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27/03/2024 | FRANCE | N°21PA05257

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2024, 21PA05257


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le centre hospitalier territorial (CHT) Gaston-Bourret à lui verser la somme de 169 595 035 francs CFP en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis.



Par un jugement n° 2100074 du 29 juin 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des

mémoires, enregistrés les 28 septembre 2021, 21 juillet 2022 et 5 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Affoué, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le centre hospitalier territorial (CHT) Gaston-Bourret à lui verser la somme de 169 595 035 francs CFP en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 2100074 du 29 juin 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 septembre 2021, 21 juillet 2022 et 5 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Affoué, demande à la Cour :

1°) d'ordonner une expertise avant dire-droit ;

2°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2021 ;

3°) de condamner le CHT Gaston-Bourret à lui verser la somme, à parfaire, de 201 595 035 francs CFP ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts, en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de condamner le CHT Gaston-Bourret à lui verser la somme de 300 000 francs CFP dont elle a demandé en première instance le versement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge du CHT Gaston-Bourret une somme de 600 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé ;

- ses créances antérieures au 13 mai 2014 ne sont pas prescrites ;

- les accidents reconnus imputables au service dont elle a été victime entre 2002 et 2014 doivent entraîner l'engagement de la responsabilité du CHT Gaston-Bourret, soit sur le fondement de la faute, soit sur celui du risque ;

- elle doit être indemnisée des préjudices subis avant la consolidation de son état de santé le 7 mai 2020, à hauteur de 20 000 000 francs CFP au titre des souffrances physiques et morales, de 2 652 290 francs CFP au titre des pertes de gains professionnels, de 376 690 francs CFP au titre des dépenses de santé non remboursées, de 30 061 056 francs CFP au titre des frais d'assistance par une tierce personne, de 2 000 000 francs CFP au titre des frais engendrés par l'adaptation de son logement à son handicap, de 2 900.000 francs CFP au titre des frais engagés pour l'achat d'un véhicule adéquat, de 199 899 francs CFP francs au titre des frais exposés pour l'acquisition d'un lit électrique, de 10 000 000 francs CFP au titre du préjudice esthétique et de 10 000 000 francs CFP francs au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- elle doit être également indemnisée des préjudices subis après la consolidation de son état de santé, à hauteur de 40 034 700 francs CFP au titre de la perte de gains professionnels futurs, de 5 000 000 francs CFP au titre des dépenses de santé futures, de 3 000 000 francs CFP au titre des frais complémentaires qui seront nécessaires pour adapter son logement, de 46 970 400 francs CFP au titre de l'assistance future par une tierce personne, de 23 400 000 francs CFP au titre du déficit fonctionnel permanent, de 2 000 000 francs CFP au titre du préjudice sexuel, de 2 000 000 francs CFP au titre du préjudice d'agrément et de 1 000 000 francs CFP au titre du préjudice d'établissement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 décembre 2021 et 26 août 2022, le CHT Gaston-Bourret, représenté par Me Descombes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les créances antérieures au 13 mai 2014, dont la requérante se prévaut, sont prescrites ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), à qui la procédure a été communiquée, n'a présenté aucune observation.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a omis de mettre en cause d'office la CAFAT, à laquelle Mme B... était affiliée, aux fins de l'exercice éventuel par cette caisse de l'action instituée à l'article 44 de la délibération n° 145 du 29 janvier 1969 instituant un régime d'assurance-maladie invalidité au profit des travailleurs salariés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la délibération n° 145 du 29 janvier 1969 ;

- l'arrêté n° 75-157/CG du 14 avril 1975 ;

- la loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 ;

- la délibération n° 352 du 7 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- les observations de Me Athon-Perez, substituant Me Affoué, avocate de Mme B...,

