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21/03/2024 | FRANCE | N°23PA03619

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23PA03619


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2312105/8 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 8 août 2023, M. A..., représenté par Me Benveniste, demande à la Cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2312105/8 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2023, M. A..., représenté par Me Benveniste, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2312105/8 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une omission à statuer ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle au regard des critères posés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 1er mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1983, est entré en France en décembre 2018 selon ses déclarations afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 27 février 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 septembre 2021. Sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable par une décision de l'OFPRA du 30 janvier 2023. Par un arrêté du 26 avril 2023, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait, par un mémoire enregistré le 25 mai 2023, développé à l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige un argument précis relatif à l'absence de signature de l'arrêté portant délégation de signature au bénéfice de l'auteur de cet acte. En s'étant borné, pour écarter le moyen comme manquant en fait, à relever que, par un arrêté régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État, le préfet de police avait donné délégation à Mme B..., adjointe au chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile de la préfecture de police, pour signer toutes les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature des arrêtés attaqués, le premier juge n'a pas suffisamment motivé sa réponse à ce moyen. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, et il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande d'annulation présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

3. En second lieu, il ressort du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu aux conclusions tendant à la suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le jugement attaqué est également entaché d'irrégularité pour ce motif, et il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de suspension présentée par M. A... devant le tribunal.

Sur la demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif de Paris :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme C... B..., adjointe au chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile qui avait reçu délégation du préfet de police, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police le même jour, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Si le requérant soutient que cette délégation ne comporte pas la signature de son auteur, le préfet de police produit en appel une copie signée de cet arrêté, disponible par ailleurs sur Internet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, et en particulier le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise que l'OFPRA a déclaré irrecevable la demande de M. A... tendant au réexamen de sa demande d'asile, et que, par conséquent, conformément à l'article L. 531-42 du même code, les faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Cette décision indique également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, et que rien ne s'oppose à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement. La décision en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas fait un examen approfondi de la situation personnelle du requérant.

6. En troisième et dernier lieu, M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2018, de son insertion professionnelle et de sa maîtrise de la langue française. Toutefois le requérant n'a aucune attache en France et ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Enfin, l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 14 décembre 2021. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

7. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

8. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen des risques encourus par M. A... dans son pays d'origine avant de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Sur la demande de suspension présentée devant le tribunal administratif de Paris :

9. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Selon l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".

10. M. A... ne présente aucun élément sérieux de nature à justifier son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la CNDA. Il n'est, dès lors, pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement le temps de cet examen.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est fondé à demander ni l'annulation, ni la suspension de l'arrêté du 26 avril 2023 du préfet de police. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03619
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : BENVENISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23pa03619 ?
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