Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I- Par une requête enregistrée sous le n° 2111420, M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision non datée, mais notifiée le 26 octobre 2021, par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé de modifier ou d'abroger l'arrêté du 25 octobre 2017 portant assignation à résidence. II- Par une requête enregistrée sous le n° 2211265 M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler d'une part, la décision implicite par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 21 juillet 2017 et, d'autre part, l'arrêté d'expulsion de la préfète du Val-de-Marne du 21 juillet 2017 ainsi que l'arrêté fixant le pays de renvoi du 25 juillet 2017. Par un jugement n° 2111420, 2211265 en date du 15 juin 2023 le tribunal administratif de Melun a annulé d'une part, la décision du 26 avril 2023, par laquelle la préfète du Val de Marne a refusé d'abroger l'arrêté du 21 juillet 2017 expulsant M. B... du territoire et d'autre part, la décision non datée notifiée le 26 octobre 2021, par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté précité, et enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la situation administrative de M. B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, la préfète du Val-de-Marne, représentée par Me Termeau, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2111420, 2211265 du 15 juin 2023 précité ; 2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif ; 3°) de mettre à la charge de B... la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le refus d'abrogation serait entaché d'une erreur de droit ; en effet eu égard à la gravité des faits commis par l'intéressé et alors qu'il ne justifie pas d'une vie privée et familiale en France telle que le maintien de l'arrêté d'expulsion en date du 21 juillet 2017 constituerait une atteinte disproportionnée au regard de son droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rien ne justifie l'abrogation de cet arrêté ; - les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Berdugo, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer l'ensemble de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions des articles L. 911- 1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : La décision implicite de refus d'abroger l'arrêté d'expulsion : - est insuffisamment motivée ; - méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - méconnaît l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - méconnaît l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. La décision fixant le pays de renvoi : - méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de refus d'abroger ou de modifier l'assignation à résidence : - est insuffisamment motivée ; - méconnaît la liberté d'aller et venir ; - méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - les autres moyens soulevés par la préfète ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus lors de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - les observations de Me Sauvadet, substituant Me Berdugo, pour M. B... ; - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 11 avril 1981 à Kaspi (Géorgie), est entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2002 pour y solliciter l'asile sous une fausse identité. Cette demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 21 juillet 2017, le préfet du Val-de-Marne a décidé d'expulser M. B... du territoire français au motif que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public. Cette mesure fait suite aux délits commis par l'intéressé sous huit identités différentes, à savoir des faits de vol en réunion le 24 août 2004, de vol en réunion et port prohibé d'arme de 6ème catégorie le 27 octobre 2004, de vol à l'aide d'une effraction du 26 juin 2007 au 6 novembre 2007, de tentative de vol aggravé par deux circonstances et de soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière le 9 janvier 2008, de tentative de vol en réunion le 2 avril 2011, de tentative de vol aggravé par deux circonstances, participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance du 11 mai 2012 au 19 avril 2013, et de tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance le 6 février 2013. M. B... a ainsi fait l'objet de plusieurs condamnations, notamment, le 1er février 2008, par un jugement du tribunal correctionnel de Créteil à une peine de deux ans d'emprisonnement, le 21 mai 2008, par un jugement du tribunal correctionnel de Paris à une peine de deux ans d'emprisonnement, et le 10 juillet 2014, par un jugement du tribunal correctionnel de Paris, à une peine de six années d'emprisonnement. La légalité de l'arrêté d'expulsion a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Melun n° 1706159 du 17 novembre 2017. Par courrier en date du 23 juin 2022, reçu par la préfecture du Val-de-Marne le 27 juin 2022, M. B... a sollicité l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, dans le cadre du réexamen quinquennal prévu par les dispositions de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande rejetée implicitement le 21 septembre 2022. Il a renouvelé sa demande d'abrogation par courrier du 21 novembre 2022. 2. Par un arrêté du 25 octobre 2017, le préfet du Val-de-Marne a assigné à résidence M. B... et lui a fait obligation de pointer deux fois par jour au commissariat de Vincennes en lui interdisant de quitter le territoire du département sans autorisation expresse. Par courrier daté du 7 septembre 2020, reçu en préfecture le 9 septembre suivant, le conseil de M. B... a tout d'abord sollicité, à titre principal, l'abrogation de l'assignation à résidence et à titre subsidiaire, la modification de l'obligation de pointage. Ce même conseil a relancé les services préfectoraux par courriels les 19 janvier, 10 février et 6 mai 2021, puis par courrier le 14 juin 2021 afin que le requérant puisse obtenir une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Par une décision, non datée, notifiée le 26 octobre 2021, la préfète du Val-de-Marne, après avoir réexaminé la situation de M. B..., a maintenu son refus d'abrogation ou de modification de l'arrêté du 25 octobre 2017. 