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06/03/2024 | FRANCE | N°23PA04213

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 23PA04213


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 22101

36 du 18 septembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2210136 du 18 septembre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Entré régulièrement en France le 16 septembre 2016, M. B..., ressortissant algérien, né en 1993, a demandé le 28 octobre 2019 la délivrance d'un certificat de résidence. Par un arrêté du 2 juin 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Par un jugement n° 2005408 du 2 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B.... A la suite du réexamen de la demande de l'intéressé, à la faveur duquel celui-ci a sollicité, à titre exceptionnel, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à nouveau, par un arrêté du 16 décembre 2021, de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 décembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les stipulations du 5) de l'article 6 et du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que, d'ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière précise et circonstanciée les conditions d'entrée et du séjour en France de M. B..., sa situation personnelle et familiale ainsi que les éléments sur lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé pour considérer que la présence de M. B... en France constitue une menace pour l'ordre public. A ce dernier égard, si le requérant conteste la réalité de cette menace, la motivation de l'arrêté attaqué s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En second lieu, aucune stipulation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, et notamment des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel " [la] délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ", de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur un motif de menace pour l'ordre public.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur les motifs tirés de ce que, d'une part, les éléments relatifs à la situation professionnelle, personnelle et familiale de l'intéressé ne sont pas constitutifs de circonstances particulières justifiant la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " au titre de son pouvoir de régularisation, et de ce que, d'autre part, la présence de M. B... en France constitue une menace pour l'ordre public dès lors que, par une ordonnance du 19 février 2021, le Tribunal judiciaire de Bobigny l'a condamné à une amende de 300 euros à titre principal et à l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière à titre complémentaire, pour des faits commis en 2020 d'usage illicite de stupéfiants, de refus par conducteur de véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et de conduite d'un véhicule sans permis.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident ses parents ainsi que sa sœur. Par ailleurs, s'il est constant que le requérant réside en France depuis le 16 septembre 2016 et s'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, il a exercé le métier d'employé polyvalent au sein de plusieurs enseignes de supermarché du 1er août 2017 au 31 octobre 2019 puis du 1er juin 2020 au 31 août 2020, ces circonstances ne sauraient toutefois faire regarder le préfet de la Seine-Saint-Denis comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour du requérant au titre de son pouvoir de régularisation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. D'autre part, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision à l'égard du requérant s'il n'avait retenu que le motif tiré de ce que la situation professionnelle, personnelle et familiale de M. B... ne justifie pas, ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, la délivrance d'un certificat de résidence au titre de son pouvoir de régularisation, le préfet a pu légalement refuser, pour ce seul motif, de délivrer un certificat de résidence à M. B.... Par suite, les moyens tirés d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation quant au motif de la menace pour l'ordre public, doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " Les décisions relatives au refus (...) du délai de départ volontaire prévues [à l'article] L. 612-2 (...) sont motivées ".

9. S'il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus d'octroi d'un délai volontaire attaquée vise les dispositions précitées de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne fait toutefois pas apparaître les considérations de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a entendu se fonder pour prononcer cette décision. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et à en demander pour ce motif l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qui en application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut légalement être prononcée que si aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'annulation des décisions du 16 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210136 du Tribunal administratif de Montreuil du 18 septembre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions du 16 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 2 : Les décisions du 16 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04213
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23pa04213 ?
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