Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juin 2021 par laquelle le président-directeur général du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de la titulariser dans le corps des chargés de recherche et a prononcé son licenciement et d'enjoindre au CNRS de la réintégrer et de la titulariser.
Par un jugement n° 2127061/5-1 du 28 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du 29 juin 2021.
Procédure devant la Cour :
I° Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 juillet 2023, le 8 aout 2023 et 26 décembre 2023 sous le n° 23PA03301, le centre national de la recherche scientifique (CNRS), représenté par la sarl Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2127061/5-1 du 28 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- des faits intervenus avant le stage peuvent légalement fonder un refus de titularisation s'ils ont des conséquences sur l'appréciation de la capacité de l'agent à intégrer le service ;
- en l'espèce, les faits reprochés à Mme B... ont eu des effets sur la réputation du CNRS et sur l'appréciation de la capacité de Mme B... à intégrer le service.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2023 Mme B..., représentée par Me Uhlen, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête du CNRS ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision attaquée et d'enjoindre au CNRS de la réintégrer et de la titulariser à compter du 1er octobre 2020 ou à titre subsidiaire à compter du 1er octobre 2021 ;
3°) de mettre à la charge du CNRS le versement de la somme de 3 000 euros à chacun des défendeurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le CNRS ne sont pas fondés.
II° Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 juillet 2023 et le 9 octobre 2023 sous le n° 23PA03308 le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), représenté par la sarl Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2127061/5-1 du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Paris.
Il soutient qu'il existe un doute sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de Mme B....
Par des mémoires en défense enregistrés le 21 septembre 2023 et le 25 octobre 2023 Mme B..., représentée par Me Uhlen, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du CNRS ;
2°) de mettre à la charge du CNRS le versement d'une somme de 2 000 euros à chacun des défendeurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'existe pas de doute sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;
- les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies dès lors que les moyens invoqués par le CNRS ne justifient pas, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions aux fins d'annulation de sa demande.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 :
- le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- les observations de Me Lécuyer pour le CNRS ;
- et les observations de Me Cayla Destrem pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., spécialiste de philosophie médiévale, a été recrutée en tant que chargée de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à compter 1er octobre 2019, et affectée pour son stage à l'UMR 7219 Sciences - Philosophie - Histoire (Sphere). Sa période de stage, prévue initialement pour une durée de douze mois, a été implicitement prolongée avant que, par une décision du 29 juin 2021, le président directeur général du CNRS ne prononçât le licenciement de Mme B.... Par un jugement du 28 juin 2023 le Tribunal administratif de Paris, saisi par Mme B..., a annulé cette décision. Le CNRS fait appel de ce jugement et demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 23PA03301 et 23PA03308 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 24 du décret du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques : " Les chargés de recherche sont nommés en qualité de stagiaires par le directeur général de l'établissement. Celui-ci les affecte à une unité de recherche relevant de l'établissement ou associée à lui ou à un service. / Les stagiaires sont titularisés, après avis de l'instance compétente d'évaluation, lorsqu'ils ont accompli un an d'exercice de leurs fonctions. / La durée de ce stage peut être prolongée une fois, au maximum pour une durée d'un an, après avis de l'instance d'évaluation. / Les stagiaires qui à l'issue de la période de stage ne sont pas titularisés, sont réintégrés dans leur corps d'origine ou licenciés. (...) "
4. Pour annuler la décision attaquée, le Tribunal administratif de Paris a considéré que cette décision étant fondée sur des faits commis alors que Mme B... n'était pas fonctionnaire, les dispositions de l'article 13 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, relatives à la procédure disciplinaire en cours de stage, étaient applicables à Mme B... et que cette procédure n'avait pas été mise en œuvre, la privant ainsi d'une garantie.
5. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. Pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
6. Aux termes de l'article 13 du décret n° 94-874 : " L'administration doit, lorsqu'elle engage une procédure disciplinaire, informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et qu'il peut se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix./ Les sanctions autres que l'avertissement et le blâme sont prononcées après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, siégeant en conseil de discipline./ L'avis de la commission et la décision qui prononce la sanction doivent être motivés. "
7. Il résulte des pièces du dossier, et notamment des écritures sur ce point du CNRS en l'absence de motivation de la décision attaquée, que la décision de procéder au licenciement de Mme B... a pour fondement non pas une insuffisance professionnelle constatée pendant la durée de son stage, mais exclusivement des faits commis antérieurement à son stage, à savoir des publications ne respectant pas les règles scientifiques et déontologiques de citation des sources, qui ont été considérés comme ayant un caractère fautif et que le CNRS a entendu sanctionner à titre exclusivement disciplinaire en prononçant son licenciement. Dès lors qu'il est constant que l'ensemble de la procédure disciplinaire n'a pas été mise en œuvre avant le licenciement de Mme B..., le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé la décision attaquée du 29 juin 2021.
Sur le sursis à exécution :
8. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions du CNRS tendant à l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris du 28 juin 2023, la requête enregistrée sous le n° 23PA03308 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution est devenue sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais de l'instance
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le CNRS demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNRS la somme de 1 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA03308 du CNRS.
Article 2 : La requête n° 23PA03301 du CNRS est rejetée.
Article 3 : Le CNRS versera à Mme B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la recherche scientifique et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03301, 23PA03308