Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2204504-6 du 27 juin 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Anthony Morosoli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2204504-6 du 27 juin 2023 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 10 mars 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du département de sa résidence, en cas d'arrêt impliquant nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, en cas d'arrêt impliquant que soit prise une nouvelle décision après instruction, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet du département de sa résidence, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et/ou de la décision fixant le pays de renvoi, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait de nouveau statué sur sa situation, dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Me Morosoli au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure affectant l'avis médical du 19 janvier 2022 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2024 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais (République Démocratique du Congo) né le 2 juillet 1980, serait entré en France le 31 mars 2018, selon ses déclarations. La demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 juillet 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 28 mars 2019, en conséquence de quoi, par un arrêté du 8 août 2019, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Le 25 novembre 2021, M. B... a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 10 mars 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans cet arrêté.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 dudit code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...). ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". L'article 5 de cet arrêté précise que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même texte : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. M. B... soutient que la procédure de consultation du collège de médecins de l'OFII est irrégulière dès lors qu'il résulte des termes de l'avis médical du 19 janvier 2022 que celui-ci a été rendu sur la base d'un rapport médical dressé par le " docteur C... " alors que le nom de ce dernier ne figurait pas sur la liste des médecins désignés par le directeur général de l'OFII en vue de se prononcer sur les demandes de titres de séjour pour raisons de santé avant le 14 mars 2022, soit une date postérieure, tant à l'avis médical du 19 janvier 2022 qu'à l'arrêté litigieux du 10 mars 2022, en conséquence de quoi ce médecin n'était pas compétent pour établir le rapport médical préalable exigé par les dispositions réglementaires précitées.
5. Toutefois, si l'OFII comprend, au niveau national, un collège désigné par son directeur général composé de médecins conformément aux dispositions précitées dont sont issus ceux donnant leur avis sur chaque dossier, au niveau territorial, le réseau de service médical est composé de médecins et d'infirmiers. Dès lors que les médecins rapporteurs sont ceux qui interviennent au niveau territorial et non ceux désignés par le directeur de l'OFII, le requérant ne peut utilement soutenir que l'avis du collège de médecins, rendu au visa du rapport du docteur C..., dont il n'est pas établi qu'il n'appartiendrait pas à un service médical de l'OFII, a été émis en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de stress post-traumatique compliqué d'une dépression sévère et de céphalées ainsi que d'hypertension artérielle sévère sous trithérapie avec hypotrophie ventriculaire gauche. Le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 19 janvier 2022, que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe dans son pays d'origine et qu'il peut voyager sans risque vers celui-ci, ce que conteste le requérant. Les certificats du médecin psychiatre versés au dossier de première instance, dont il se prévaut, sont toutefois imprécis, dès lors qu'il se bornent à indiquer que tout retour dans son pays d'origine " est proscrit ". Par ailleurs, ceux du médecin cardiologue, faisant état d'une consultation le 10 novembre 2021, indiquent seulement que l'état de M. B... " n'autorise pas son retour dans son pays d'origine " et que " la prise en charge cardio-vasculaire est insuffisante en RDC pour un patient présentant une pathologie sévère ", sans préciser la nature du traitement mis en œuvre. Il ne ressort au surplus pas des pièces du dossier que les médicaments Norset, Séroplex, Témesta, Exforge, Fludex ou Kaléorid ne seraient pas commercialisés en République démocratique du Congo, ni que de ces médicaments ne seraient pas accessibles à la généralité de la population. Si les certificats médicaux d'un médecin psychiatre produits par le requérant font par ailleurs état du lien qui existerait entre la pathologie dont celui-ci souffre et les événements traumatisants qu'il expose avoir vécu au Congo, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à en établir la réalité, n'établit ainsi pas le lien entre son pays d'origine et les troubles invoqués, et ne saurait dès lors soutenir qu'il serait impossible de traiter effectivement son syndrome de stress post-traumatique dans son pays d'origine, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 19 juillet 2018, puis par la CNDA le 28 mars 2019. Enfin, le requérant ne justifie pas de circonstances exceptionnelles tirées de particularités de sa situation personnelle qui l'empêcheraient d'accéder effectivement au Congo à des médicaments. Il s'en infère que les premiers juges ont estimé à juste titre que les éléments produits par le requérant, repris en appel, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité des soins dans le pays d'origine. Le requérant n'est dès lors par fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni pour le même motif, qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7, que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
10. Il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement :
11. Il se déduit des énonciations contenues dans les points 8 à 10, que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement contestée doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04588 2