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20/03/2024 | FRANCE | N°22PA03228

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 20 mars 2024, 22PA03228


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI du 7 rue Saint-Séverin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2003880/2-2 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :
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Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juillet 2022 et 14 février 2023, la SCI du 7 rue Saint-Séverin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du 7 rue Saint-Séverin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2003880/2-2 du 16 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juillet 2022 et 14 février 2023, la SCI du 7 rue Saint-Séverin, représentée par Me Yazid Adda et Me Aurélie Dalmasso, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit de reprise est prescrit, dans la mesure où l'administration n'apporte pas la preuve de la notification régulière de l'avis de mise en recouvrement ;

- on ne saurait lui opposer l'envoi postérieur d'actes de recouvrement, l'envoi de l'avis de mise en recouvrement à un tiers, ou le fait d'avoir pu présenter une contestation contentieuse ;

- la procédure de taxation d'office appliquée en matière d'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 est irrégulière, en l'absence de production par l'administration de l'accusé de réception postal contenant la mise en demeure ;

- la proposition de rectification du 18 mai 2016 est insuffisamment motivée ; à supposer que l'administration ait entendu procéder à une motivation par référence, cette référence n'apparaît pas clairement ; même en supposant qu'il s'agissait d'une référence à la proposition de rectification du 15 décembre 2015, cette proposition de rectification ne portait pas sur les amortissements non admis en déduction en 2009, 2010 et 2011 ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en l'absence de communication, malgré la demande du contribuable, de la promesse de vente du 16 septembre 2014 ;

- l'administration, en modifiant le seul bilan d'ouverture de l'exercice 2012 n'établit pas la variation positive de l'actif net au titre de cet exercice ;

- les amortissements non comptabilisés dans les délais légaux ne sont pas des amortissements différés en application de l'article 39 B du code général des impôts et n'entrent par suite pas dans le champ d'application de l'article 39 duodecies du code général des impôts ;

- les pénalités relatives à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l'année 2012 ont été irrégulièrement appliquées dès lors qu'il n'est pas établi que la mise en demeure de déposer la déclaration correspondante a été régulièrement notifiée ;

- l'irrégularité de la motivation de la proposition de rectification en ce qui concerne les amortissements non admis en déduction en 2009, 2010 et 2011 permet de conclure à l'absence de bien-fondé du redressement correspondant.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation préalable était irrecevable ;

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du 7 rue Saint-Séverin, qui exerce une activité de location de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle elle s'est vu notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, pour un montant total, en droits et pénalités, de 765 559 euros. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la régularité de la procédure :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office appliquée en matière d'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ".

3. La société requérante soutient que la procédure de taxation d'office appliquée en matière d'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 est irrégulière, en l'absence de production par l'administration de l'accusé de réception postal contenant la mise en demeure.

4. En cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant un document adressé par l'administration, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur les documents retournés à l'administration, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve.

5. Il résulte de l'instruction que la mise en demeure du 4 juillet 2014 relative à l'année 2013 et la mise en demeure du 5 octobre 2015 relative à l'année 2014 ont été envoyées à l'adresse postale du siège de la société requérante. Les documents de réception produits par l'administration précisent que le pli du 4 juillet 2014 a été " présenté / avisé le : 11/07/14 " et que le pli du 5 octobre 2015 a été " présenté / avisé le : 7/10/15 " et indiquent le motif pour lequel ils ont été renvoyés à l'expéditeur : " pli avisé et non réclamé ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que les mentions " présenté/avisé " ainsi que " pli avisé et non réclamé " aient été préimprimées ne saurait faire obstacle à ce que le contribuable soit regardé comme ayant été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que les plis étaient à sa disposition au bureau de poste, dès lors que la date de la présentation a été inscrite manuscritement par le préposé, lequel a également coché la case indiquant le motif du retour à l'expéditeur. Si la société requérante fait valoir qu'aucune date de retour du pli à l'expéditeur ne figure sur les documents postaux et qu'il n'est par suite pas établi que les plis n'ont été retournés à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'en tout état de cause, la société requérante, qui soutient d'ailleurs, à tort comme il a été dit ci-dessus, qu'elle n'a pas été avertie par le dépôt d'un avis d'instance, n'établit ni même n'allègue avoir tenté en vain de retirer le pli audit bureau de poste. Dès lors, en présence de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'avis de réception, les mises en demeure en cause doivent être regardées comme ayant été régulièrement notifiées à la société requérante alors même que, contrairement à ce qu'exige l'instruction postale du 6 septembre 1990, le préposé n'aurait pas reporté le motif de non-distribution sur le pli postal, mention qui ne revêt pas en l'espèce de caractère substantiel. La procédure de taxation d'office ne saurait par suite être regardée comme ayant été irrégulièrement mise en œuvre.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 18 mai 2016 :

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 66 du même code : " Sont taxées d'office aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". L'article L. 76 du même code dispose que " les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".

