Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions des 17 décembre 2020 et 16 avril 2021 en tant qu'elles refusent son inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des chefs des services pénitentiaires au titre des années 2020 et 2021, édictent les listes d'aptitudes au titre de ces deux années et refusent sa nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires, d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ces décisions au titre de l'année 2020, d'annuler la décision du 24 février 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter du 15 mars 2021, et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à son inscription sur la liste d'aptitude au titre de l'année 2020, de prononcer sa nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires à compter du 1er janvier 2020 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date.
Par un jugement n° 2108450 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er juin et 15 décembre 2023, M. B..., représenté par la SCP Lavalette avocats conseil, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions du 17 décembre 2020 et du 16 avril 2021 en tant qu'elles refusent son inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des chefs des services pénitentiaires au titre des années 2020 et 2021, édictent les listes d'aptitudes au titre de ces deux années et refusent sa nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires et la décision du 15 avril 2021 par laquelle son recours gracieux formé contre la décision du 17 décembre 2020 a été implicitement rejeté ;
3°) d'annuler la décision du 24 février 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter du 15 mars 2021 ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à son inscription sur la liste d'aptitude au titre de l'année 2020, de prononcer sa nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires à compter du 1er janvier 2020 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date dans un délai de quinze à jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa demande de nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires au titre de l'année 2020 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou encore subsidiairement de procéder à son inscription sur la liste d'aptitude au titre de l'année 2021, de prononcer sa nomination dans le corps des chefs des services pénitentiaires à compter du 1er janvier 2021 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa demande au titre de cette année dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions du 17 décembre 2020 et des 15 et 16 avril 2021 sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elles sont entachées d'un détournement de pouvoir ;
- la décision du 24 février 2021 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle constitue une sanction déguisée et est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;
- le décret n° 2019-1038 du 9 octobre 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est commandant pénitentiaire. Alors qu'il exerçait les fonctions de chef d'établissement de la maison d'arrêt de Niort, il a demandé à être inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des chefs des services pénitentiaires au titre de l'année 2020. Son nom n'étant pas inscrit sur la liste d'aptitude établie le 17 décembre 2020, M. B... a exercé un recours gracieux qui a été implicitement rejeté le 15 avril 2021. Il a réitéré sa demande d'inscription au titre de l'année 2021 mais n'a pas été inscrit sur la liste d'aptitude établie le 16 avril 2021. Par un arrêté du 24 février 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter du 15 mars 2021 au centre pénitentiaire de Nantes. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 17 décembre 2020 et 24 février et 15 et 16 avril 2021.
Sur les décisions des 17 décembre 2020 et 15 et 16 avril 2021 :
2. En premier lieu, à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale, non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : (...) / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 38-4 du décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire : " Les membres du corps des chefs des services pénitentiaires sont recrutés dans le grade de classe normale : (...) / 3° Dans la limite de 5 % des emplois à pourvoir par voie d'inscription sur une liste d'aptitude, parmi les commandants pénitentiaires justifiant au 1er janvier de l'année d'établissement de la liste d'aptitude de vingt ans au moins de services effectifs au sein de l'administration pénitentiaire, dont deux ans au moins en qualité de commandant pénitentiaire. / Les nominations sont prononcées après inscription sur une liste d'aptitude établie par ordre de mérite par le garde des sceaux, ministre de la justice. / Les emplois offerts au titre du 3° qui n'auraient pas été pourvus sont ouverts au titre du 2° ". Aux termes de l'article 39 du décret du 9 octobre 2019 modifiant le décret du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire : " Pour la constitution initiale du corps, il n'est pas tenu compte, jusqu'au 31 décembre 2023, des proportions indiquées par l'article 38-4 du même décret pour les différentes voies de recrutement des chefs des services pénitentiaires. / Le nombre d'emplois pourvus par ces différentes voies est fixé, chaque année, par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et des ministres chargés de la fonction publique et du budget ".
4. D'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il remplissait les conditions d'ancienneté requises dès lors que sa non-inscription a été décidée pour un motif autre.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du mémoire de non proposition d'inscription de M. B... sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des chefs des services pénitentiaires et du rapport de l'inspection générale de la justice sur le fonctionnement de la maison d'arrêt de Niort établi en novembre 2020, que M. B... a connu d'importantes difficultés dans ses fonctions de chef d'établissement des maisons d'arrêt de La-Roche-sur-Yon et de Niort, qui mettent en cause son aptitude au commandement. S'il ressort du rapport d'inspection que ces difficultés ne sont pas imputables au seul
M. B..., les documents déjà mentionnés font état de défaillances de management de sa part se traduisant par la remise en cause de son autorité, de compétences insuffisantes, d'un manque de réactivité, du non-respect de certaines dispositions réglementaires et d'une absence de remise en question, sans que soient en cause les faits mentionnés par le courrier adressé le 21 avril 2020 par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux à la garde des sceaux, ministre de la justice. Il ressort en outre du rapport d'inspection que M. B... a eu une attitude inappropriée à l'égard de plusieurs femmes en fonction dans le service, cette attitude étant corroborée par des témoignages variés. Enfin, les circonstances que
M. B... a suivi des formations et a mené à bien plusieurs réalisations au cours de sa carrière, a reçu un témoignage de satisfaction en 2013 et que des qualités professionnelles, notamment relationnelles, lui sont reconnues ne sont pas de nature à contredire l'existence de ces difficultés dans l'exercice de ses fonctions de commandement et dans son attitude avec le personnel féminin. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
6. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les décisions contestées ne sont pas entachées de détournement de pouvoir.
Sur la décision du 24 février 2021 :
7. D'une part, le rapport de l'inspection de novembre 2020 fait état d'une ambiance de travail dégradée au sein de la maison d'arrêt de Niort, de tensions dans les relations hiérarchiques et d'agents en souffrance. En outre, il ressort de la décision contestée qu'un mouvement social a été déclenché dans l'établissement le 26 janvier 2021 pour y dénoncer les conditions de travail. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. B... n'était pas apte à diriger un établissement. Dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de le muter, dans l'intérêt du service, au centre pénitentiaire de Nantes sur des fonctions de commandant officier.
8. D'autre part, si la décision de mutation de M. B... a eu pour effet de réduire ses responsabilités en ce qu'il n'est plus affecté sur un poste de chef d'établissement, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette décision est motivée par l'intérêt du service. Il ressort au surplus de la décision contestée que l'administration a pris en compte le souhait exprimé par M. B... d'être affecté à proximité de la Loire-Atlantique en l'affectant au centre pénitentiaire de Nantes. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée constituerait une sanction déguisée et serait entachée de détournement de pouvoir doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02426