris :

10. La société anonyme à responsabilité limitée Verlaine, qui n'expose aucune critique sur la servitude afférente à la préservation d'un espace libre à végétaliser, ne conteste en réalité, dans ses écritures, que l'institution d'une servitude relative à la conservation de la volumétrie existante, dès lors, selon elle, d'une part, que la parcelle ne constitue pas une séquence urbaine pittoresque, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme ne prévoient pas qu'elles peuvent être mises en œuvre pour maintenir un espace de respiration largement végétalisé et, enfin, que cette mesure est disproportionnée, l'objectif poursuivi par la Ville de Paris aurait pu être atteint par la prise d'une mesure moins contraignante telle que le gabarit-enveloppe prévu par le plan local d'urbanisme en zone UG.

11. Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. (...) ". Tant l'appréciation des motifs qui ont présidé à la mise en œuvre des prescriptions, que ces prescriptions elles-mêmes, qui ne peuvent imposer une interdiction de construire que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi, sont soumises à un contrôle normal du juge.

- S'agissant du maintien d'une " séquence urbaine pittoresque " et d'un " espace de respiration largement végétalisé " :

12. En premier lieu, une " séquence urbaine pittoresque " peut résulter en milieu urbain, d'un paysage urbain particulier comportant des éléments du bâti ancien, constituant ainsi un " élément de paysage " au sens et pour l'application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et susceptible, à ce titre, d'être protégé pour des " motifs d'ordre culturel [ou] historique ", sans que les bâtiments en cause possèdent nécessairement des qualités esthétiques intrinsèques. En l'espèce, et comme l'expose la Ville de Paris, la présentation du projet soumis à l'enquête publique, l'ensemble bâti, par sa volumétrie et son installation à l'angle de la rue Firmin Gillot et en contrebas de la ligne de chemin de fer de petite ceinture, et quoique ne présentant pas de qualité architecturale notable, peut néanmoins composer une séquence paysagère pittoresque témoignant de l'ancien caractère faubourien de cette partie terminale de la rue de Vaugirard et principalement visible depuis cette dernière rue. Toutefois, cette qualification ne saurait s'appliquer au bâtiment de rez-de-jardin et au toit plat situé en partie nord de la parcelle et qui, invisible depuis la voie publique, ne participe pas à cette séquence paysagère. Par suite, la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté cette qualification, qui doit être retenue par le bâtiment en R + 2 situé à l'angle des deux rues, représentatif d'une architecture faubourienne. Dès lors, la délibération a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que ce dernier bâtiment et l'espace libre qui l'entoure immédiatement justifie la mise en œuvre à leur égard d'une prescription de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

13. En second lieu, le maintien d'un " espace de respiration largement végétalisé " doit s'entendre, en l'espèce, comme visant en réalité la protection d'un " élément de paysage ", au sens des dispositions précitées de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, dans un souci d'ordre esthétique relevant ainsi des " motifs d'ordre culturel, historique ou architectural " prévus par cet article, et non pour un motif d'ordre écologique qui ne peut être retenu que dans le cadre de l'article L. 151-23 du même code. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la Ville de Paris a commis une erreur de droit en s'appuyant sur ce motif pour instaurer la servitude de conservation de la volumétrie existante.

- S'agissant du caractère disproportionné de la servitude de conservation intégrale de la volumétrie existante :

14. Pour l'application des dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme qui permettent de définir, le cas échéant, des prescriptions de nature à assurer la préservation des éléments de paysage, une interdiction de toute construction, notamment par l'institution d'une servitude de conservation de la volumétrie existante, ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

15. En l'espèce, la protection paysagère du site et la conservation de la séquence paysagère pittoresque et de l'espace de respiration largement végétalisé mentionnés aux points précédents impliquent au moins que le bâtiment situé à l'angle de la Rue de Vaugirard et de la rue Firmin Gillot et l'espace végétalisé qui l'entoure soient maintenus. À cette fin, ni la servitude de conservation intégrale de la volumétrie existante ni celle de préservation d'un espace libre à végétaliser ne sont disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

16. En revanche, la réalisation de ce dernier objectif n'implique pas que le bâtiment situé en fond de parcelle, composé d'un unique rez-de-jardin dénué de tout intérêt architectural et de surcroit invisible depuis la rue, soit frappé de la servitude de conservation intégrale de la volumétrie existante. Ainsi, le plan local d'urbanisme prévoit-il notamment en zone UG l'instauration d'un gabarit-enveloppe, lequel, en ayant pour effet de limiter la constructibilité en hauteur, permettrait, comme d'ailleurs les pièces du dossier l'établissent, de restreindre la possibilité d'une éventuelle surélévation du bâtiment dont s'agit dans des proportions limitées qui n'affecteraient pas les effets attendus de la servitude d'espace libre à végétaliser instaurée sur la parcelle ni, plus généralement, la densité du bâti environnant. En outre, une telle surélévation serait invisible depuis la rue de Vaugirard et, en tout état de cause, n'obérerait pas la qualité de la séquence paysagère pittoresque à sauvegarder pour les usagers de la rue Firmin Gillot, alors que cette dernière rue longe déjà des immeubles hauts de plusieurs étages et débouche directement en face d'un immeuble contemporain en R + 16.

17. Par suite, l'institution de la servitude contestée apparaît disproportionnée, en tant qu'elle affecte le bâtiment situé en fond de parcelle, dès lors que l'objectif poursuivi n'implique pas qu'il soit recouru à ce seul moyen, et que l'instauration d'un gabarit-enveloppe y contribuerait tout autant. Il appartiendra donc à la Ville de Paris, si elle s'y croit fondée, d'instaurer un tel dispositif. Le moyen doit donc être accueilli dans cette limite.

