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27/03/2024 | FRANCE | N°22PA03027

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2024, 22PA03027


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Therabel Lucien Pharma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à hauteur de 18 204 euros et le remboursement de la même taxe versée pour les années 2016 et 2017 pour un montant total de 32 450 euros.



Par un jugement no 2008395/1-2 du 24 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, la société Therabel Lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Therabel Lucien Pharma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à hauteur de 18 204 euros et le remboursement de la même taxe versée pour les années 2016 et 2017 pour un montant total de 32 450 euros.

Par un jugement no 2008395/1-2 du 24 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, la société Therabel Lucien Pharma, représentée par Ascott associés SELARL, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008395/1-2 du 24 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution partielle de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a versée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, à hauteur de 18 024 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, à hauteur de 32 453 euros ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les remises accordées aux caisses d'assurance maladie lorsqu'elle leur vend des médicaments remboursés doivent être admises en déduction du chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les taxes et contributions versées ont été acquittées en remplacement des remises en question et doivent être admises en déduction du chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- ces taxes viennent in fine réduire la contrepartie perçue alors que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée impose que l'assiette de la taxe ne puisse pas excéder la contrepartie réellement perçue par le contribuable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation de la société requérante, en tant qu'elle porte sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, était tardive pour avoir été présentée postérieurement à l'expiration du délai prévu au b) de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales ;

- les conclusions de la requête sont irrecevables en tant qu'elles portent sur des montants supérieurs aux dégrèvements sollicités dans la réclamation préalable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 6 février 2024 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Therabel Lucien Pharma tendant à ce que la Cour prononce la décharge partielle de la taxe sur la valeur ajoutée versée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 dès lors que la demande adressée à l'administration a été présentée en application de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales et qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt d'apprécier l'usage fait par l'administration de son pouvoir de prononcer des dégrèvements d'office (cf. décision du Conseil d'Etat du 19 juin 2017, n° 403096).

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Therabel Lucien Pharma exerce une activité de fabrication et de commerce de gros de produits pharmaceutiques pour la France. Elle a sollicité, par un courrier du 19 décembre 2019, le dégrèvement d'office, sur le fondement de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales, de la taxe sur la valeur ajoutée versée au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 ainsi que la restitution partielle de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018. Cette demande a été rejetée par l'administration fiscale par une décision du 14 avril 2020. La société Therabel Lucien Pharma fait appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle de cette taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée versée par la société Therabel Lucien Pharma et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 267 du même code : " I. - Sont à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. (...) / II. - Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ; (...) ".

3. Aux termes de l'article 90 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres. / 2. En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1. ".

4. Aux termes de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale : " Les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux peuvent s'engager collectivement par une convention nationale à faire bénéficier la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés d'une remise sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. / Elles peuvent s'engager individuellement par des conventions ayant le même objet. / Ces conventions, individuelles ou collectives, déterminent le taux de ces remises et les conditions auxquelles se trouve subordonné leur versement qui présente un caractère exceptionnel et temporaire. Elles peuvent notamment contribuer au respect d'objectifs relatifs aux dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités. / Ces conventions sont conclues entre, d'une part, le comité visé à l'article L. 162-17-3, et, d'autre part, soit une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de la profession, soit une entreprise. Lorsqu'il traite des remises, le comité respecte l'ensemble des obligations relatives au secret en matière commerciale et industrielle. Les remises sont recouvrées par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les prix nets, tarifs nets ou coûts nets s'entendent déduction faite de ces remises. (...) ". Aux termes de l'article L. 138-19-4 du même code en vigueur jusqu'au 25 décembre 2016 : " Les entreprises redevables de la contribution qui, en application des articles L. 162-16-4 à L. 162-16-5 et L. 162-16-6, ont conclu avec le Comité économique des produits de santé, pour l'ensemble des médicaments de la liste mentionnée au second alinéa de l'article L. 138-19-1 qu'elles exploitent, une convention en cours de validité au 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle la contribution est due et conforme aux modalités définies par un accord conclu, le cas échéant, en application du premier alinéa de l'article L. 162-17-4 peuvent signer avec le comité, avant le 31 janvier de l'année suivant l'année civile au titre de laquelle la contribution est due, un accord prévoyant le versement sous forme de remise, à un des organismes mentionnés à l'article L. 213-1 désigné par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, de tout ou partie du montant dû au titre de la contribution. Les entreprises exploitant les médicaments de la liste précitée bénéficiant d'une autorisation prévue à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique ou pris en charge en application de l'article L. 162-16-5-2 du présent code, dont le syndicat représentatif est signataire de l'accord mentionné au premier alinéa de l'article L. 162-17-4, peuvent également signer avec le comité un accord prévoyant le versement de remises. / Une entreprise signataire d'un accord mentionné au premier alinéa du présent article est exonérée de la contribution si la remise qu'elle verse en application de cet accord est supérieure ou égale à 90 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution. ".

5. Il résulte de l'article 90 de la directive 2006/112/CE, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt C-462/16 du 20 décembre 2017, que les remises accordées par une entreprise pharmaceutique à un organisme d'assurance-maladie entraînent une réduction de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée en faveur de cette entreprise pharmaceutique lorsque cet organisme rembourse à ses assurés le prix d'achat des produits pharmaceutiques.

6. D'une part, il est constant que la société Therabel Lucien Pharma a versé au titre des périodes en litige les contributions prévues par les articles L. 245-1, L. 138-1, L. 245-5-5-1, L. 138-10 et L. 137-30 du code de la sécurité sociale. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces contributions, qui constituent des prélèvements obligatoires, ne peuvent être regardées comme des remises, au sens et pour l'application des dispositions précitées du 1. du II l'article 267 du code général des impôts, qui seraient déductibles de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée. La société Therabel Lucien Pharma ne saurait donc utilement soutenir avoir versé lesdites contributions " en remplacement " de remises. La circonstance que les entreprises pharmaceutiques qui versent des remises en vertu d'une convention conclue avec le comité économique des produits de santé puissent, à certaines conditions, obtenir une exonération partielle ou totale de certaines contributions versées en application du code de la sécurité sociale, n'a pas pour effet de donner à ces contributions le caractère de remises. Si elle soutient verser des remises aux caisses d'assurance maladie lorsqu'elle leur vend des médicaments remboursés, elle ne justifie ni de la conclusion d'une convention en application des articles L. 162-18 et L. 138-19-4 du code de la sécurité sociale, ni même du versement de ces remises.

7. D'autre part, la société Therabel Lucien Pharma soutient qu'en application du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, les contributions versées doivent nécessairement être déduites de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que cette base ne peut excéder la contrepartie qu'elle a réellement perçue. Toutefois, les contributions versées par la société requérante en application des dispositions du code de la sécurité sociale, citées au point 6 du présent arrêt, n'ont eu aucun effet sur la contrepartie versée à la société par les caisses d'assurance maladie.

Sur les dépens de l'instance :

8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête ou de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ". La présente instance n'ayant pas comporté de tels frais, les conclusions de la société requérante tendant à l'application de cet article ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Therabel Lucien Pharma et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Therabel Lucien Pharma est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Therabel Lucien Pharma et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme A..., président-assesseure ;

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03027
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : ASCOTT ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22pa03027 ?
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