Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Par une ordonnance du 1er avril 2022, le président du Tribunal administratif de Versailles a transmis au Tribunal administratif de Melun la requête présentée par M. B....
Par un jugement n° 2203265 du 22 juin 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2023, M. B... représenté par Me Boudjellal demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2203265 du 22 juin 2023 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 23 mars 2023 est entaché d'erreurs de fait ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... ;
- et les observations de Me Boudjellal, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 1er décembre 1988, est entré en France en 2015. Il a obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 17 septembre 2018 au 16 septembre 2019. Par arrêté du 23 mars 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. B... relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2023 pris dans son ensemble :
2. Si M. B... soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'erreurs de fait dès lors qu'il ne s'est jamais soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement et avait demandé le renouvellement de son titre de séjour, il résulte des termes de cet arrêté que le préfet n'a pas indiqué, contrairement à ce que soutient M. B..., qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Il a par ailleurs mentionné la demande de renouvellement de titre de séjour qui avait été déposée par l'intéressé. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'erreurs de fait doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 mars 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis mentionne de façon suffisamment précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. En effet, cette décision vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B..., notamment la circonstance que celui-ci se prévaut d'une relation de concubinage. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressé, mais seulement ceux sur lesquels elle a fondé ses décisions. En outre, il ne ressort ni des termes de cet arrêté, ni des autres pièces versées au dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne s'est pas borné à opposer à l'intéressé l'existence d'une menace pour l'ordre public, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par ailleurs, la mesure d'éloignement litigieuse, qui vise l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que la demande de renouvellement du titre de séjour de l'intéressé a été rejetée et qu'il est depuis en situation irrégulière et n'a pas effectué d'autre démarche en vue de régulariser sa situation, doit être regardée comme fondée sur le 3° de cet article. Cette décision mentionne ainsi avec une précision suffisante le texte en application duquel elle a été prononcée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français et du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doivent être écartés comme manquant en fait
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
5. Il ressort des mentions de l'arrêté litigieux, non contestés par le requérant, que celui-ci a sollicité le renouvellement de son titre de séjour mais s'est vu opposer une décision de refus implicite en date du 16 décembre 2019. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à l'encontre de l'intéressé une mesure d'éloignement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, tel qu'introduit par l'article 3 du troisième avenant en date du 11 juillet 2001 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... soutient qu'il réside en France de manière continue depuis l'année 2015, qu'il justifie d'attaches familiales en France et d'une insertion sociale et professionnelle. Si le séjour en France de M. B... peut être regardé comme établi à compter de l'année 2015, comme l'indique le requérant, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé avait épousé le 3 septembre 2018 une ressortissante française dont il a divorcé le 19 novembre 2019. Il a ensuite noué, à compter du mois de juillet 2019, une relation avec Mme C..., ressortissante marocaine avec laquelle il a vécu à compter du mois de janvier 2020. Cependant le 22 mars 2022, la compagne de M. B... a déposé une plainte en raison des violences et insultes dont elle a été victime de la part de M. B..., lequel a reconnu, au cours de son audition par les services de police, avoir attrapé sa compagne par le bras, l'avoir giflée et l'avoir insultée à leur domicile mais également sur le lieu de travail de celle-ci, devant ses collègues. Si la compagne du requérant est finalement revenue sur ses déclarations en raison de pressions familiales, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la suite des faits survenus le 22 mars 2022, le couple se serait réuni alors que Mme C... avait déclaré, le 22 mars 2022, aux services de police, que le couple était séparé depuis deux semaines et qu'il continuait à partager le même appartement dans l'attente de trouver un nouveau logement. Si M. B... produit de nombreuses fiches de paie attestant qu'il a occupé divers emplois dans la restauration et s'il se prévaut de la présence en France de son frère, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouverait désormais en France alors qu'il est célibataire et sans charge de famille et n'établit, ni même n'allègue être isolé en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Dès lors, pour ces seuls motifs, et alors même que la présence en France de M. B... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, dans les circonstances de l'espèce, prononcer à l'encontre du requérant une obligation de quitter le territoire français sans méconnaître ni les stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien précité, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, la décision litigieuse, qui vise l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'administration peut décider que l'étranger est obligé de quitter le territoire français sans délai s'il existe un risque qu'il ne se soustraie à cette obligation et que M. B... ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes dès lors que, s'il dispose d'un document de voyage en cours de validité et a déclaré un lieu de résidence, il n'apporte pas la preuve d'y demeurer de manière stable et effective et qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour. Dès lors, la décision refusant à l'intéressé un délai de départ volontaire comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à examen sérieux de la situation de l'intéressé.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
11. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que M. B... ne justifiait pas de garantie de représentation suffisante. Contrairement à ce que soutient le requérant, le logement qu'il occupait avec son ancienne compagne, Mme C..., ne pouvait être regardé comme une résidence effective et permanente compte tenu des faits survenus le 22 mars 2022 et de la séparation du couple. Si le requérant se prévaut d'une domiciliation chez son frère, cette adresse ne peut davantage être regardée comme permanente. Dès lors, le préfet pouvait, pour ce seul motif, considérer qu'il existe un risque que M. B... ne se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et lui refuser un délai de départ volontaire
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
13. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise sur le fondement de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis ayant préalablement refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire. Pour motiver la durée de vingt-quatre mois de la mesure en litige, le préfet a relevé que l'intéressé séjourne en France depuis 2015, qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France, que s'il indique vivre en concubinage, il n'en justifie pas et ne peut justifier de l'absence d'attaches dans son pays d'origine et qu'enfin sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été interpellé pour des faits de violences habituelles sur conjoint et qu'il est connu au fichier des empreintes digitales pour des faits d'entrée irrégulière en France. Dès lors, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois est suffisamment motivée.
14. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 7 du présent arrêt, si M. B... réside en France depuis l'année 2015 et y a occupé divers emplois dans le domaine de la restauration, il ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français dès lors qu'il est séparé de sa compagne depuis le mois de mars 2022 à la suite de faits de violence qu'il a, en partie, reconnus. Il ne justifie pas entretenir de relations avec son frère ni être isolé en Algérie. Ainsi, alors même que la présence en France de M. B... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, en fixant à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre du requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 22 juin 2023 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.
La rapporteure,
N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03120 2