- et les observations de Me Chaudry, substituant Me Descombes, avocate du CHT Gaston-Bourret.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière en soins généraux relevant du statut particulier du cadre des personnels paramédicaux de Nouvelle-Calédonie et exerçant au sein du CHT Gaston-Bourret (Nouvelle-Calédonie), a été victime, entre 2002 et 2014, de plusieurs accidents qui ont été tous reconnus imputables au service par des décisions devenues définitives. Estimant que Mme B... était dans l'impossibilité de continuer à exercer ses fonctions en raison de son état de santé, le directeur du CHT Gaston-Bourret a demandé au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, par un courrier du 30 octobre 2019, de saisir la commission d'aptitude sur la situation de l'intéressée. Par une délibération du 18 août 2020, la commission d'aptitude a estimé que Mme B... était inapte de manière totale et définitive à tout emploi compte tenu de son état de santé et lui a reconnu un taux d'invalidité permanente partielle de 65 %. Par un arrêté du 15 septembre 2020, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a accordé à l'intéressée un taux d'invalidité permanente partielle fixé à 65 %, puis, par un arrêté du 22 octobre 2020, l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir à compter du 1er novembre 2020. Par un arrêté du 27 octobre 2020, la directrice de la caisse locale de retraites de Nouvelle-Calédonie lui a concédé une pension de retraite pour inaptitude définitive de servir ainsi qu'une rente d'invalidité dont le taux est fixé à 65 %. Estimant que les préjudices qu'elle a subis du fait des accidents de service dont elle a été victime n'ont pas été intégralement réparés par la pension de retraite et la rente d'invalidité qui lui ont été allouées à la suite de son admission à la retraite, Mme B... a demandé, le 29 décembre 2020, au directeur du CHT Gaston-Bourret de lui verser une indemnité de 100 000 000 francs CFP en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux et patrimoniaux, non réparés forfaitairement par sa rente d'invalidité et sa pension de retraite. Après le rejet de sa réclamation le 11 janvier 2021, Mme B... a porté le litige devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui, par un jugement du 29 juin 2021, a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 44 de la délibération n° 145 du 29 janvier 1969 instituant un régime d'assurance-maladie invalidité au profit des travailleurs salariés, dont les dispositions ne sont pas contraires à celles de la loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, [la CAFAT] est [subrogée] de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses qui lui occasionne l'accident ou la blessure / L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer [en tout état de] la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident / La victime, ou ses ayants droit, doivent appeler la [CAFAT] en déclaration de jugement commun ou réciproquement / A défaut de l'indication de la qualité de l'assuré social ou de l'appel en déclaration de jugement commun, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle le ledit jugement est devenu définitif soit à la requête du ministère public, soit à la demande de [la CAFAT] / L'assuré ou ses ayants droit conservent contre le tiers responsable tous droits de recours en réparation du préjudice causé sauf en ce qui concerne les dépenses de la [CAFAT] / Le règlement amiable pouvant intervenir entre le tiers et l'assuré, ne peut être opposé à [la CAFAT] qu'au tant que [celle-ci] a été [invitée] à y participer par lettre recommandée et ne devient définitif que quinze jours après l'envoi de cette lettre / Lorsque le tiers responsable ou sa Compagnie d'Assurances ont versé l'indemnité à leur charge et lorsque les droits ont été ouverts, l'assuré est considéré comme ayant bénéficié des prestations, même si [la CAFAT] ne les a pas versées effectivement ".

3. En vertu de ces dispositions, dans leur rédaction applicable à la date du jugement attaqué, la CAFAT qui est tenue de servir à l'assuré ou à ses ayants droit des prestations, est admise à en poursuivre le remboursement auprès du tiers responsable. Il appartient ainsi au juge administratif, qui dirige l'instruction, de mettre en cause la CAFAT qui a servi des prestations à un assuré social, victime d'un accident dont il impute la responsabilité à un tiers. A la suite de cette mise en cause, la CAFAT devient partie à l'instance engagée par son assuré. Il appartient dès lors au juge administratif de relever, le cas échéant, en appel qu'en ne communiquant pas la demande de l'assuré ou de ses ayants droit à la CAFAT, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité.

4. En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qu'en ayant omis de mettre en cause d'office la CAFAT en vue de l'exercice par celle-ci de l'action susmentionnée, les premiers juges ont méconnu la portée des dispositions de l'article 44 de la délibération n° 145 du 29 janvier 1969. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité soulevé par la requérante, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée par le CHT Gaston-Bourret :

6. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, applicable, notamment, aux établissements publics territoriaux de la Nouvelle-Calédonie en vertu du II de l'article 11 de la même loi : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement / (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) ".

7. S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime.

8. La consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription fait obstacle à l'indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation. Le délai de prescription de l'action tendant à la réparation d'une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s'est elle-même trouvée consolidée.

9. Il résulte de l'instruction que Mme B... a successivement subi un premier lumbago le 11 novembre 2002, un second lumbago le 28 mars 2003, une dorsalgie le 17 septembre 2003, une entorse de l'épaule droite le 3 mars 2004, un traumatisme intercostal et lombaire à l'occasion d'un trajet le 17 septembre 2007, une raideur lombaire le 13 novembre 2011, et un accident vasculaire cérébral le 30 juin 2014.