- Quant à la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Paris dans son jugement devenu définitif du 16 janvier 2020 :

18. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'objet du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger partiellement le plan local d'urbanisme de Paris aux fins de modifier le classement de zone UV en zone UG de la parcelle objet du présent litige est différent de celui du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la délibération autorisant la modification du zonage de cette parcelle, lequel vise à obtenir l'annulation d'un acte en raison, non pas d'un refus de classement de parcelle en zone UG, mais des prescriptions particulières attachées à un tel classement, liées à l'institution d'une servitude de volumétrie existante à conserver. Par suite, la société anonyme à responsabilité limitée Verlaine n'est pas fondée à soutenir que la délibération attaquée, qui procède au classement de la parcelle en cause en zone UG assorti d'une conservation intégrale de la volumétrie existante, méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Paris n° 1816030 du 16 janvier 2020 annulant la décision du maire de Paris rejetant sa demande d'abrogation partielle du règlement du plan local d'urbanisme de Paris en tant qu'il classe la parcelle en cause en zone UV.

- Quant au détournement de pouvoir :

19. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que la société anonyme à responsabilité limitée Verlaine est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté l'intégralité de ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération litigieuse. Il appartient toutefois à la Cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés devant les premiers juges à l'encontre de cette délibération.

21. À supposer même que la société requérante ait effectivement entendu maintenir en appel les moyens tirés, respectivement, d'une part, de ce que la Ville de Paris n'a organisé aucune enquête complémentaire, en méconnaissance du II de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de ce que la délibération attaquée méconnaît les articles 2.1, 2.1.1 et 2.2.1 du règlement du schéma directeur de la région d'Île-de-France, elle ne présente aucun élément ou argument nouveau de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée à bon droit par les premiers juges sur ces moyens. Il y a donc lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, d'écarter ces deux moyens.

- Quant à la mise en œuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

22. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification (...) à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; / (...) Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".

23. Eu égard aux motifs retenus aux points 13 et 14, qui fondent l'annulation partielle de la délibération litigieuse, et à la portée de cette annulation, qui se limite à la suppression d'une servitude affectant un bâtiment déterminé de la parcelle en cause et n'emporte par elle-même aucune mesure de régularisation, il n'y a pas lieu pour la Cour de faire usage des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme à responsabilité limitée Verlaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du Conseil de Paris n° 2020 DU 106 des 15, 16 et 17 décembre 2020, mais dans la seule mesure où ladite délibération a institué une servitude de " volumétrie existante à conserver " sur le bâtiment comportant un niveau unique en rez-de-jardin situé en fond de la parcelle en cause.

Sur l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

25. L'exécution complète du présent arrêt implique que la Cour, et afin de donner le meilleur effet à sa décision dans le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la norme, laquelle résulte en l'espèce directement d'un document graphique dont les effets se trouvent en partie annulés, enjoigne au maire de Paris, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'une part, de publier au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris un extrait du présent arrêt composés des motifs exposés aux points 11 à 13 et 16 à 18 ainsi que de l'article 2 de son dispositif, et, d'autre part, que la mention suivante soit portée sur le document graphique du plan local d'urbanisme résultant de la délibération litigieuse, y compris sur sa version disponible en ligne : " La Cour administrative d'appel de Paris a, par son arrêt n° 23PA01329 du 4 avril 2024, annulé la délibération du conseil de Paris n° 2020 DU 106 des 15, 16 et 17 décembre 2020, approuvant la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème arrondissement), en tant seulement que cette délibération a institué, au titre de la protection d'un " élément de paysage ", une servitude de " volumétrie existante à conserver " sur le bâtiment comportant un niveau unique en rez-de-jardin situé en fond de parcelle ". Le maire de Paris devra se conformer à la présente injonction dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à la société requérante sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103367 du 1er février 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La délibération du Conseil de Paris n° 2020 DU 106 des 15, 16 et 17 décembre 2020, approuvant la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème), est annulée en tant seulement que cette délibération a institué, au titre de la " protection des formes urbaines et du patrimoine architectural ", une servitude de " volumétrie existante à conserver " sur le bâtiment comportant un niveau unique en rez-de-jardin situé en fond de parcelle.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Paris, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de :

- 1° publier au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris un extrait du présent arrêt composé des motifs exposés aux points 11 à 13 et 16 à 18 ainsi que de l'article 2 de son dispositif ;

- 2° porter sur le document graphique du plan local d'urbanisme résultant de la délibération du conseil de Paris n° 2020 DU 106 des 15, 16 et 17 décembre 2020, y compris sur sa version disponible en ligne, la mention suivante : " La Cour administrative d'appel de Paris a, par son arrêt n° 23PA01329 du 4 avril 2024, annulé la délibération du conseil de Paris n° 2020 DU 106 des 15, 16 et 17 décembre 2020, approuvant la modification du plan local d'urbanisme de Paris relative aux dispositions réglementaires applicables à la parcelle sise 399 bis rue de Vaugirard (XVème arrondissement), en tant seulement que cette délibération a institué, au titre de la protection d'un " élément de paysage ", une servitude de " volumétrie existante à conserver " sur le bâtiment comportant un niveau unique en rez-de-jardin, situé en partie nord de parcelle ".

Article 4 : La Ville de Paris versera une somme de 2 000 euros à la société à responsabilité limitée Verlaine au titre de l'article L. 761-un du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité Verlaine ainsi que les conclusions de la Ville de Paris fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée Verlaine et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01329
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : ATMOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23pa01329 ?
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