Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., épouse B..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2117029 du 1er juin 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Besse, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 14 octobre 2021 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., ressortissante marocaine, née en 1983, a sollicité le 31 mars 2021 son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 14 octobre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... épouse B... fait appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse B..., qui a épousé un compatriote en France le 27 octobre 2018, justifie de l'existence d'une vie commune avec celui-ci sur le territoire français depuis le 2 septembre 2015, date à laquelle une fille est née de leur union, soit depuis un peu plus de six ans à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort également des pièces du dossier que leur enfant est scolarisée sur le sol national depuis le mois d'octobre 2018 et que l'époux de la requérante est en situation régulière à la date de l'arrêté attaqué. Eu égard à cette situation familiale ainsi qu'à la durée et aux conditions du séjour de Mme A... épouse B... sur le territoire national, l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du 14 octobre 2021 par lesquelles le même préfet a obligé Mme A... épouse B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de Mme A... épouse B..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à celle-ci une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A... épouse B....
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2117029 du Tribunal administratif de Montreuil du 1er juin 2023 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 14 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... épouse B... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme A... épouse B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... épouse B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02891