3. Par un jugement n° 2111420, 2211265 en date du 15 juin 2023 dont la préfète interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a annulé d'une part, la décision du 26 avril 2023, qui s'est substituée à la décision de refus implicite de refus d'abrogation du 21 septembre 2022 mentionnée ci-dessus, par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté du 21 juillet 2017 expulsant M. B... du territoire et, d'autre part, la décision non datée, notifiée le 26 octobre 2021, par laquelle la préfète du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté d'assignation à résidence du 25 octobre 2017, et enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la situation administrative de M. B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. 4. D'une part, aux termes l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4, les motifs de la décision d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de sa date d'édiction. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, les changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de cette décision. L'étranger peut présenter des observations écrites. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission mentionnée à l'article L. 632-1 ". 5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée, en tenant compte des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion qu'il présente. Le juge de l'excès de pouvoir doit notamment examiner la situation de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 8 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 7. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a fait l'objet, le 21 juillet 2017, d'un arrêté de la préfète du Val-de-Marne ordonnant son expulsion du territoire français au motif que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public pour avoir commis de nombreux faits de cambriolage mentionnés au point 1 entre le 11 mai 2012 et le 12 avril 2013 qui lui ont valu d'être condamné à six ans d'emprisonnement, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'intéressé se serait rendu coupable d'autre infraction alors que la préfète du Val-de-Marne ne fait état d'aucun autre fait criminel ou délictueux qu'aurait commis M. B... depuis sa sortie de prison, intervenue en juin 2016 et assortie d'un placement sous libération conditionnelle jusqu'au mois de décembre 2017, ni d'aucun autre élément défavorable, hormis son maintien irrégulier sur le territoire. De plus et contrairement à ce que soutient le préfet, l'intéressé justifie, par des documents suffisamment nombreux et probants, qu'il vit et est marié depuis le 17 septembre 2011 avec une ressortissante de nationalité française, fonctionnaire et propriétaire du logement du couple dont sont issus deux enfants, également de nationalité française, nés respectivement les 30 mai 2011 et 2 avril 2013. Par ailleurs, pendant les périodes d'incarcération, les liens entre les époux et avec les enfants ont été maintenus par des visites régulières au parloir y compris pendant les durées de placement sous surveillance électronique qui ont été exécutés au domicile conjugal. De plus, la communauté de vie de la cellule familiale au même domicile fait présumer la contribution de M. B... à l'entretien et l'éducation de ses enfants, qui ressort également de plusieurs attestations et de factures établies à son nom.
8. En outre, dès sa sortie de détention, souhaitant s'insérer dans le monde du travail, il a suivi un stage de professionnalisation auprès de l'association Insertion Service. A l'issue de cette formation, le 13 juin 2017, l'intéressé avait été intégré à cette association pour une durée de vingt-quatre mois, pour occuper des contrats à durée déterminée de postes de manutentionnaire, de manœuvre et/ou d'hommes toutes mains. Depuis lors, il a reçu plusieurs propositions d'embauche de trois sociétés qui n'ont pas abouti en raison de l'absence d'autorisation de travail de l'intéressé. Enfin, il a mis en place auprès du Fonds de Garantie des Victimes un engagement de remboursement, avec un échelonnement mensuel du remboursement des réparations dues. Les mensualités, si elles sont pour l'instant réduites, ont vocation à augmenter dès qu'il aura trouvé un emploi. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, eu égard au caractère ancien des faits commis en 2013 par M. B..., malgré leur gravité, et à la circonstance qu'il ne s'est pas signalé défavorablement depuis la survenance de ces faits ayant motivé en juillet 2017 son expulsion, compte tenu des liens privés et familiaux dont il peut se prévaloir en France, le refus opposé par la préfète du Val-de-Marne d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de l'intéressé le 21 juillet 2017 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations précitées. 9. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 21 juillet 2017, prise le 26 avril 2023, et, par voie de conséquence, la décision, non datée, notifiée le 26 octobre 2021, de refus d'abrogation de l'arrêté d'assignation à résidence du 25 octobre 2017. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la préfète du Val-de-Marne au titre du présent litige et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E :Article 1er : La requête de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.Délibéré après l'audience du 8 mars 2024 à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Hamdi, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 mars 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA03137 2