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06/03/2024 | FRANCE | N°23PA03123

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 23PA03123


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 5 avril 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2308086 du 22 juin 2023, le magistrat désigné par le président

du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 5 avril 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2308086 du 22 juin 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 5 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- son droit d'être entendu a été méconnu ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- son droit d'être entendu a été méconnu ;

- cette décision est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet de police s'est estimé en situation de compétence liée ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- son droit d'être entendu a été méconnu ;

- cette décision est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision n° 91-294 DC du Conseil constitutionnel en date du 25 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés distincts du 5 avril 2023, le préfet de police a, d'une part, obligé M. A..., ressortissant algérien, né en 1985, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".

3. La décision attaquée, qui vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A... " ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français " et qu'il " ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de M. A.... La circonstance que le préfet de police n'a pas indiqué dans l'arrêté attaqué que le père du requérant réside en France et que sa mère est décédée, ne saurait manifester par elle-même un défaut d'examen de sa situation, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions du procès-verbal d'audition de l'intéressé dressé le 4 avril 2023, que celui-ci s'est borné à déclarer que " toute sa famille proche est en France " sans autre précision. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de M. A... doit être écarté.

5. En troisième lieu, la circonstance que le préfet de police n'a pas pris en compte toutes les observations de M. A... relatives à sa situation familiale en France n'est pas constitutive d'une méconnaissance du droit d'être entendu, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'intervention de l'arrêté attaqué, l'intéressé a été auditionné sur sa situation par les services de police le 4 avril 2023, et que les mentions du procès-verbal de cette audition, qui a été signé sans réserve par M. A..., font apparaître que celui-ci a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises / (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum / (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette convention : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties Contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes pendant la durée de validité du visa (...) / 2. Jusqu'à l'instauration du visa uniforme, les étrangers titulaires d'un visa délivré par une des Parties Contractantes, qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une d'elles, peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes pendant la durée de validité du visa et au maximum pendant trois mois à compter de la date de la première entrée (...) / (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". Aux termes de l'article 22 de la même convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie Contractante, aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie Contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie Contractante sur lequel ils pénètrent / (...) ".

8. L'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain, par l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à cette convention, auprès des services de la police nationale, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 621-4 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. Lorsqu'un étranger entre ou séjourne sur le territoire métropolitain sans souscrire à la formalité de déclaration s'il y est astreint, il peut, en vertu des dispositions de l'article L. 621-3 du même code, être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement. Il résulte de la décision n° 91-294 DC du Conseil constitutionnel en date du 25 juillet 1991 que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

9. Dans le cas de concours de plusieurs engagements internationaux, il y a lieu d'en définir les modalités d'application respectives conformément à leurs stipulations et en fonction des principes du droit coutumier relatifs à la combinaison entre elles des conventions internationales.

10. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Parmi ces règles, l'article 9 de cet accord impose que les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois présentent un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises.

11. Toutefois, ne sont pas incompatibles avec ces règles, les stipulations de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, dont l'article 10 institue un visa uniforme pour le territoire de l'ensemble des parties contractantes pour un séjour de trois mois au maximum et dont l'article 19 énonce que les étrangers au sens de l'article premier de ladite convention qui sont titulaires soit d'un visa uniforme soit d'un visa délivré par une des parties contractantes et qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une d'elles, peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des parties contractantes pendant la durée de validité du visa. En outre, en application des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 et de son annexe I, les ressortissants algériens sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré sur le territoire portugais, le 17 juin 2019, muni d'un passeport algérien revêtu d'un visa Schengen délivré par les autorités portugaises, valable du 6 juin 2019 au 5 juillet 2019, a rejoint le 18 juin 2019 le territoire français, après avoir transité par l'Espagne, soit avant l'expiration de son visa. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que, dès son arrivée en France, le requérant aurait souscrit la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, à défaut de relever d'un des deux cas de dispense de cette formalité prévus à l'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ainsi, le préfet de police a pu à bon droit relever que M. A... ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) [ou] qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

14. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

15. En deuxième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas entaché l'arrêté attaqué d'un défaut d'examen de la situation de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

16. En troisième lieu, le moyen tiré d'une méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

17. En quatrième lieu, pour refuser d'octroyer à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé " ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français " et " n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ", qu'il " a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ", qu'il " s'est soustrait à l'exécution d'une précédente (...) [obligation de quitter le territoire français] du 10 juillet 2019 " et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où " il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité " ni " ne justifie d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ". Ainsi, le préfet de police a fondé sa décision sur les dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 12, M. A... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement fonder sa décision sur les dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 et du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce motif étant suffisant pour justifier le refus de délai de départ volontaire, il n'y a pas lieu d'apprécier, contrairement à ce que soutient le requérant, si celui-ci s'est effectivement soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Ainsi, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant commis une erreur dans l'appréciation du risque que M. A... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français attaquée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

18. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit doit être écarté.

19. En dernier lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors que le préfet de police n'établit pas qu'une obligation de quitter le territoire français lui aurait été notifiée le 10 juillet 2019, ce moyen ne peut qu'être écarté compte tenu de ce qui a été dit au point 17. En outre, le préfet de police produit en appel une copie de cette mesure d'éloignement dont il ressort que celle-ci a été effectivement notifiée au requérant, l'intéressé y ayant apposé sa signature le 10 juillet 2019.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".

21. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

22. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, qui vise les dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois au motif que, d'une part, l'intéressé allègue être entré en France le 18 juin 2022, que, d'autre part, il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dans la mesure où il s'est déclaré célibataire et sans enfant et qu'enfin, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 10 juillet 2019 par le préfet du Nord. Le préfet de police, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé de façon précise les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions citées au point 20. En outre, la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de police. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

24. En deuxième lieu, il résulte des motifs de la décision attaquée comme des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas entaché l'arrêté attaqué d'un défaut d'examen de la situation de M. A.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

25. En troisième lieu, le moyen tiré d'une méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5.

26. En quatrième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré pour la dernière fois en France le 18 juin 2019, et non le 18 juin 2022 comme indiqué dans l'arrêté attaqué, les éléments produits en première instance par l'intéressé n'attestent en tout état de cause d'aucune insertion particulière dans la société française depuis son arrivée sur le territoire français. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que le père du requérant est titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans en cours de validité à la date de l'arrêté attaqué et que sa mère est décédée en Algérie en 1990, il est constant que M. A... est célibataire et sans enfant à charge en France et qu'en outre, il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 34 ans. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de police établit, par les pièces qu'il a versées en première instance, que les vérifications au fichier national des étrangers ont mis en évidence que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet du Nord le 10 juillet 2019. Dans ces conditions, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant commis une erreur dans l'appréciation des critères mis en œuvre pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée.

27. En dernier lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors que le préfet de police n'établit pas l'existence d'une obligation de quitter le territoire français qui aurait été prise à son encontre le 10 juillet 2019, ce moyen ne peut qu'être écarté compte tenu de ce qui a été dit au point précédent. En outre, le préfet de police produit en appel une copie de cette mesure d'éloignement dont il ressort que celle-ci a été effectivement notifiée au requérant, l'intéressé y ayant apposé sa signature le 10 juillet 2019.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03123
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23pa03123 ?
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