La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°23PA04745

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 mars 2024, 23PA04745


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination d'un pays dans lequel elle est légalement admissible.



Par un jugement n° 2304552/10 du 19 octobre 2023, le Tribunal administratif de Mont

reuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination d'un pays dans lequel elle est légalement admissible.

Par un jugement n° 2304552/10 du 19 octobre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Roman Sangue, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement n° 2304552/10 du 19 octobre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 3 avril 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sangue de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été signées par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elle n'ont pas été précédées d'un examen de sa situation personnelle ;

- sa demande de titre n'a pas été examinée sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2024 à 12 heures.

Par une décision du 21 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante burkinabè née le 24 juillet 1980, a sollicité, le 11 janvier 2021, son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 3 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle peut être éloignée en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Mme D... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 21 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme D.... Les conclusions de celle-ci tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont dès lors devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu d'adopter, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris par une autorité incompétente, ni qu'il serait entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. A cet égard, Mme D... n'établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, il ressort du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté une appréciation sur l'atteinte susceptible d'être portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale sur le territoire français. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit pour défaut d'examen de sa demande au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes de l'article L. 423-8 : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil.

6. Pour refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur le motif que la requérante n'établissait pas que le père de son fils contribuait à son entretien et à son éducation. Pour démontrer le contraire, l'intéressée, qui se borne au demeurant à produire la carte d'identité française de M. C... sans verser au dossier l'acte de naissance de son fils justifiant du lien de filiation entre celui-ci et M. C..., produit pour la première fois en appel des justificatifs de transferts d'argent opérés à son profit par ce dernier. Il en ressort que, pour la période précédant la décision attaquée, ont été versés en juin, septembre et décembre 2020, 150, 139 et 104 euros, en octobre 2021, 143 euros, en mars, mai, août et septembre 2022, 143 euros chaque mois, et en mars 2023, 95 euros. De tels versements, pour un montant total de 1 203 euros depuis la naissance de l'enfant, s'ils peuvent être regardés comme établissant l'existence d'une modeste contribution de M. C... à l'entretien du jeune B..., né le 13 novembre 2019, ne permettent pas de démontrer la contribution de l'intéressé à l'éducation de cet enfant, alors par ailleurs qu'il ressort du dossier qu'il ne réside pas avec celui-ci. A cet égard, l'attestation succincte et postérieure à la décision contestée ainsi qu'au jugement émanant de ce-dernier dans lequel il certifie contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils et verser 150 euros par mois à sa mère par virement ou en espèces en lui rendant visite, ainsi que les quatre photographies, non datées et manifestement prises le même jour, ne permettent pas de démontrer l'existence d'un lien affectif entre M. C... et l'enfant, ou un quelconque investissement de l'intéressé dans sa parentalité, en l'absence de toutes autres pièces versées aux débats en ce sens. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des articles cités au point 4 du présent arrêt doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui ne précise ni n'établit sa date d'entrée en France, n'y a jamais résidé en situation régulière. Si elle établit avoir travaillé, depuis seulement 2021, sur un emploi non qualité et pour une faible rémunération, elle ne justifie pas de son intégration en France, ni être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la personne qu'elle présente comme le père de son fils français, et avec lequel elle ne réside pas, contribuerait à son éducation. Dans ces conditions, les décisions litigieuses n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'ont pas méconnu l'intérêt supérieur de son fils, scolarisé en classe de maternelle. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste dont seraient entachées les décisions litigieuses dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04745 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04745
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SANGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-20;23pa04745 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award