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21/03/2024 | FRANCE | N°23PA04775

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23PA04775


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de sa fille mineure, D... C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de la vice-consule auprès de l'ambassade de France au Bénin en date du 17 septembre 2021 lui refusant le renouvellement du passeport de sa fille D... C..., ensemble la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté le recours hiérarchique présent

é le 18 novembre 2021 à l'encontre de cette décision.



Par un jugement n° 220...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de sa fille mineure, D... C..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de la vice-consule auprès de l'ambassade de France au Bénin en date du 17 septembre 2021 lui refusant le renouvellement du passeport de sa fille D... C..., ensemble la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté le recours hiérarchique présenté le 18 novembre 2021 à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 2206154 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2023, M. A... C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de sa fille mineure, D... C..., représenté par Me Gabon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206154 du 21 février 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision de la vice-consule auprès de l'ambassade de France au Bénin en date du 17 septembre 2021, remise en mains propres lui refusant le renouvellement du passeport de sa fille D... C..., ensemble la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté le recours hiérarchique présenté le 18 novembre 2021 à l'encontre de cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de lui délivrer le passeport sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elles ne sont pas motivées ;

- elles méconnaissent le principe du contradictoire et les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- elles sont entachées d'erreur de droit dès lors que la nationalité française au regard de la filiation paternelle est parfaitement établie et qu'il ne pouvait pas lui être demandé de produire un certificat de nationalité française pour une demande de renouvellement de passeport ;

- la décision l'informant du rejet de sa demande de certificat de nationalité française ne lui a jamais été transmise par les autorités consulaires ;

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur d'appréciation ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles portent atteinte à la liberté d'aller et venir de sa fille.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2024, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a, le 31 août 2021, sollicité auprès des services consulaires de l'ambassade de France à Cotonou (Bénin) le renouvellement d'un passeport pour sa fille mineure, D... C..., née le 11 août 2007 à Cotonou. La vice-consule près l'ambassade de France ayant rejeté cette demande par une décision du 17 septembre 2021, M. C... a formé contre cette dernière un recours hiérarchique auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui a été réceptionné le 18 novembre 2021, puis rejeté le 7 janvier 2022. L'intéressé a alors demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler tant cette décision de la vice-consule que celle du ministre. Par un jugement du 21 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

2. En premier lieu, si le requérant soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse du 17 septembre 2021, il ressort de la simple lecture du jugement attaqué qu'il comporte, en ses points 4 et 5, une réponse explicite et précise au moyen dont s'agit. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, qui manque en fait, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande ". Aux termes de l'article 30 du code civil : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. ".

4. D'une part, pour l'application des dispositions précitées, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou d'une carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance de passeport ou de carte nationale d'identité.

5. D'autre part, l'administration ne se trouve pas en situation de compétence liée pour exiger la restitution des documents d'identité d'une personne dont la demande de certificat de nationalité française a été rejetée par le directeur des services de greffe d'un tribunal judiciaire, dès lors qu'il lui appartient d'apprécier si, au vu des justificatifs éventuellement présentés par l'intéressé, il existait un doute suffisant sur sa nationalité.

6. Il ressort des pièces du dossier que le certificat de nationalité française sollicité auprès du pôle de la nationalité du tribunal judiciaire de Paris par M. C... pour sa fille D... lui a été refusé par une décision du 22 juillet 2020 du directeur des services du greffe de cette juridiction. En se fondant sur cette seule circonstance pour rejeter la demande de passeport qui lui était présentée, la vice-consule près l'ambassade de France au Bénin a entaché sa décision d'erreur de droit. Il y a donc lieu d'accueillir ce moyen, qui est seul de nature, en l'état du dossier, à fonder l'annulation de la décision litigieuse.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la vice-consule auprès de l'ambassade de France au Bénin en date du 17 septembre 2021 lui refusant le renouvellement du passeport de sa fille D... C..., et de la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique du 18 novembre 2021 dirigé contre cette première décision. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation, tant du jugement attaqué que de ces deux décisions.

8. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard au motif retenu au point 6 pour prononcer l'annulation des décisions litigieuses le prononcé d'une injonction faite au ministre de procéder au réexamen, dans les conditions prévues à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de la demande de délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministère de l'Europe et des affaires étrangères), qui succombe dans la présente instance, le versement au requérant de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2206154 du 21 février 2023 du tribunal administratif de Paris, la décision de la vice-consule auprès de l'ambassade de France au Bénin en date du 17 septembre 2021 refusant à M. B... C... le renouvellement du passeport de sa fille D... C..., ensemble la décision du 7 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rejeté le recours hiérarchique présenté le 18 novembre 2021 à l'encontre de cette décision, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande présentée par M. B... C... en vue du renouvellement du passeport de sa fille D... C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État (ministère de l'Europe et des affaires étrangères) versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04775
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23pa04775 ?
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