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21/03/2024 | FRANCE | N°23PA02173

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23PA02173


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juillet 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom de " D... " en " Henri-Galli ".



Par un jugement n° 2118359 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement

le 16 mai et le 8 septembre 2023, M. C... D..., représenté par Me Pezard, demande à la Cour :



1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 juillet 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom de " D... " en " Henri-Galli ".

Par un jugement n° 2118359 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 16 mai et le 8 septembre 2023, M. C... D..., représenté par Me Pezard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2118359 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom de " D... " en " Henri-Galli " ;

3°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- le nom revendiqué se caractérise par son illustration certaine et durable ;

- il justifie de la possession d'état de ce nom ;

- il justifie également de circonstances exceptionnelles ;

- le nom revendiqué est menacé d'extinction.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 2 janvier 2024, l'instruction a été close au 5 février 2024 à 12h.

Une pièce a été produite le 13 février 2024 par M. D..., postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Pezard, avocate de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par une requête publiée au Journal Officiel du 17 août 2019, M. C... D..., dit B... A..., a demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice, de l'autoriser à changer son nom de famille " D... " en " Henri-Galli ". Par une décision en date du 28 juillet 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. M. D... demande l'annulation de cette décision. L'intéressé relève appel devant la Cour du jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande d'annulation de la décision du 28 juillet 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le requérant soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnait ainsi l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors, d'une part, qu'il ne prend pas en considération son argumentation selon laquelle il démontre, preuves à l'appui, la possession d'état du nom d'Henri-Galli de lui-même, son épouse, ses enfants, son oncle Robert et ses grands-parents et que, d'autre part, il n'a pas davantage pris en compte son argumentation propre aux circonstances exceptionnelles fondant sa demande.

3. Le juge n'est pas tenu de répondre à tous les arguments des parties présentés au soutien d'un moyen.

4. D'une part, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce qui est soutenu devant la Cour, il a été suffisamment répondu, en son point 6, au moyen tiré de la possession d'état du nom sollicité.

5. D'autre part, les premiers juges ont également suffisamment répondu, au point 9 de leur décision, à l'argumentation développée par le demandeur de première instance quant aux circonstances exceptionnelles présentées comme fondant l'intérêt légitime allégué, en relevant que sa volonté de perpétuer la mémoire de son grand-père en portant son pseudonyme ne pouvait être regardé comme caractérisant leur existence.

6. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit donc être rejeté en ses deux branches.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article 61 code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret."

En ce qui concerne l'illustration du nom objet de la demande :

8. La reprise d'un nom en raison de son illustration peut être demandée au titre de l'intérêt légitime mentionné au premier alinéa de l'article 61 du code civil. Ce nom doit avoir été porté dans la famille du demandeur par des personnes qui ont contribué à lui conférer une illustration certaine et durable ; pour la mise en œuvre de ce principe, l'illustration d'un nom ne saurait se réduire à sa renommée ou à sa notoriété, mais suppose un éclat particulier. La reprise du nom est en outre subordonnée dans ce cas à la condition qu'il soit éteint ou menacé d'extinction dans cette famille.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le pseudonyme dont la reprise est demandée, malgré la notoriété acquise par les grands-parents de l'intéressé, aurait été illustré de manière certaine et durable sur le plan national. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la possession d'état :

10. La possession d'état, qui résulte du caractère constant et ininterrompu, pendant plusieurs dizaines d'années, de l'usage d'un nom, peut caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

11. Si M. D... produit de nombreuses pièces attestant de ce que lui-même et son épouse, ainsi que sa fille, ont utilisé, soit le nom de " A... ", soit celui d'" B... A... ", depuis les années 80 du XXème siècle, dans les actes de la vie courante ou leurs relations avec l'administration, il n'apporte en revanche qu'un nombre très limité de documents attestant de cet usage par ses propres parents, dont il ressort au demeurant que ces derniers n'ont utilisé que le nom de " A... ". Dans ces conditions, le requérant ne justifie pas de la possession d'état résultant du caractère constant et ininterrompu de l'usage du nom sollicité pendant plusieurs dizaines d'années et alors que, comme il a été dit, il n'a pas limité cet usage à ce nom sous la seule forme composée qui fait l'objet de sa demande. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'existence de circonstances exceptionnelles :

12. Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

13. Ni la volonté du requérant de perpétuer la mémoire de son grand-père en portant son pseudonyme, ni la publication de divers travaux sur ce dernier, ou celle, récente, de son journal politique portant sur la période de la première guerre mondiale ne constituent par elles-mêmes des circonstances exceptionnelles au sens et pour l'application de la règle rappelée au point précédent. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le risque d'extinction du nom :

14. À supposer même que les arguments relatifs au risque d'extinction du nom objet de la demande, tel que présentés par le requérant, puissent être regardés comme un moyen fondé sur le deuxième alinéa de l'article 61 du code civil et, par suite, distinct de celui afférent à la reprise d'un nom illustre mentionné aux points 8 et 9, un tel moyen est irrecevable dès lors qu'une personne dont la demande de changement de nom a été rejetée ne peut utilement invoquer devant le juge, à l'appui de son recours contre ce refus, un motif différent de celui qu'elle avait initialement invoqué devant l'administration. En outre, la demande de relèvement d'un nom menacé d'extinction dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 61 du code civil suppose que ce nom ait été légalement porté par les ascendants ou les collatéraux du demandeur et ne peut donc porter ni sur un pseudonyme ou un nom d'usage. Le moyen, qui est ainsi, en tout état de cause, inopérant, doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de cette décision doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'exécution provisoire de l'arrêt :

16. Aux titres de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". Les conclusions de la requête tendant à ce que la Cour prononce l'exécution provisoire du présent arrêt sont donc sans objet.

Sur les frais du litige :

17. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le requérant, qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Ses conclusions présentées sur ce fondement doivent donc être rejetées.

18. D'autre part, en l'absence de dépens devant le juge de l'excès de pouvoir, les conclusions de la requête qui tendent à leur mise à la charge de l'État sont sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02173
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : PEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23pa02173 ?
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