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20/03/2024 | FRANCE | N°22PA05163

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 mars 2024, 22PA05163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société François Binsard Investissements a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1905830/1-3 du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procé

dure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 décembre 2022 et 23 mai 2023, la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société François Binsard Investissements a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1905830/1-3 du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 décembre 2022 et 23 mai 2023, la société François Binsard Investissements, représentée par Me Eric Quentin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905830/1-3 du 5 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le reliquat de provision pour travaux d'un montant de 45 000 euros comptabilisée au titre de l'exercice 2013 est justifié puisque ce montant a pour but de couvrir les frais fixes, les frais de personnel et les charges sociales ainsi que l'absence de perception de recettes du locataire gérant durant toute la période des travaux réalisés dans l'immeuble ;

- il a été estimé avec précision ;

- il résulte d'un accord du 1er avril 2013 avec le locataire gérant, que celui-ci acceptait d'effectuer les travaux liés à l'état de vétusté de l'immeuble sous réserve d'une participation financière de la société requérante ;

- la provision de 300 000 euros comptabilisée au titre de l'exercice 2014 est justifiée tant dans son principe que dans son montant et les travaux qu'elle est destinée à prévoir n'ont pas d'incidence réelle sur la valeur de l'immeuble, n'ont pas d'incidence sur le montant du loyer à percevoir, ont pour objet de maintenir l'immeuble en l'état et de maintenir sa valeur antérieure et ne sauraient donc être qualifiés d'immobilisations ;

- on ne peut refuser le caractère déductible des travaux de ravalement au motif qu'ils sont indissociables des travaux de gros œuvre ;

- les conditions d'immobilisation des travaux de mise en conformité telles que précisées par le comité d'urgence du CNC n° 2005-D du 1er juin 2005 ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le plan comptable général ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société François Binsard Investissements exerce une activité de marchand de biens immobiliers, de location de biens immobiliers et de société holding. Le 1er janvier 2013, elle a constitué une provision pour risques et charges d'un montant de 400 000 euros correspondant à des travaux à réaliser sur un immeuble situé au 5 rue André Antoine dans le 18ème arrondissement de Paris qu'elle avait donné en location gérance à la SARL Hôtel Saint Georges, comprenant notamment une indemnité de 45 000 euros à verser au locataire gérant en réparation du préjudice d'exploitation à subir. Le 31 décembre 2014, elle a également comptabilisé une dotation au compte de provisions pour risques et charges d'exploitation d'un montant de