7. Lorsque le contribuable a fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office, la régularité de la motivation de la proposition de rectification résultant de la mise en œuvre de cette procédure doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, celles de l'article L. 57 du même livre étant applicables aux seules rectifications notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire.

8. La proposition de rectification du 18 mai 2016 mentionne l'impôt sur lequel elle porte, les années en litige, précise les motifs du recours à la procédure de taxation d'office, le fondement légal de l'imposition, et expose les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination, notamment en ce qui concerne les modalités de calcul de la plus-value réalisée par la société requérante, à la suite de la vente à réméré de locaux commerciaux situés 7 rue Saint-Séverin, le 3 octobre 2014. Elle est par suite conforme aux dispositions précitées, seules applicables en l'espèce, de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales alors même qu'elle n'a pas détaillé, directement ou par référence, les motifs pour lesquels la déductibilité des amortissements retirés de la valeur nette comptable utilisée pour le calcul de la plus-value de cession en cause a été écartée.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article

L. 76 B du livre des procédures fiscales :

9. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L.76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

10. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait obtenu de tiers la promesse de vente du 16 septembre 2014. Au contraire l'administration affirme sans être sérieusement contestée que le document en cause lui a été remis par le cabinet d'expertise comptable de la requérante chargé de la représenter au cours des opérations de contrôle. Le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les dispositions précitées en l'absence de communication, malgré la demande de la société requérante, de la promesse de vente du 16 septembre 2014 ne peut par suite qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription :

11. Aux termes de l'article L. 169 de ce livre, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due / (...) ".

12. La société requérante soutient que l'avis de mise en recouvrement en date du 13 octobre 2016 ne lui a pas été régulièrement notifié et qu'en conséquence l'imposition correspondante ne peut être regardée comme ayant été régulièrement mise en recouvrement dans le délai de reprise.

13. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement en date du 13 octobre 2016 a été envoyé le 14 octobre 2016 à l'adresse postale du siège de la société requérante. L'avis de réception produit par l'administration précise que le pli a été " présenté / avisé le : 17/10/16 " et indique le motif pour lequel il a été renvoyé à l'expéditeur : " pli avisé et non réclamé ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que les mentions " présenté/avisé " ainsi que " pli avisé et non réclamé " aient été préimprimées ne saurait faire obstacle à ce que le contribuable soit regardé comme ayant été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste, dès lors que la date de la présentation a été inscrite manuscritement par le préposé, lequel a également coché la case indiquant le motif du retour à l'expéditeur. Si la société requérante fait valoir qu'aucune date de retour du pli à l'expéditeur ne figure sur ce document postal et qu'il n'est par suite pas établi que le pli n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'en tout état de cause, la société requérante, qui soutient d'ailleurs, à tort comme il a été dit ci-dessus, qu'elle n'a pas été avertie par le dépôt d'un avis d'instance, n'établit ni même n'allègue avoir tenté en vain de retirer le pli audit bureau de poste. Dès lors, en présence de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'avis de réception, et en application des règles rappelées au point 4., l'avis de mise en recouvrement en date du 13 octobre 2016 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à la société requérante alors même que, contrairement à ce qu'exige l'instruction postale du 6 septembre 1990, le préposé n'aurait pas reporté le motif de non-distribution sur le pli postal, mention qui ne revêt pas en l'espèce de caractère substantiel. Les impositions en cause ne sauraient par suite être regardées comme prescrites, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'on ne saurait lui opposer l'envoi postérieur d'actes de recouvrement, l'envoi d'une copie de l'avis de mise en recouvrement à un tiers, ou le fait d'avoir pu présenter une contestation contentieuse.

En ce qui concerne le moyen relatif à la réintégration du passif injustifié au 31 décembre 2012 :

14. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession. "

15. La société requérante soutient que l'administration n'a pas établi l'existence d'une variation à la hausse de l'actif net entre les dates d'ouverture et de clôture de l'exercice 2012, dès lors que le vérificateur n'a rectifié que le bilan d'ouverture de cet exercice, en y réintégrant un passif considéré comme injustifié.

16. Il résulte de l'instruction qu'au cours du contrôle, la société requérante n'a pas été en mesure de présenter de justification concernant un à-nouveau créditeur d'un montant de 212 523,28 euros. Le vérificateur, après avoir énoncé qu'une fraction de cet à-nouveau, d'un montant de 100 241 euros, avait été prise en compte dans le cadre d'un précédent contrôle, a retenu un montant correspondant au solde, soit 112 282 euros, et a procédé à la réintégration de cette dette, qu'il a considérée comme injustifiée. Contrairement à ce qui est allégué par la société requérante, le vérificateur, qui a expressément rappelé la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit prévue à l'article 38-4 bis du code général des impôts, n'a rectifié que le seul bilan de clôture de l'exercice clos le 31 décembre 2012. La proposition de rectification énonce ainsi expressément que " toute rectification affectant l'actif net de clôture d'un exercice, notamment la réintégration d'une dette injustifiée, a donc pour effet de majorer le bénéfice ". Le moyen tiré de l'absence de démonstration, par le service, de l'existence d'une variation à la hausse de l'actif net entre les dates d'ouverture et de clôture de l'exercice doit donc être écarté.

