Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 243 020 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 4 novembre 2013.
Par un jugement n° 1904949 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Bijaoui, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 243 020 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 4 novembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard dès lors que l'accident dont il a été victime le 4 novembre 2013 trouve son origine dans le défaut d'entretien normal d'une barrière de sécurité autoroutière qui n'était pas cadenassée et qui s'est soudainement ouverte au passage de son véhicule ; la circonstance que l'équipe d'intervention n'a pas constaté d'anomalie sur cet ouvrage public lors de son passage quelques heures plus tôt n'est pas de nature à établir l'entretien normal de cette barrière de sécurité autoroutière ; il n'a commis aucune faute de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité ;
- il est fondé à solliciter la réparation de ses préjudices, pour un montant total de 243 020 euros, réparti comme suit :
. 2 520 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne avant la consolidation de son état de santé fixée par l'expert judiciaire au 31 janvier 2017 ;
. 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;
. 37 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
. 150 000 euros au titre de la perte de revenus ;
. 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
. 15 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Par un mémoire enregistré le 14 février 2023 et complété par des pièces le 21 février 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, représentée par Me Nemer, demande à la cour :
1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 005,39 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de M. B... pour défaut d'entretien normal d'une barrière de sécurité autoroutière ;
- le montant total des prestations qu'elle a versées pour le compte de son assuré s'élève à 203 500,85 euros, soit 10 413,99 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 30 591,40 euros au titre des arrérages échus du 3 janvier 2020 au 7 février 2023 et de 162 495,46 euros au titre des arrérages à échoir de la rente d'accident de travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il renvoie aux écritures de première instance du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Par une ordonnance n° 1708003 du 30 août 2018, la présidente du tribunal administratif de Montreuil a liquidé et taxé les frais et honoraires du professeur A... à la somme de 1 400 euros, ce qui correspond au montant de l'allocation provisionnelle accordée par une ordonnance du 22 décembre 2017.
Par courrier du 26 février 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a été omis de se prononcer d'office sur la charge des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil le 8 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 3 au 4 novembre 2013, alors qu'il conduisait un véhicule de la société dont il était le gérant, M. B... a été victime d'un accident sur la bretelle située entre les autoroutes A1 et A3 à Aulnay-sous-Bois qu'il impute à l'ouverture soudaine d'une barrière autoroutière, qui lui a notamment occasionné une fracture ouverte de la main gauche. Par une ordonnance du 8 décembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a ordonné, afin de déterminer l'étendue de ses préjudices, la désignation d'un expert médical qui a remis son rapport le 23 juillet 2018. Par un courrier du 20 février 2019, M. B... a adressé au ministre de la transition écologique et solidaire une demande indemnitaire préalable qui a été implicitement rejetée. Par un jugement du 6 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 243 020 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de l'accident du 4 novembre 2013. La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser la somme de 41 005,39 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil le 8 décembre 2017 et ont ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Le jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise.
Sur la responsabilité :
3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. M. B... soutient que, alors qu'il circulait sur la bretelle située entre les autoroutes A1 et A3 à Aulnay-sous-Bois, son véhicule a été heurté par une barrière de sécurité autoroutière qui n'étant pas cadenassée, s'est ouverte brusquement du côté gauche de la voie de circulation, a endommagé le pare-brise et une vitre arrière du véhicule et l'a blessé à la main gauche en pénétrant à l'intérieur du véhicule. Pour justifier les circonstances de cet accident, le requérant verse au dossier la fiche d'intervention et de renseignement de la CRS autoroutière nord Ile-de-France établie le 4 novembre 2013 à 1h30, les photographies du véhicule accidenté, le compte-rendu de son hospitalisation et le compte-rendu opératoire du service de chirurgie orthopédique traumatologique et réparatrice de l'hôpital Avicenne de Bobigny du 4 novembre 2013. Si ces pièces permettent d'établir que M. B... a été victime d'un accident sur la bretelle située entre les autoroutes A1 et A3 à Aulnay-sous-Bois le 4 novembre 2013, que son véhicule a été endommagé et qu'il a présenté une fracture ouverte de la main gauche nécessitant une intervention chirurgicale consistant notamment en la pose de broches, elles sont toutefois insuffisantes pour établir les circonstances exactes de l'accident. La fiche d'intervention et de renseignement de la CRS autoroutière nord Ile-de-France comporte, dans la rubrique synthèse des faits, la seule mention que " le conducteur du véhicule percute la barre de sécurité pour fermeture ". Les photographies du véhicule que M. B... indique avoir prises au moment de l'accident, qui ne montrent le véhicule que très partiellement et sur lesquelles la barrière de sécurité apparaît rangée au-dessus de la glissière de sécurité, ne montrent pas que la dite barrière aurait tourné sur son axe, au-delà de 90°, et traversé l'habitacle de l'avant gauche vers l'arrière droit du véhicule, ainsi que M. B... le soutient. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucune absence ou défaillance dans le verrouillage de la barrière de sécurité autoroutière, qui doit être, en dehors de son utilisation, cadenassée à un support et qui ne peut ainsi être verrouillée sans l'intervention d'un agent, n'ont été relevées par les agents d'intervention de la CRS autoroutière nord Ile-de-France le jour de l'accident, ni par les agents de la direction des routes d'Ile de France les jours précédents et suivants, qu'aucun signalement ou plainte n'ont été effectués par d'autres usagers empruntant cette bretelle très fréquentée, ni même par M. B... après sa convalescence. En l'état du dossier, notamment en l'absence d'éléments suffisamment probants et précis sur les circonstances de l'accident et l'imputabilité directe et certaine de celui-ci à une ouverture soudaine de la barrière de sécurité autoroutière, le requérant n'établit pas que les préjudices subis à l'occasion de son accident sont imputables à un défaut d'entretien normal de cet ouvrage public. Par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à ce titre.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis :
6. Le présent arrêt rejetant les conclusions présentées par M. B... tendant à engager la responsabilité de l'Etat du fait de l'accident dont il a été victime dans la nuit du 3 au 4 novembre 2013, la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais engagés pour le compte de M. B... ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais d'expertise :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise médicale, taxés et liquidés à la somme de 1 400 euros par l'ordonnance n° 1708003 du 30 août 2018 de la présidente du tribunal administratif de Montreuil, à la charge définitive de M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demandent au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904949 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les frais d'expertise.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : La demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les frais de l'expertise médicale, taxés et liquidés à la somme de 1 400 euros par l'ordonnance n° 1708003 de la présidente du tribunal administratif de Montreuil du 30 août 2018, sont mis à la charge définitive de M. B....
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
C. Vrignon-Villalba
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05010 2