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27/03/2024 | FRANCE | N°23PA03124

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2024, 23PA03124


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2216193/4 du 23 juin 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté s

a demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2023, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2216193/4 du 23 juin 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2216193/4 du 23 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 10 octobre 2022 ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté d'observation en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,

- et les observations de Me Boudjellal, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 15 janvier 1987, est entré en France le 4 avril 2017. Il a sollicité, le 27 janvier 2022, la délivrance d'un certificat de résidence algérien. Par un arrêté du 10 octobre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 octobre 2022 et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant algérien, est entré en France, muni d'un visa, le 4 avril 2017. Il a épousé, le 13 juin 2020, une compatriote titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, valable jusqu'au 26 mars 2025. Le couple a eu un premier enfant né le 20 août 2020 puis un second enfant né le 22 octobre 2022, soit quelques jours après l'édiction de l'arrêté litigieux. L'épouse de M. B... occupe depuis au moins le mois de mars 2021 un emploi d'accompagnant éducatif et social et a ainsi vocation à demeurer sur le territoire français. Les pièces versées au dossier, constituées notamment de documents médicaux, d'avis d'imposition, de relevés bancaires, de courriers de l'assurance maladie et de factures d'électricité permettent de considérer que la communauté de vie est établie depuis le mois de novembre 2019. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit de mémoire en défense ni en première instance ni devant la Cour, ne conteste ni la réalité de la vie commune, ni que M. B... participe et contribue à l'éducation de ses enfants. M. B... justifie par ailleurs d'une promesse d'embauche en qualité de commis de cuisine au sein d'un restaurant. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que le requérant serait susceptible de bénéficier d'une procédure de regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et a porté atteinte à l'intérêt supérieur du fils aîné du requérant qui était âgé d'environ 2 ans à la date de l'arrêté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 2216193 du 23 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ainsi que l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2216193 du 23 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ainsi que l'arrêté du 10 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03124 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03124
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;23pa03124 ?
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