La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°23PA02389

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 mars 2024, 23PA02389


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la Banque de France a refusé de faire droit à sa demande du 30 mars 2021 tendant à la revalorisation de sa rémunération et au versement d'un manque à gagner à la suite de l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018.



Par un jugement n° 2115286/5-4 du 31 mars 2023, le Tribunal administratif de Paris a rej

eté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en répl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la Banque de France a refusé de faire droit à sa demande du 30 mars 2021 tendant à la revalorisation de sa rémunération et au versement d'un manque à gagner à la suite de l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018.

Par un jugement n° 2115286/5-4 du 31 mars 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 30 mai et le 21 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Jonathan Henochsberg, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2115286/5-4 du 31 mars 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite de la Banque de France portant rejet de sa demande du 30 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre à la Banque de France de revaloriser sa rémunération à hauteur de l'indice 810 rétroactivement à compter du 1er septembre 2020 et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 13 497 euros à titre d'indemnité pour manque à gagner subi de septembre 2020 à mai 2023, à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, le 31 mars 2021 ;

5°) de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute de signature de sa minute, conformément à l'article

R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé, faute pour le tribunal d'avoir répondu aux arguments relatifs à la différence de traitement opérée selon les modalités de recrutement et à ceux tirés de ce que l'article 17 de l'arrêté n° 2018-02 du conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018 ne mentionne pas que les mesures transitoires étaient fondées sur un critère objectif tenant à l'ancienneté totale acquise à la Banque de France en faisant exclusivement mention du fait que le dispositif ne bénéficiait qu'aux chefs de groupe ayant obtenu ce grade entre 2011 et 2015, par promotion interne ou en étant issus de l'ancien concours de secrétaire rédacteur ;

- les premiers juges ont méconnu leur office, en ne mettant pas en œuvre leurs pouvoirs d'instruction avant de juger qu'il n'établissait pas le nombre exact d'agents issus du concours de rédacteur lésés par l'exclusion automatique du bénéfice des mesures transitoires, alors qu'il avait produit des éléments vraisemblables, non contestés par la Banque de France ;

- ils ont commis une erreur de droit en estimant que la décision attaquée ne portait pas atteinte de façon disproportionnée au principe d'égalité de rémunération des agents publics, du fait de l'illégalité de l'article 17 de l'arrêté n° 2018-02 du conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018, à l'origine d'une différence de traitement entre des agents de même ancienneté occupant des emplois strictement analogues ;

- les mesures transitoires ne satisfaisant pas à l'objectif prétendument poursuivi, l'illégalité affectant l'article 17 de l'arrêté du conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018 affecte le refus qui lui a été opposé ;

- l'annulation de la décision contestée implique nécessairement la revalorisation de sa rémunération à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que la réparation du préjudice résultant de la faute commise par la Banque de France pour la période antérieure ; à ce titre, il a droit au versement du manque-à-gagner entre la rémunération perçue sur la base de l'indice 740 et celle qu'il aurait dû percevoir correspondant à l'indice 810 depuis le mois de septembre 2020, date à laquelle il a obtenu son avancement au niveau 3 de la catégorie des cadres, soit la somme de totale de 13 497 euros arrêtée en mai 2023, à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2023, la Banque de France, représentée par la SCP Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête, qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance, est irrecevable, et que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- l'arrêté n° 2018-02 du conseil général de la Banque de France du 12 mars 2018 ;

- le statut du personnel de la Banque de France applicable à la date du 12 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., recruté par la Banque de France le 14 avril 1998, a accédé au statut de cadre après avoir été reçu au concours de rédacteur de la Banque de France et a pris ses fonctions dans ce cadre d'emploi le 1er avril 1999. Le 1er septembre 2020, il a atteint le niveau 3 de la catégorie des cadres et exerce désormais les fonctions de responsable de mission au sein du service pilotage contrôle des activités fiduciaires à la direction générale des services à l'économie et du réseau. A la suite de la réforme menée par la Banque de France relative à la carrière de ses cadres, par arrêté n° 2018-02 du conseil général du 12 mars 2018 relatif à la modification des dispositions du statut du personnel, il a été classé à l'indice 740. Contestant cette classification et revendiquant son classement à l'indice 810, après avoir saisi le déontologue de la Banque de France de sa situation, par un courrier du 30 mars 2021 reçu le lendemain par son destinataire, M. C... a demandé au gouverneur de la Banque de France son rattachement à l'indice 810 à compter de septembre 2020 ainsi que la revalorisation de sa rémunération pour l'avenir et la régularisation de sa situation pour la période antérieure. En l'absence de réponse à ce courrier, il a saisi le Tribunal administratif de Paris de demandes tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui en résultait et à la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité de 4 230 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi. M. C... relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la minute du jugement attaqué, produite devant le juge d'appel, a été signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ne peut donc qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier que le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu à l'ensemble des moyens opérants soulevés par M. C..., à savoir ceux tirés, par voie d'exception, de l'illégalité des mesures transitoires prévues par l'article 17 de l'arrêté du 12 mars 2018 et de la méconnaissance du principe de non-discrimination ainsi que de l'erreur de droit. Si M. C... conteste la réponse que le tribunal a apporté à ces moyens, une telle critique porte sur le bien-fondé du jugement.

