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06/03/2024 | FRANCE | N°23PA00197

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 23PA00197


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2111022 du 15 déc

embre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2111022 du 15 décembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2111022 du 15 décembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2021 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, les premiers juges, qui n'ont pas demandé au préfet les éléments établissant que ces dispositions avaient été respectées, ont méconnu l'étendue de leur compétence en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs généraux d'instruction ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure de consultation du traitement des antécédents judiciaires irrégulière, dès lors qu'elle a méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de Me Bahic, substituant Me Rochiccioli, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né en 1967, a sollicité le 16 février 2021 le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle d'une durée de deux ans portant la mention " vie privée et familiale " qui venait à expiration le 4 avril 2021. Par un arrêté du 5 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis au moins l'année 2003, qu'il y réside de façon régulière depuis le 27 février 2013 et qu'il y a exercé diverses activités salariées notamment entre 2013 et 2015 puis entre 2017 et 2019, à l'occasion desquelles il a été victime de deux accidents de travail les 21 décembre 2019 et 6 mars 2020 et a perçu à ce titre des indemnités journalières. Par ailleurs, l'épouse du requérant et leur fils, né en 2004, sont venus le rejoindre en France dans le cadre du regroupement familial qui a été autorisé par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 24 février 2017, son épouse étant titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle en cours de validité à la date de l'arrêté attaqué et leur enfant mineur étant scolarisé. Pour refuser de renouveler la carte de séjour pluriannuelle de M. A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public en se fondant sur la circonstance que l'identité de M. A... a été enregistrée dans le traitement des antécédents judiciaires en tant que mis en cause pour avoir été interpellé pour des faits d'appels téléphoniques malveillants réitérés commis le 28 mars 2004, des faits d'entrée ou de séjour irrégulier d'un étranger en France ainsi que de soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière commis le 25 juin 2007, des faits de dénonciation mensongère commis le 15 septembre 2013, des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis le 4 janvier 2016 et, enfin, des faits d'agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans commis entre les 17 et 20 septembre 2019. Malgré la gravité de certains faits pour lesquelles le requérant a été interpellé, il n'apparaît pas que le comportement de celui-ci, qui conteste la matérialité de tous les faits qui lui sont reprochés, puisse être regardé, à la date de l'arrêté attaqué, comme constituant une menace pour l'ordre public dès lors que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait fait l'objet d'une condamnation pénale ou qu'une information judiciaire serait en cours à raison de tout ou partie des faits qui lui sont reprochés et que, d'autre part, ces faits sont intervenus entre cinq et dix-sept ans avant l'intervention de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, les faits reprochés à M. A... ne permettant pas de caractériser une menace pour l'ordre public, l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Saint a refusé de renouveler la carte de séjour pluriannuelle du requérant a, dans les circonstances de l'espèce, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du 5 juillet 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. A..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à celui-ci une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de deux ans portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A....

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1err : Le jugement n° 2111022 du Tribunal administratif de Montreuil du 15 décembre 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de deux ans portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

La présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00197 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00197
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23pa00197 ?
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