En ce qui concerne la rectification afférente à la plus-value sur cession d'immobilisation :

17. Aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : / a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B ; / b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B (...) ". Aux termes de l'article 39 B du même code : " À la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation. À défaut de se conformer à cette obligation, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qui a été ainsi différée ". Il résulte de ces dispositions combinées que lorsqu'une personne physique ou morale, propriétaire d'un bien amortissable, omet de pratiquer et de comptabiliser régulièrement les amortissements correspondants à la clôture de chaque exercice, ainsi qu'elle en a l'obligation, elle est réputée les avoir irrégulièrement différés et, qu'en conséquence, dans le cas où elle réalise une plus-value à la suite de la vente d'un tel bien, cette plus-value est majorée du montant des amortissements qui ont été ainsi irrégulièrement différés.

18. Il résulte des termes mêmes de l'article 39 duodecies du code général des impôts que les plus-values sont, le cas échéant, majorées du montant des amortissements qui ont été différés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B. En l'espèce, il est constant que des amortissements d'un montant de 232 215 euros n'avaient pas été effectivement inscrits en comptabilité avant la date limite de dépôt des déclarations. L'absence d'inscription en comptabilité avant l'expiration du délai imparti pour la déclaration des résultats annuels a pour conséquence que les amortissements en question ne peuvent être regardés comme ayant été réellement effectués, au sens des dispositions précitées de l'article 39 B du code général des impôts. Ils revêtent, dès lors, le caractère d'amortissements différés effectués en méconnaissance de ces dispositions. Le service a donc pu, à bon droit, regarder la SCI comme ayant irrégulièrement différé les amortissements dont s'agit en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B précitées, et il a pu régulièrement réviser le montant de la plus-value en cause et l'augmenter du montant de ces amortissements. Le moyen tiré de ce que les amortissements non comptabilisés dans les délais légaux ne sont pas des amortissements différés en application de l'article 39 B du code général des impôts et n'entrent par suite pas dans le champ d'application de l'article 39 duodecies du code général des impôts ne peut par suite qu'être écarté. Contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance, qui manque en tout état de cause en fait ainsi qu'il a été dit précédemment, que la motivation de la proposition de rectification du 18 mai 2016 serait insuffisante en ce qui concerne les amortissements non admis en déduction en 2009, 2010 et 2011 est sans influence sur le bien-fondé du redressement.

Sur les pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 :

19. Aux termes des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que la mise en demeure du 5 octobre 2015 de déposer des déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012 a été envoyée à l'adresse postale du siège de la société requérante. Les documents de réception produits par l'administration précisent que le pli du 5 octobre 2015 a été " présenté / avisé le : 7/10/15 " et indiquent le motif pour lequel ils ont été renvoyés à l'expéditeur, soit : " pli avisé et non réclamé ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que les mentions " présenté/avisé " ainsi que " pli avisé et non réclamé " aient été préimprimées ne saurait faire obstacle à ce que le contribuable soit regardé comme ayant été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste, dès lors que la date de la présentation a été inscrite manuscritement par le préposé, lequel a également coché la case indiquant le motif du retour à l'expéditeur. Si la société requérante fait valoir qu'aucune date de retour du pli à l'expéditeur ne figure sur les documents postaux et qu'il n'est par suite pas établi que le pli n'a été retourné à l'expéditeur qu'après l'expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'en tout état de cause, la société requérante, qui soutient d'ailleurs, à tort comme il a été dit ci-dessus, qu'elle n'a pas été avertie par le dépôt d'un avis d'instance, n'établit ni même n'allègue avoir tenté en vain de retirer le pli audit bureau de poste. Dès lors, en présence de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'avis de réception, et en application des règles rappelées au point 4., la mise en demeure en cause doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la société requérante alors même que, contrairement à ce qu'exige l'instruction postale du 6 septembre 1990, le préposé n'aurait pas reporté le motif de non-distribution sur le pli postal, mention qui ne revêt pas en l'espèce de caractère substantiel. Dans ces conditions, l'administration était fondée à mettre à la charge de la société requérante une pénalité de 40 % en application des dispositions précitées du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du 7 rue Saint-Séverin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 7 rue Saint-Séverin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 22PA03228 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03228
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-20;22pa03228 ?
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