4. En dernier lieu, si M. C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve, de tels moyens ne critiquent pas la régularité mais le bien-fondé du jugement. Or, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la légalité de la décision de l'administration. Par suite, ces moyens sont inopérants. Par ailleurs, le tribunal, qui se prononçait au vu des éléments produits devant lui, n'était pas tenu, s'il ne l'estimait pas nécessaire, de procéder à une mesure d'instruction.

Sur le fond du litige :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat ". Aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 142-9 du même code : " Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée ". Il résulte de ces dispositions que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, qui n'a pas cependant le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres.

6. Par l'arrêté du 12 mars 2018 de son conseil général portant réforme du statut de son personnel, la Banque de France a mis fin au régime antérieur qui prévoyait, en vertu du principe du raccordement à l'ancienneté totale, que lors de l'obtention d'un grade, un agent bénéficiait automatiquement d'un rattachement indiciaire en fonction de son ancienneté totale de service au sein de l'établissement. Il en résulte, qu'en cas de promotion de niveau, un agent est désormais systématiquement positionné au premier échelon du niveau suivant, sans qu'il soit tenu compte de son ancienneté. Ce changement s'est accompagné toutefois de dispositions transitoires. Ainsi, en application du III de l'article 17 de l'arrêté : " Les chefs de groupe dans les services centraux, chefs de comptabilité en succursale et caissiers de 2ème classe principaux visés à l'article 11 du présent arrêté, ayant obtenu leur grade entre 2011 et 2015 par promotion interne ou en étant issus de l'ancien concours de secrétaires rédacteurs, au titre de la réglementation applicable jusqu'à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté, sont rattachés lors de l'obtention de leur niveau, pour ceux nommés en 2011, à l'indice 840, pour ceux nommés en 2012 et 2013, à l'indice 810, et pour ceux nommés en 2014 et 2015, à l'indice 770 ".

7. M. C... soutient que ces dispositions enfreignent le principe d'égalité de rémunération des agents publics au regard du motif retenu et, qu'à supposer même qu'un tel motif ait permis de déroger audit principe, les mesures transitoires ne satisfont pas à l'objectif prétendument poursuivi.

8. En premier lieu, le principe d'égalité entre les membres d'un même corps ou d'une même catégorie ne fait pas obstacle à ce que soient traités différemment des agents placés dans des situations différentes, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

9. Il ressort des pièces du dossier que les dispositions transitoires litigieuses ont été adoptées afin de régler la situation des agents d'encadrement perdant l'entier bénéfice du régime antérieur du fait de l'application de règles écartant désormais l'ancienneté. Ces derniers ont ainsi été identifiés comme étant ceux, issus de l'ancien concours de secrétaire rédacteur et de la promotion interne, promus chef de groupe entre 2011 et 2015, qui, sous l'empire du régime précédemment applicable et du fait de leur ancienneté, auraient dû bénéficier d'un indice sensiblement supérieur en vertu du principe du raccordement à l'ancienneté totale, et qui avaient vocation, à court terme en l'absence de réforme du statut, à changer de grade et d'indice automatiquement à la date d'entrée en vigueur de la réforme, afin qu'ils ne soient pas les plus gravement pénalisés. Il s'ensuit que le dispositif litigieux n'a pas eu pour objet de privilégier certains cadres mais d'organiser un dispositif de compensation partielle destiné, sous certaines conditions, aux seuls cadres souscrivant aux conditions précitées. Un tel dispositif ne peut en conséquence être regardé comme manifestement disproportionné au regard des différences de situation qui le justifiaient. Ainsi, il n'a pas été illégalement porté atteinte au principe d'égalité. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soulever l'illégalité de l'arrêté du 12 mars 2018.

10. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des tableaux comparatifs et des comparaisons effectuées par le requérant, qui reposent sur des postulats dont la réalité n'est nullement établie, notamment s'agissant des durées de stationnement à chaque échelon, que les mesures transitoires, reposant sur des critères objectifs destinés à prendre en compte des situations différentes, ne satisferaient pas au but poursuivi.

11. M. C... qui, compte-tenu de son ancienneté totale et de son ancienneté dans son grade n'avait pas vocation à bénéficier, à court terme à la date de mise en œuvre de la réforme, au reclassement qu'il revendique, n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il se trouvait dans une situation analogue notamment à celle de Mme B... tout état de cause, cette différence de traitement entre des cadres issus de différentes catégories, n'est manifestement pas disproportionnée par rapport à la différence de leur situation après la réforme, laquelle doit être appréciée, non pas au regard du grade et des fonctions exercées, mais au regard des pertes de rémunération qu'ils auraient subies du fait de la réforme, en l'absence de mesures transitoires.

12. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le principe d'égalité entre fonctionnaires d'un même corps a été méconnu et que le refus qui lui a été opposé est entaché d'illégalité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui ne fait pas droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'implique pas qu'il soit enjoint à la Banque de France de revaloriser sa rémunération à hauteur de l'indice 810 rétroactivement à compter du 1er septembre 2020 et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. En l'absence d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la Banque de France, les conclusions de M. C... à fin d'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis à raison de son absence de reclassement à un indice supérieur ne peuvent qu'être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Banque de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C..., par application des mêmes dispositions, la somme que la Banque de France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Banque de France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

La rapporteure,

M-D JAYERLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02389 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02389
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LOIRE-HENOCHSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-20;23pa02389 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award