Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2102696 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2023, Mme C... épouse B..., représentée par Me Ngeleka, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102696 du 8 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui renouveler son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 59 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une décision du 23 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme C... épouse B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les observations de Me Ngeleka, avocat de Mme C... épouse B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse B..., ressortissante dominicaine née le 29 avril 1973 et entrée sur le territoire français le 19 septembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour Schengen, a sollicité le 14 août 2019 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de Français. Elle relève appel du jugement du 8 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination et demande l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour refuser de faire droit à la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par Mme C... épouse B... le 14 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu que la communauté de vie affective et matérielle de l'intéressée avec son époux français avait cessé.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (...) ".
4. Mme C... épouse B... ne conteste pas avoir rompu la communauté de vie avec son époux mais fait valoir qu'elle a été victime de violences conjugales de sa part. Or, il ressort des pièces concordantes qu'elle produit, à savoir les deux procès-verbaux de dépôt de plainte au commissariat de police de Cayenne, l'un du 28 avril 2017 pour des faits de violences volontaires sur concubine commises en pleine rue et l'autre du 4 mai 2017 déposé alors qu'elle était accompagnée de son éducatrice spécialisée et qui fait état de menace de mort le 30 avril 2017, d'injection forcée de produits et de viol commis le 24 mars 2017 ainsi que du courrier de dépôt de plainte au procureur de la République du 1er mars 2019 pour " intention d'assassinat ", du courrier adressé au président de la République française, non daté, faisant état des craintes pour sa vie du fait des menaces qu'elle impute à son époux ainsi que du certificat médical daté du 30 décembre 2015 dressé après une consultation pour agression et constatant une ecchymose face dorsale bras droit, une déformation de l'avant-bras et une impotence fonctionnelle main droite, qu'elle établit la matérialité des violences conjugales dont elle se prévaut. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de faire droit à la demande de renouvellement de titre de séjour déposée par Mme C... épouse B.... Le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi fondé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et sur les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. La présente décision implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme C... épouse B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de renouveler son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
7. Mme C... épouse B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ngeleka, avocat de Mme C... épouse B..., de la somme de 1 500 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2102696 du 8 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de renouveler le titre de séjour de Mme C... épouse B... sur le fondement de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ngeleka, avocat de Mme C... épouse B..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
C. Vrignon-Villalba
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01180