La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°23PA03420

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 mars 2024, 23PA03420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2308742/8 du 24 avril 2023, le m

agistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions refusant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2308742/8 du 24 avril 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions refusant à M. A... D... un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans contenues dans l'arrêté du 17 avril 2023 du préfet du Val-d'Oise et a rejeté le surplus de la demande du requérant.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 20 novembre 2023, M. A... D... représenté par Me Indiara Fazolo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2308742/8 du 24 avril 2023 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre les décisions du 17 avril 2023 du préfet du Val-d'Oise portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 17 avril 2023 du préfet du Val-d'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et, en l'attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros HT en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale, ne pouvait être prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il peut bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 janvier 2024 à 12 heures.

M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant camerounais né le 16 août 2003, serait entré en France selon ses déclarations, courant 2011. Par un arrêté du 17 avril 2023, à la suite de son interpellation, le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... D... relève appel du jugement du 24 avril 2023 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour obliger M. A... D... à quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise s'est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a retenu que l'intéressé ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. En outre, pour prendre cette décision, le préfet du Val-d'Oise a retenu que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, l'arrêté litigieux mentionne les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision attaquée et permet ainsi au requérant d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, si M. A... D... soutient qu'il a présenté une demande de titre de séjour le 3 août 2022, le courrier des services de la préfecture accusant réception d'une telle demande qu'il verse aux débats ne permet pas, à lui seul, d'établir l'enregistrement de sa demande de titre dès lors qu'il mentionne que celle-ci est à intervenir et ne sera effectuée qu'à la condition que le dossier produit soit complet. Faute pour le requérant de justifier de l'enregistrement ultérieur de sa demande de titre de séjour, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré d'un tel manque d'examen doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

5. Un étranger mineur entré irrégulièrement en France doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire conformément aux dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il peut dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., entré en France selon ses déclarations courant 2011 sans être muni d'un visa, et qui s'est vu délivrer un document de circulation pour étranger mineur (B...) valable cinq ans le 7 mars 2013, est devenu majeur le 16 août 2021. Dès lors, en l'absence de demande de titre à cette date, le préfet du Val-d'Oise pouvait, dès le 17 octobre 2021, lui opposer le fait de ne pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et légalement l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut de base légale doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. En l'espèce, s'il soutient être entré en France en 2011 et y avoir constamment vécu depuis lors, M. A... D... n'apporte pas la preuve, par les pièces qu'il produit, de sa présence sur le territoire français entre le 1er septembre 2015, date de la fin de sa scolarité en classe de CM2, et le 22 mars 2017 figurant dans le certificat du 25 juillet 2022 de la référente éducative enfance du Territoire d'intervention sociale et médico-sociale de l'Hautil, alors au surplus que les tampons figurant sur son passeport révèlent, qu'en août 2015, il a quitté le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être accueilli.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

10. Si M. A... D... soutient remplir les conditions lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-22 précité, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est inscrit dans aucune formation. Dans ces conditions, celui-ci n'est pas fondé à soutenir qu'il remplit l'ensemble des conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions invoquées.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".

12. Si M. A... D... fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de 8 ans, qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à partir de 2017 et qu'il bénéficie d'un " contrat jeune majeur ", il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille, que le contrat jeune majeur invoqué n'a été signé qu'afin d'assurer son hébergement et qu'il ne démontre pas avoir noué en France des liens suffisamment intenses, anciens et stables. Le requérant, dont la scolarité a pris fin en classe de seconde et qui ne démontre pas suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, est par ailleurs connu des services de police pour de multiples faits de violence et de trafic de stupéfiants. Il a fait l'objet, par arrêté du 30 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une précédente mesure d'éloignement, non exécutée. Enfin, il ressort des pièces du dossier, que M. A... D... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère et des membres de sa fratrie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que les moyens invoqués en ce sens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement :

13. Il se déduit des énonciations contenues dans les points 2 à 12, que les conclusions de M. A... D... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement contestée doivent être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté contesté. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03420
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : FAZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-20;23pa03420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award