La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2024 | FRANCE | N°22PA03372

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2024, 22PA03372


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016.



Par un jugement n° 2010301/1-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la Cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 juillet 2022, 16 novembre 2022 et 5 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2010301/1-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 juillet 2022, 16 novembre 2022 et 5 janvier 2023, la société Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier, représentée par Me Albert, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions supplémentaires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens.

Elle soutient que :

- elle ne constitue pas une holding mixte dès lors qu'elle réalise exclusivement une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les recettes analysées par le service comme des produits financiers correspondent au surplus de trésorerie des sociétés civiles de construction vente créées pour chaque programme immobilier, dont elle assure l'entière gestion ; les sociétés civiles de construction vente sont un outil de gestion commerciale destiné à isoler le résultat de chaque programme immobilier, et non un investissement financier ;

- elle ne peut être soumise à la taxe sur les salaires en raison de l'organisation même de son activité, d'une part, et de l'absence d'affectation de dirigeants et de salariés à une activité financière, d'autre part ;

- en l'absence de salariés affectés à un secteur financier, ses dirigeants ne peuvent être présumés affectés à ce secteur dès lors qu'il n'y a aucun salarié pour exécuter leurs directives ;

- le service a méconnu les énonciations du paragraphe 195 de l'instruction administrative référencée BOI-TPS-TS-20-30 ;

- son assujettissement à la taxe sur les salaires porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 octobre 2022 et 27 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de la société requérante tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 16 janvier 2023.

Par une ordonnance du 16 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2023 à 12 heures.

Un mémoire et des pièces, enregistrées le 16 février 2024, ont été produits pour la société Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier en réponse à une mesure d'instruction adressée par la Cour, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à la société requérante le 13 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier (ci-après la société COFFIM ou société requérante) réalise des programmes immobiliers par l'intermédiaire de sociétés civiles de construction vente (SCCV). A la suite d'une vérification de sa comptabilité et d'un contrôle sur pièces portant respectivement sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et sur celle du 1er janvier au 31 décembre 2016, l'administration fiscale, qui a considéré que la société COFFIM exerçait une activité de holding mixte, a mis à sa charge des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2014, 2015 et 2016, en incluant dans l'assiette de cette taxe les rémunérations de son directeur général, de son directeur général délégué et de son directeur administratif et financier, pour les années 2014 et 2015, et celles de son directeur général et de son directeur général délégué pour l'année 2016. La société COFFIM fait appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces rappels de taxe.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe [sur les salaires] (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) [et] qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée / (...) ".

3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Doivent être regardées comme relevant de secteurs différents, pour l'exercice des droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, des activités qui mettent en œuvre des cycles distincts d'opérations, effectuées avec un personnel et des techniques propres à chacun d'eux. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

4. D'autre part, selon l'article 239 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, les SCCV " sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations " et " leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés ". Aux termes de l'article 8 de ce code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " (...) les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) ". Aux termes de l'article 218 bis du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues [à l'article 8], en qualité d'associées en nom (...) de sociétés visées [audit article] ". Il résulte de ces dispositions qu'une société passible de l'impôt sur les sociétés est soumise à cet impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elle détient en qualité de membre d'une SCCV lorsque celle-ci n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.

5. Enfin, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

6. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des contrôles dont la société COFFIM a fait l'objet, l'administration fiscale a considéré que cette société était, au titre des années d'imposition en litige, une holding avec deux secteurs d'activités dont l'un, à caractère financier, comprenait la gestion de ses participations financières dans les SCCV dont elle détient des parts sociales, et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la gestion et l'animation de ces SCCV, qu'elle était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée, pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires, et qu'elle était, ainsi, passible de la taxe sur les salaires au titre des années 2014, 2015 et 2016.

7. Toutefois, les quotes-parts des bénéfices réalisés entre 2014 et 2016 par les SCCV, dont il est constant qu'elles n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, ne constituent pas des dividendes pour la société COFFIM dès lors que ces sociétés civiles, dans lesquelles elle détient des parts, ne procèdent pas à des distributions, mais doivent être regardées comme des quotes-parts de résultats enregistrés dans le compte 755000 résultant d'une activité immobilière soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'une autre partie du chiffre d'affaires de la société requérante ne serait pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, l'intégralité de ce chiffre d'affaires doit être regardé comme passible de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années d'imposition en litige et, par suite, la société COFFIM est fondée à soutenir que c'est à tort que le service a considéré qu'elle entrait dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur les salaires en 2014, 2015 et 2016.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société COFFIM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, et à demander à être déchargée, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société COFFIM et non compris dans les dépens. En revanche, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des dépens ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées dès lors que la présente instance n'a donné lieu à aucuns dépens à la charge de la société requérante.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2010301/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 21 juin 2022 est annulé.

Article 2 : La société COFFIM est déchargée des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la société COFFIM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COFFIM est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Compagnie Foncière et Financière d'Investissement Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03372
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL L&A

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22pa03372 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award