10. Si, dans son expertise médicale du 7 mai 2020, le docteur A..., qui a été désigné par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour procéder à l'examen de Mme B..., a relevé que l'état de santé de Mme B... consécutif aux accidents de service survenus les 11 novembre 2002, 28 mars 2003, 17 septembre 2003, 3 mars 2004, 17 septembre 2007 et 13 novembre 2011, peut être considéré comme consolidé à la date du 7 mai 2020, il résulte cependant de l'instruction qu'après chacun des arrêts de travail survenus entre 2002 et 2011, la requérante a repris son activité. Dès lors que la reprise d'activité professionnelle d'un fonctionnaire consécutive à un accident de service fait présumer que son état de santé était consolidé à la date de reprise de son service, il résulte de l'instruction que le droit à réparation des préjudices dont se prévaut l'intéressée doit être regardé comme acquis en 2002, s'agissant de l'accident de service du 11 novembre 2002, en 2003, s'agissant des accidents de service des 28 mars 2003 et 17 septembre 2003, en 2006, s'agissant de l'accident de service du 3 mars 2004 qui a conduit à une rechute le 15 décembre 2005, en 2008, s'agissant de l'accident de service du 17 septembre 2007, et en 2014, s'agissant de l'accident de service du 13 novembre 2011 qui a conduit à une rechute le 17 janvier 2014. En application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le délai de prescription a commencé à courir, respectivement, au 1er janvier 2003, 1er janvier 2004, 1er janvier 2007, 1er janvier 2009 et 1er janvier 2015. La réclamation indemnitaire de Mme B..., qui n'a été présentée que le 29 décembre 2020, n'a pas interrompu le cours de la prescription quadriennale. Par suite, le CHT Gaston-Bourret est fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale aux créances dont la requérante réclame le paiement au titre des accidents de service des 11 novembre 2002, 28 mars 2003, 17 septembre 2003, 3 mars 2004, 17 septembre 2007 et 13 novembre 2011.

11. Il résulte de ce qui précède que seule la réparation des préjudices que Mme B... estime avoir subis du fait de son accident vasculaire cérébral survenu le 30 juin 2014, et qu'elle impute au CHT Gaston-Bourret, n'est pas atteinte par la prescription quadriennale, la date de consolidation de son état de santé ayant été fixée au 7 mai 2020.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du CHT Gaston-Bourret :

12. Aux termes de l'article Lp. 252-1 du code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie : " L'agent qui a été mis dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées (...) en service (...) / (...) bénéficie (...) d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension [de retraite], sans toutefois que le total de ces deux avantages puisse excéder le montant des émoluments de base déterminés à l'article Lp. 232-2 / Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du minimum vital égale au pourcentage d'invalidité / Le taux d'invalidité est arrêté par autorité détentrice du pouvoir de nomination / La rente d'invalidité est liquidée, concédée et payée dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités que la pension / (...) ".

13. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, citées au point précédent, qui instituent cette prestation, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice en lien avec le service, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

14. Il résulte de l'instruction que Mme B... n'a subi aucun accident au cours de son trajet travail-domicile du 30 juin 2014, alors même que le directeur du CHT Gaston-Bourret a indiqué, dans le courrier de saisine de la commission d'aptitude en date du 30 octobre 2019, que l'intéressée avait appelé, à mi-parcours de son trajet, une collègue de travail pour lui signaler qu'elle ne se sentait pas bien, d'une part, que sa collègue l'a retrouvée inanimée à son domicile, d'autre part, et qu'enfin, son médecin traitant, qui s'est immédiatement rendu sur les lieux, l'a fait hospitaliser le jour même au service de neurologie du CHT Gaston-Bourret où été diagnostiqué un accident vasculaire cérébral. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué par la requérante, que son accident vasculaire cérébral trouverait son origine dans les conditions du service, surtout que les éléments médicaux produits par Mme B... font apparaître que celle-ci souffrait depuis de nombreuses années d'un tabagisme important, de diabète et d'obésité, ces circonstances constituant des facteurs de risque importants de nature à favoriser la survenance d'un accident vasculaire cérébral, et qu'il existe une hérédité cardiovasculaire sévère chez ses deux parents. Dans ces conditions, et alors même que le directeur du CHT Gaston-Bourret a considéré, par une décision du 25 juillet 2014, devenue définitive, que Mme B... avait été victime le 30 juin 2014 d'un accident de trajet qu'il a reconnu imputable au service, il n'est pas établi, comme le fait valoir le CHT Gaston-Bourret, que la survenance de l'accident vasculaire cérébral de Mme B... serait imputable au service sur le terrain de la responsabilité sans faute.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du CHT Gaston-Bourret :

15. Si Mme B... entend engager la responsabilité du CHT Gaston-Bourret sur le terrain de la faute, elle ne se prévaut toutefois d'aucune faute à l'appui de ses conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de son accident vasculaire cérébral.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHT Gaston-Bourret, ni d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit, que Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation du CHT Gaston-Bourret à lui verser une indemnité en réparation des divers préjudices dont elle se prévaut.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHT Gaston-Bourret, qui n'est pas la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le CHT Gaston-Bourret, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100074 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 29 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du CHT Gaston-Bourret présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au directeur du centre hospitalier territorial Gaston-Bourret et au directeur général de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05257
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : AFFOUE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;21pa05257 ?
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