300 000 euros en prévision de travaux à réaliser sur injonction de l'autorité préfectorale en raison de la présence de désordres menaçant la solidité de l'immeuble. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a réintégré dans le résultat imposable de la société requérante le reliquat de provision de 45 000 euros pour l'exercice 2013 et l'intégralité de la dotation aux provisions de 300 000 euros pour l'exercice 2014 au motif que ces provisions n'étaient pas justifiées dans leur principe et/ou dans leur montant. La société requérante relève appel du jugement en date du 5 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie en conséquence au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Ne peuvent, par suite, donner lieu à provision les dépenses à venir qui auront pour contrepartie l'acquisition d'un nouvel élément d'actif ou qui entraîneraient normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure au bilan de l'entreprise ou encore qui auraient pour objet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de cette nature. Pour les redressements qui portent sur des provisions, il appartient, au préalable, au contribuable de justifier, non seulement du montant des sommes correspondantes, mais de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 311-1 du plan comptable général dans sa version issue du règlement n° 2004-06 du 23 novembre 2004, en partie reprises aux article 211-1 et 211-2 dudit plan dans sa version issue du règlement n° 2014-03 du 5 juin 2014 qu'une immobilisation corporelle est comptabilisée à l'actif lorsqu'il est probable que l'entité bénéficiera des avantages économiques futurs correspondants et qu'une entité évalue selon ces critères de comptabilisation tous les coûts d'immobilisation au moment où ils sont encourus, qu'il s'agisse des coûts initiaux encourus pour acquérir, produire une immobilisation corporelle ou des coûts encourus postérieurement pour ajouter, remplacer des éléments ou incorporer des coûts de gros entretien ou grandes révisions sous réserve des dispositions relatives aux éléments d'actif non significatifs. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société requérante a provisionné la somme de 400 000 euros au 1er janvier 2013 qui figurait en report à nouveau au bilan d'ouverture, pour réaliser des travaux au sein de l'hôtel. L'administration a admis en déduction du résultat la somme de 355 000 euros suivant une estimation d'architecte effectuée en 2006 portant sur des travaux de couverture, ravalement et renforcement du rez-de-chaussée, et a réintégré la somme de 45 000 euros qui correspondrait, selon la société requérante, à une indemnité à verser au locataire gérant de l'hôtel en raison de la fermeture de l'hôtel et de la brasserie qu'il exploite durant la période de réalisation des travaux. Si la société requérante fait valoir qu'il résulte d'un accord du 1er avril 2013 avec le locataire gérant que celui-ci acceptait d'effectuer les travaux liés à l'état de vétusté de l'immeuble sous réserve d'une participation financière de la requérante, elle ne produit pas ce document, et ne soutient d'ailleurs pas qu'il permettait de fixer avec précision le montant de cette participation. En outre, en se bornant à évoquer la nécessité de couvrir les frais fixes, les frais de personnel et les charges sociales ainsi que l'absence de perception de recettes du locataire gérant durant toute la période des travaux réalisés dans l'immeuble, et à se prévaloir d'un trouble de jouissance fixé forfaitairement à 15 000 euros et d'un trouble commercial estimé à partir du loyer ou de la valeur de l'indemnité d'éviction au 30 juillet 2016, la société n'apporte aucun élément suffisamment précis permettant à la Cour de constater que les charges en cause avaient été évaluées avec une approximation suffisante. L'administration était donc en droit de réintégrer ce montant au résultat imposable de la société François Binsard Investissements au titre de l'exercice 2013.

5. En deuxième lieu, la dotation de 300 000 euros faite par la société requérante le 31 décembre 2014 à un compte de provisions correspondait à des travaux de sécurisation de l'immeuble qu'elle donnait en location gérance à la société Hôtel Saint Georges, dont la réalisation a été imposée par arrêté préfectoral du 24 juin 2015 dans le cadre du suivi de désordres structurels affectant le bâtiment, constatés au mois de décembre 2014 à l'occasion de la découverte d'une cavité sous le trottoir et la chaussée déstabilisant les fondations de la façade sur rue. Ces travaux de consolidation constituaient dès lors des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble de nature à en prolonger la durée probable d'utilisation. Il résulte des dispositions citées au point 2. et 3. du présent arrêt que ces dépenses devaient être immobilisées. Si la société requérante soutient qu'une partie des travaux n'a eu d'autre objet que le ravalement de l'immeuble, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ces travaux devaient être entrepris indépendamment de ceux affectant le gros œuvre et étaient par suite dissociables de ceux-ci. Ils doivent par suite être regardés comme faisant partie des travaux ayant pour effet de prolonger la durée probable d'utilisation de l'immeuble. En se bornant à faire valoir de manière générale qu'on ne peut refuser le caractère déductible des travaux de ravalement au motif qu'ils sont indissociables des travaux de gros-œuvre, la société requérante, qui est seule en mesure de le faire, ne fournit aucun élément permettant à la Cour de constater que les travaux effectués au titre du ravalement l'ont été indépendamment des travaux de gros-œuvre. Les dépenses de gros œuvre en cause devant être immobilisées en vertu des dispositions fiscales applicables à l'espèce, la circonstance que les conditions d'immobilisation des travaux de mise en conformité, telles que précisées par le comité d'urgence du CNC n° 2005-D du 1er juin 2005, ne seraient pas remplies, est en tout état de cause sans influence sur l'issue du litige. D'ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu, la non réalisation des travaux exigés par l'arrêté préfectoral aurait entraîné l'interruption de l'activité. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir, au motif que l'activité n'a pas été interrompue pendant les travaux, que la condition d'immobilisation des travaux de mise en conformité, selon laquelle leur non-réalisation doit entraîner l'arrêt immédiat ou différé de l'activité ou de l'installation de l'entreprise, ne serait pas remplie.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société François Binsard Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société François Binsard Investissements et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 22PA05163 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05163
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-20;22pa05163 ?
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