Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de La Courneuve à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont elle aurait été la victime dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'envoi de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 2004033 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 avril et 13 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Boukheloua, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner la commune de La Courneuve à lui verser une somme de 40 000 euros en indemnisation de son préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'envoi de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Courneuve une somme de 3 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé ;
- elle a été victime depuis sa prise de fonctions en 2008 au sein du service " démocratie participative " de la commune de La Courneuve de faits constitutifs de harcèlement moral dont elle est fondée à demander l'indemnisation ;
- elle a subi un préjudice de carrière, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui peuvent être évalués à la somme totale de 40 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2023, la commune de La Courneuve, représentée par la SELAS Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est régulier ;
- Mme B... n'a pas été victime d'agissements de harcèlement moral ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bouyx, représentant Mme B..., et Me Hubert-Hugoud, représentant la commune de La Courneuve.
Considérant ce qui suit :
1. Recrutée en 2008 par la commune de La Courneuve au sein de l'unité " Démocratie participative et vie associative ", Mme B... a été titularisée en 2011 dans le cadre d'emploi d'animateur territorial. Elle a demandé à la commune de La Courneuve de l'indemniser à hauteur de 40 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont elle aurait été la victime. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande de condamnation de la commune de La Courneuve.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En premier lieu, si Mme B... soutient que le premier poste sur lequel elle a été affectée de 2008 à 2012 ne comportait aucune mission malgré les nombreuses relances faites à son employeur, elle n'apporte aucune précision ni aucun élément au soutien de ses allégations à l'exception d'un courrier du 17 septembre 2012 écrit après un entretien au cours duquel elle a exprimé sa souffrance au travail et à la suite duquel une fiche de poste lui a été transmise. Il résulte par ailleurs de ses propres écritures qu'elle a été affectée sur un autre poste en 2012 en étant nommée coordinatrice des boutiques de quartier.
5. En deuxième lieu, Mme B... n'indique pas en quoi elle aurait été privée d'un mobilier adapté à l'exercice de ses fonctions. Il résulte en outre de l'instruction que ce n'est qu'en 2017 qu'elle a été affectée, l'après-midi seulement, sur les deux boutiques de son ressort, la commune de La Courneuve faisant valoir sans être contredite qu'elle disposait également d'un bureau au sein de la maison de la citoyenneté. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été tenue à l'écart des restructurations de son service, comme le montrent les comptes-rendus des comités techniques de 2015 et 2017. La circonstance que la boutique des Quatre-Roues ne lui a pas été confiée alors qu'elle disposait de mobiliers neufs n'est quant à elle pas de nature à révéler des agissements de harcèlement moral alors qu'il résulte de l'instruction que cette boutique était rattachée à la direction générale et non à l'unité " Démocratie participative et vie associative " au sein de laquelle évoluait l'intéressée. Enfin, si dans un échange de SMS du 30 septembre 2016 avec son responsable hiérarchique, elle évoque son " bore out ", il résulte de l'instruction que son supérieur a signalé son mal-être à la direction des ressources humaines le 10 octobre 2016 et l'intéressée n'apporte pas d'éléments de nature à laisser présumer que son mal-être au travail pouvait être lié à des agissements ou à l'inaction de sa hiérarchie. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que son supérieur hiérarchique lui a, à la fin de l'année 2016, demandé la production d'une note afin d'inscrire ses fonctions dans un projet de structure qu'elle n'a jamais réalisée malgré plusieurs relances.
6. En troisième lieu, s'il résulte de l'instruction que la commune de La Courneuve a tardé, en 2016, à apporter une réponse positive à la demande de formation de Mme B..., cette dernière a été informée des raisons de ce retard et a pu s'inscrire dans les délais requis à la préparation du diplôme d'études supérieures universitaires en droit et gestion des collectivités territoriales qu'elle souhaitait suivre. Elle a d'ailleurs remercié plusieurs de ses collègues, dont son supérieur hiérarchique, pour leur aide le 7 juin 2017 à la suite de l'obtention de son diplôme et ce dernier l'a, contrairement, à ce qu'elle allègue, félicitée par un courriel du même jour.
7. En quatrième lieu, si Mme B... soutient qu'à compter de 2018, les associations ne passaient plus par son intermédiaire, qu'elle n'était plus conviée aux réunions et qu'elle n'était plus associée à la rédaction des conventions de mise à disposition de la boutique de quartier à l'égard des associations, elle n'apporte aucun exemple au soutien de ses allégations. En outre, ainsi que le fait valoir la commune de La Courneuve, la circonstance que des associations n'auraient pas souhaité s'adresser à elle ne serait pas en tant que telle de nature à révéler des agissements de harcèlement moral de la part de son employeur. Il résulte au demeurant de l'instruction que Mme B... ne souhaitait de son côté plus s'adresser à l'une de ces associations. La commune de La Courneuve produit par ailleurs des échanges de courriels montrant que Mme B... continuait à être sollicitée. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme B... a été régulièrement absente durant cette période.
8. En cinquième lieu, les rumeurs malveillantes sur ses mœurs dont Mme B... soutient avoir fait l'objet pendant son congé de maternité ne sont aucunement étayées.
9. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... a été informée le 5 avril 2019, à l'occasion d'une réunion avec la direction des ressources humaines, que son poste avait vocation à être supprimé. Si elle s'est plainte au cours de cette réunion d'avoir appris cette suppression par d'autres collègues, son supérieur a expliqué qu'elle avait été absente soixante jours, notamment lors de la réunion au cours de laquelle cette suppression avait été évoquée. Il résulte également de l'instruction qu'elle a été informée, par un courriel du 6 juin 2019, de l'arrivée d'un nouveau collègue et de la nécessité de lui transmettre ses contacts avec le quartier des 4000 sud, tout en maintenant ses prérogatives de responsable du comité de voisinage des 4000 sud. Enfin, la circonstance qu'aucune proposition de nouveau poste ne lui a été faite ne permet pas de caractériser des agissements constitutifs de harcèlement moral alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion du 5 avril 2019 et de la délibération du conseil municipal du 10 octobre 2019, qu'un poste correspondant à ses compétences était disponible, et qu'elle a par ailleurs été maintenue en surnombre.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les éléments de fait apportés par Mme B... ne sont pas susceptibles de faire présumer qu'elle aurait subi des agissements constitutifs de harcèlement moral.
Sur les frais du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Courneuve, qui n'est pas perdante pour l'essentiel, la somme que Mme B... demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 800 euros au titre des frais exposés par la commune de La Courneuve et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera une somme de 800 euros à la commune de La Courneuve sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de La Courneuve.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01444